Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution, que nous examinons aujourd'hui, s'inscrit dans la suite logique du travail conduit par la mission d'information sur la prostitution.
Nous nous étions fixé deux grands objectifs : d'une part, établir un état des lieux partagé et objectif de la prostitution en France et, d'autre part, dresser un bilan des politiques publiques menées en la matière. Nous avons ensuite formulé des préconisations pour améliorer les dispositifs existants et mieux lutter contre la prostitution.
Ce qui m'a frappée au cours des travaux de cette mission, c'est que le sujet suscite toujours beaucoup de réactions et fait encore débat aujourd'hui. Certains considèrent encore la prostitution comme « le plus vieux métier du monde » et lui attribuent même une certaine utilité sociale : ceux-là ne comprennent pas l'affirmation de la position abolitionniste. La prostitution n'est pas redevenue, comme je l'ai lu récemment, « la cible des moralistes ». La position abolitionniste représente un enjeu de société.
Ceux qui veulent banaliser la prostitution et couper court aux débats ont volontiers recours aux lieux communs. Pourtant, la réalité est tout autre. La prostitution est une violence exercée à l'encontre des hommes et des femmes qui la subissent. Certes, vous trouverez toujours quelques exemples pour accréditer l'idée qu'elle est une activité librement choisie. Mais s'il existe de rares cas de prostitution libre et choisie, ils sont l'exception, et non la règle. La prostitution est le plus souvent l'aboutissement d'un parcours personnel difficile, de violences, de rupture familiale, de misère sociale. Elle est exercée sous la contrainte – contrainte physique de réseaux mafieux de prostitution, contraintes économiques et sociales de personnes vivant dans la précarité.
Plus de 80 % de la prostitution est effectuée dans le cadre d'un réseau criminel. L'idée du ou de la prostituée, libre et indépendante, qui choisit cette activité comme n'importe quelle autre profession est en total décalage avec la réalité. La prostitution est un marché, qui rapporterait plus de 3 milliards d'euros par an aux réseaux criminels en France. C'est bien une affaire d'argent. Il faut renforcer la lutte contre ces réseaux qui organisent de véritables trafics humains, très lucratifs.
Aujourd'hui, 85 % des personnes prostituées sont des femmes. À 80 %, il s'agit de personnes étrangères. Elles arrivent en France avec l'espoir d'une vie meilleure, mais sont condamnées à se prostituer pour payer leur passage, pour survivre, pour protéger leur famille restée au pays et qui est souvent menacée par les réseaux mafieux. Cette réalité-là, cette misère, cette détresse d'hommes et de femmes sous la contrainte, il faut la rappeler.
La mise en place de moyens de protection et d'accompagnement social, incluant l'accès à la santé et au logement pour les personnes prostituées, la mise en place de véritables alternatives à la prostitution pour sortir ces hommes, et le plus souvent ces femmes, de la précarité, est nécessaire.
Certes, il faudra responsabiliser le client pour faire baisser la demande. Mais l'important, c'est aussi de se donner les moyens d'agir sur la prise en charge et l'accompagnement des personnes prostituées par un travail en réseau des acteurs publics, pour les aider notamment à travers l'accès à un titre de séjour pour les prostituées étrangères qui veulent sortir de leur réseau, ou par l'accès à un revenu de substitution.
Quant au délit de racolage institué par la loi de sécurité intérieure de mars 2003, il n'a pas prouvé son efficacité, puisque la prostitution n'a pas diminué dans notre pays. Elle est davantage masquée, sur internet, dans de prétendus salons de massage ou dans des bars à hôtesses. Mais ce n'est pas en s'attaquant aux prostituées que l'on réglera le problème. C'est davantage en les accompagnant et en les aidant à se sortir de leur situation. Il faudra donc revenir sur ce texte de 2003.
Autre point sur lequel je souhaite vraiment insister, l'éducation. Il est nécessaire de progresser en matière d'éducation sexuelle, d'apprendre aux jeunes que la relation sexuelle est le fait d'adultes consentants et responsables, respectueux du corps et du désir de l'autre, et qu'un corps ne s'achète pas, ne se marchande pas. Ces politiques d'éducation sont indispensables si l'on veut faire reculer, dans notre pays, la prostitution par une prise de conscience.
Parce que nous défendons les principes de non patrimonialité du corps humain, d'intégrité et d'égalité entre les sexes, nous devons lutter contre la traite des êtres humains. La prostitution n'est pas une activité banale, il ne faut pas cesser de le dire.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter cette résolution – mais je sais que nous la voterons tous –, qui rappelle clairement la position abolitionniste de la France et invite à la mise en oeuvre de politiques cohérentes et plus efficaces pour l'abolition de la prostitution. Nous voterons donc cette résolution avec conviction. (Applaudissements sur tous les bancs.)