Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce soir, dans cet hémicycle, nous nous répétons, et c'est tant mieux ! Dernière oratrice inscrite, je ne vais pas déroger.
Selon le dictionnaire, l'action de prostituer consiste à « avilir et dégrader quelque chose de respectable ». Cette « chose respectable », en l'occurrence, n'est autre que le corps humain, que nous nous devons de protéger. En effet, la prostitution n'est rien d'autre qu'une atteinte à l'intégrité du corps humain, auquel une valeur patrimoniale est attribuée et qui, à ce titre, fait l'objet de commerce et de traite.
La prostitution ne relève pas de la liberté sexuelle, dans la mesure où le libre choix n'existe pas, ou de façon marginale. Comment peut-on parler de liberté quand 80 % des prostituées sont d'origine étrangère, « importées », pourrait-on dire, maltraitées, menacées, sans droits, quand toutes les prostituées sont victimes de violences ? Où est le choix ?
Et quand bien même cette liberté existerait, elle trouverait ses limites dans les principes fondamentaux qui nous régissent, au premier rang desquels figurent le respect de l'intégrité du corps humain ou l'égalité hommes-femmes.
La prostitution n'est pas une nécessité sociale permettant de diminuer les agressions sexuelles, comme on l'entend trop souvent. Ce postulat intolérable nie les droits les plus élémentaires de la femme, et donne une lecture rétrograde de la sexualité masculine. Se cacher derrière ce postulat est indigne de notre République. S'il existe un réel consensus sur ces constats, il doit en être de même pour la proposition d'abolir la prostitution.
Certes, la France est abolitionniste depuis 1960, mais les politiques publiques en France sont ambivalentes et incomplètes. Si la lutte contre la traite des êtes humains est réelle et en constante progression, les actions en faveur de l'abolition de la prostitution manquent de cohérence et de moyens.
Elles manquent de cohérence, car on prétend vouloir abolir la prostitution, mais on la reconnaît fiscalement.
Elles manquent de cohérence, car on prétend vouloir aider à la sortie de la prostitution, mais on punit la victime en la traitant de « délinquante » – c'est la fameuse loi de sécurité intérieure, à l'époque où M. Sarkozy était ministre de l'intérieur – et on laisse les clients libres de leurs actes.
Par ailleurs, elles manquent de moyens, car on a laissé à l'abandon les politiques d'accompagnement des prostituées, prévues pour les aider à s'en sortir.
Il faut d'ailleurs, ici, saluer le travail et le dévouement des associations sur le terrain, qui, malgré les baisses de financements constantes, maintiennent une présence et une aide à ces personnes en situation de détresse.
Mes chers collègues, la résolution que nous proposons aujourd'hui souhaite poser clairement la manière dont la France entend parvenir à l'abolition de la prostitution. Pour cela, il est impératif de ne pas réprimer les prostituées, mais de responsabiliser les clients. C'est en effet la demande des hommes qui génère la prostitution, laquelle est une forme de domination de l'homme sur la femme. Pourtant, dans notre société, c'est la personne qui vend son corps qui est moralement condamnable et condamnée, alors que celle qui l'achète est dédouanée de toute responsabilité.
Il est impératif de refuser la légitimation de la prostitution au motif qu'elle serait un mal prétendument nécessaire répondant à des besoins sexuels masculins irrépressibles.
Il est également impératif d'assurer un accompagnement réel de la sortie de la prostitution.
Enfin, il est impératif de maintenir et d'amplifier la lutte contre la traite des êtres humains.
La France, madame la ministre, a signé l'ensemble des textes internationaux contre la traite des êtres humains et la prostitution. Elle se doit aujourd'hui d'aller plus loin dans leur mise en oeuvre.
Mes chers collègues, parce qu'elle est avant tout violence, parce qu'elle détruit, parce qu'elle nie la dignité humaine, parce qu'elle considère le corps humain comme une marchandise, la prostitution doit être combattue.
Pour conclure, je vous citerai un extrait du manifeste d'un collectif d'hommes regroupés dans un combat laïc et républicain, le réseau ZéroMacho.
Voter ce texte permettra, disent-ils « de donner toute sa place à une liberté véritable, la liberté d'avoir le choix, la liberté de disposer de son corps sans abuser du corps d'autrui, la liberté de pouvoir vivre sans avoir besoin de se prostituer. »
Comme le disait Danielle Bousquet en introduction, voilà la société dans laquelle nous voulons vivre. (Applaudissements sur tous les bancs.)