Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 avril dernier, la mission d'information sur la prostitution rendait son rapport.
Le constat a été unanime : la prostitution est inacceptable. Elle est, en premier lieu, une violence faite aux femmes, aux lourdes, très lourdes, conséquences physiques, psychiques et psychologiques.
Elle est également une aubaine pour les réseaux criminels de traite des êtres humains qui exploitent ces victimes, du stade de l'immigration à celui de la pratique prostitutionnelle, puisque 90 % des prostituées, dans notre pays, sont d'origine étrangère, contre 20 % dans les années soixante, ce qui démontre la prédominance nouvelle d'une véritable « prostitution de la misère ».
Il est du devoir du législateur de protéger les victimes de la prostitution, comme de mettre fin aux trafics criminels qui l'entretiennent.
Nous disposons déjà, dans notre pays, d'un arsenal répressif, qu'il faut maintenir et qui va de l'incrimination de l'exhibitionnisme à celle du proxénétisme sous toutes ses formes et du racolage, actif comme passif. Il faut maintenir ce dispositif en complément de toutes les mesures prises en faveur des victimes de la prostitution et faire en sorte, pour qu'il soit efficace, que les tribunaux appliquent les sanctions prévues. Il serait également opportun de sanctionner les petites annonces qui prolifèrent dans la presse et sur internet, et que le code pénal ne prend pas en compte aujourd'hui.
Je voudrais insister, en tant qu'élu parisien, pour que ne soit pas remis en question le délit de racolage passif ; il s'agit d'une incrimination ancienne – 1930 –, réapparue en 1958, réactivée par la LOPPSI de 2003 et qui, au moins dans un premier temps, a quasiment éradiqué la prostitution de voie publique dans les quartiers où elle tenait le haut du pavé, rendant impossible, avec les multiples trafics qui y sont liés, notamment de drogue, la vie quotidienne des riverains.
Un double objectif était poursuivi : limiter les troubles à l'ordre public et poursuivre les proxénètes à travers leurs victimes. J'en ajouterai un troisième : extraire les prostituées de leur milieu.
Il est à regretter qu'aujourd'hui, près de la moitié des interpellations pour racolage à Paris soient classées sans suite et que, parmi les autres, seulement 5 % soient l'objet de poursuites devant le tribunal correctionnel, 89 % faisant l'objet, le plus souvent, d'un simple rappel à la loi non dissuasif. Il revient au parquet de déférer davantage, car la situation se dégrade, au moins en attendant la mise en oeuvre de la pénalisation du client.
De ce manque de fermeté manifeste résulte un fort sentiment d'impunité chez ceux qui exploitent cette misère humaine, et les clients des prostituées en font partie. C'est l'honneur de cette mission d'information que d'avoir retenu unanimement la pénalisation du client, non pour le réprimer à tout prix, mais avant tout pour l'éduquer et le responsabiliser, comme le fait la Suède, qui affiche des résultats probants.
Je voudrais d'ailleurs faire part d'une expérience personnelle démontrant l'efficacité de telles mesures à destination des clients. Il s'agit de la fermeture du bois de Boulogne dans les années quatre-vingt-dix. La politique mise en oeuvre conjointement par le maire de Paris de l'époque, Jacques Chirac, dont j'étais l'adjoint en charge de la sécurité, le préfet de police et le procureur de la République, a consisté principalement à harceler le client. La prostitution y avait alors spectaculairement chuté.
C'est pourquoi je crois, à l'instar de la présidente et du rapporteur de la mission d'information, tout comme vous, madame la ministre, et aussi comme le ministre de l'intérieur, qui le rappelait encore hier, en cette mesure innovante, assortie d'une campagne de communication grand public.
Ce faisant, notre pays s'inscrirait dans le droit-fil de la posture abolitionniste qui a été la sienne depuis la ratification, en 1960, de la Convention pour la répression de la traite des humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Il s'inscrirait également en cohérence avec le mouvement européen qui s'esquisse avec l'adoption, par l'Islande et la Norvège, et bientôt par l'Irlande et les Pays-Bas, d'une législation similaire.
La France, par son rayonnement et son exemplarité, provoquerait sans nul doute un mouvement mondial. Elle est attendue là par beaucoup de pays et d'associations.
La force de cette proposition de résolution réside aussi dans le fait qu'elle transcende les clivages partisans. À l'unanimité de ses groupes politiques, le Parlement exprime, par son intermédiaire, la position abolitionniste de la France et lance un signal fort, aussi bien aux victimes, à qui est proposée toute une gamme de dispositions pour les aider à sortir de leur enfer, qu'aux réseaux criminels qui les exploitent, à qui nous devons livrer, plus que jamais, une lutte sans merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)