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Intervention de Yanick Paternotte

Réunion du 13 décembre 2011 à 15h00
Rénovation du réseau express régional d'Île-de-france — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYanick Paternotte, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, présentée par notre collègue Pierre Morange et plusieurs de nos collègues franciliens au printemps dernier, la présente proposition de résolution vise à créer une commission d'enquête de trente membres, dont les travaux se dérouleront dans les quelques semaines qui nous séparent de la fin de la treizième législature. L'urgence de cette démarche se justifie à plus d'un titre.

Tout d'abord, le thème de travail proposé : les modalités, le financement et l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau RER d'Île-de-France, intéresse les onze millions de Franciliens voués à emprunter ce mode de transport victime de trop longues années de sous-investissement et, paradoxalement, de son succès grandissant, les besoins de mobilité à l'échelle de la région capitale étant plus forts que jamais.

Ensuite, comme l'attestent, notamment, les reports successifs du débat parlementaire sur le schéma national des infrastructures de transport, force est de constater que la représentation nationale reste trop peu associée à la définition des grands choix stratégiques structurants qui engagent l'avenir et mobilisent l'argent du contribuable. Or le Parlement doit en toute occasion s'attacher à exercer la fonction de contrôle que la Constitution lui reconnaît et qu'il a, hélas ! trop souvent tendance à négliger ou à déléguer à des autorités moins légitimes que lui.

Enfin, la commission d'enquête est un outil d'intervention adapté, en ce qu'elle permet, au-delà des effets d'annonce de certains responsables publics, d'approfondir la connaissance des enjeux et d'obtenir des précisions fiables sur le déroulement des projets. Comme j'ai pu le constater en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire, créée à l'initiative de nos collègues du groupe GDR, la grande rigueur qui est d'usage dans ce cadre constitue une garantie, face à des enjeux aussi essentiels que la maîtrise des coûts ou le respect de l'environnement. J'ai eu l'occasion de le dire en commission du développement durable : j'ai été surpris en découvrant que, dans le cadre d'une commission d'enquête, on parvient à recueillir des témoignages et des données que l'on ne trouve parfois nulle part ailleurs.

Comme je l'ai également déjà fait en commission, il est de ma responsabilité de vous indiquer que la présente proposition de résolution satisfait les exigences posées par le règlement de l'Assemblée nationale, au nombre de trois.

Tout d'abord, la proposition de résolution porte sur des faits déterminés, puisqu'elle tend à analyser les modalités, notamment financières, et les conséquences de tous ordres du projet de rénovation du RER. Son objectif satisfait donc aux exigences posées par l'article 137 du règlement.

Ensuite, elle remplit les conditions posées par l'article 138 du règlement, puisqu'aucune commission d'enquête ou aucune mission réalisée dans les conditions prévues à l'article 145-1 n'a effectué des travaux sur ce même sujet depuis douze mois.

Enfin, la dernière condition de recevabilité d'une proposition de résolution concerne la mise en oeuvre du principe de séparation entre le pouvoir législatif et l'autorité judiciaire, qui interdit aux assemblées parlementaires d'enquêter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires en cours. Cette condition est satisfaite, puisqu'aucune procédure en cours n'entre dans le champ d'étude proposé, ainsi que l'a indiqué par courrier, le 14 avril dernier, M. le garde des sceaux au président de l'Assemblée nationale, en réponse à la lettre qui lui avait été envoyée le 29 mars.

Je souligne au passage, monsieur le ministre, que la présente proposition de résolution a été déposée en février. Certains de nos collègues ne manqueront pas, je suppose, de nous reprocher la lenteur de son examen. Je regrette que l'on n'ait pu trouver plus promptement pour ce texte une place dans l'agenda parlementaire.

Mes chers collègues, la commission d'enquête qu'il vous est proposé de créer aura pour ambition d'analyser les modalités et les conséquences de tous ordres d'un projet d'intérêt général : la rénovation du réseau RER, dont l'urgence et la nécessité sont indiscutables.

Le réseau RER date de 1962. Sa réalisation s'est étalée jusqu'en 1979 pour les quatre premières lignes. Aujourd'hui, cela représente 587 kilomètres sur cinq lignes, 2,7 millions de passagers par jour, dont 1,2 million sur la ligne A et plus de 500 000 sur la ligne D, dans sa partie nord.

Du fait de la dégradation d'un réseau par ailleurs plutôt bien conçu et à l'époque riche de potentialités, du risque de saturation du système – ce qui, paradoxalement, valide sa pertinence – et de la réalité de la gêne qui en résulte pour les usagers, la nécessité d'une rénovation ne fait pas débat en Île-de-France. S'agissant d'un projet d'intérêt général, il est d'autant plus légitime que s'en saisisse la représentation nationale que les élus des territoires concernés sont quotidiennement interpellés à ce sujet. Pour ma part, élu de l'est du Val-d'Oise, je peux vous dire que la ligne D est l'objet d'un débat récurrent et d'une insatisfaction permanente de la part des habitants de ces territoires.

Le premier constat justifiant une démarche d'investigation, c'est que le réseau et le service du RER se sont dégradés du fait d'une trop longue période de sous-investissement. Dès lors, il conviendra, après avoir analysé les causes de ce phénomène, de proposer des solutions pour y remédier, dans une recherche de complémentarité avec les autres projets qui concernent la région, en particulier le réseau de métro automatique du Grand Paris, le Grand Paris Express.

Un effort particulier doit être entrepris pour moderniser le matériel roulant, fiabiliser les infrastructures, pour prévenir les incidents techniques qui perturbent de manière répétée la régularité des trains, conforter les efforts déjà accomplis en matière de rationalisation du service, notamment en ce qui concerne le partage des responsabilités entre la RATP et la SNCF – on, ne peut pas vraiment dire que ce soit un atout extraordinaire –, enfin et peut-être surtout, pour sécuriser les voyageurs, qui se sentent parfois bien seuls dans des rames relativement vides en dehors des heures de pointe.

Il convient de noter que la ligne A et une partie de la ligne D figurent parmi les douze lignes identifiées par la SNCF au début de l'année 2011 comme « sensibles » et devant à ce titre faire l'objet de projets de services spécifiques.

En matière de plans de financement, il conviendra que les membres de la commission d'enquête obtiennent des données précises et fiables précisant les indicateurs à partir desquels elles ont été établies. En effet, tant l'analyse des avant-projets successifs du SNIT, qui s'est étalée de novembre 2010 à novembre 2011, en trois étapes, que le contrôle de la mise en application de la loi relative au Grand Paris ont montré combien il était difficile de recueillir des données précises, j'oserais dire objectives, garanties par les opérateurs – et parfois tout simplement réalistes quant au financement.

Les deux nouvelles rames à deux étages mises en service hier sur la ligne A, d'une capacité augmentée de 60 % par rapport à celles qui circulent actuellement – passant de 1 700 à 2 600 voyageurs potentiels – ne manqueront pas d'améliorer les conditions de transport sur la ligne, en attendant que de telles rames arrivent sur la ligne D puis sur les autres lignes. Si elles disposent d'une plus grande capacité et de meilleures prestations d'accessibilité et de confort, la qualité de service reste perfectible, comme l'a du reste admis le PDG de la RATP lors de sa dernière audition par notre commission du développement durable, le 22 juin.

Du reste, lors de la présentation du bilan des débats publics conjoints sur le réseau de transport public du Grand Paris et sur le projet régional Arc Express, avant que les deux ne fusionnent dans le Grand Paris Express, débats organisés fin 2010, le préfet Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public, n'a pas hésité à parler de « souffrance » pour qualifier la situation des Franciliens soumis à d'incessantes perturbations de transport, en particulier sur le réseau RER. L'urgence d'améliorer cette situation est donc d'autant plus grande que la souffrance des usagers est vive.

En outre, malgré une relative stabilisation de la conflictualité sociale et une application globalement satisfaisante de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public, dite « loi sur le service minimum », les perturbations liées aux grèves restent une source d'anxiété pour les voyageurs, notamment parce qu'elles mettent en évidence leur dépendance vis-à-vis d'un mode de déplacement dont ils ne maîtrisent pas toutes les variables. Sont en effet pris en otage les usagers sans solution alternative, comme ceux de la branche nord de la ligne D, dans le Val-d'Oise, et les plus fragiles, ceux qui n'ont pas de véhicule.

Pour toutes ces raisons, la mise en oeuvre de la rénovation du RER doit faire l'objet d'un suivi attentif du Parlement. Dans son exposé sommaire à l'appui de cette proposition de résolution, notre excellent collègue Pierre Morange, que je salue, insiste à raison sur la nécessité de bien dimensionner les opérations de rénovation aux besoins réellement constatés, car il est essentiel d'évaluer « tant la capacité d'absorption du projet de réseau d'un afflux ponctuel de voyageurs – par exemple, en cas de pannes de machines ou de grèves – que l'augmentation prévisible du trafic à trente ans, en fonction de l'accroissement prévisible du nombre d'usagers ».

Je ne peux que souligner la justesse de cette analyse. Prévoir un projet de rénovation a minima, en vue de ne résoudre que les incidents constatés au cours des dernières années, serait à notre avis une expérience sans grand avenir. La commission d'enquête devra par conséquent porter une attention particulière aux études qui pourront lui être présentées afin de vérifier que toutes les solutions envisagées sont conformes aux prévisions de charge qui dimensionnent le réseau rénové.

Enfin, elle devra se rapprocher des bons interlocuteurs pour exprimer sa préoccupation que les projets de développement prennent bien en compte les problèmes environnementaux, pour ce qui concerne tant la préservation des milieux desservis que le choix de solutions techniques et d'un matériel roulant aux nuisances aussi limitées que possible.

La commission du développement durable a souhaité apporter quelques modifications à cette proposition de résolution. Elles sont toutes d'ordre rédactionnel, à une exception près : nous avons décidé d'élargir le champ initialement proposé à tout le réseau RER et non de le limiter à la seule ligne A, comme je viens de l'exposer. C'est l'ensemble du réseau que devra examiner la commission d'enquête.

Notre commission du développement durable a adopté cette proposition de résolution déposée à l'initiative de notre collègue Pierre Morange et qu'à titre personnel je soutiens avec force. Pour toutes les raisons que j'ai exposées, je vous invite, mes chers collègues, à la voter.

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