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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 13 décembre 2011 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l'Europe est au bord du gouffre. Tous les responsables européens le reconnaissent et s'agitent depuis plusieurs mois sans le moindre résultat, si ce n'est la propagation de la crise.

Onze sommets ont été tenus en vingt mois, au terme desquels Nicolas Sarkozy s'est régulièrement félicité que l'Europe soit parvenue à une solution ambitieuse et durable, avant d'être démenti, chaque fois, par les marchés financiers.

Depuis l'explosion de la dette publique grecque, on a pu constater la contagion de la crise de la dette à l'ensemble de la zone euro. Elle s'est d'abord propagée aux pays dits périphériques et touche désormais le coeur de la zone euro : la France, l'Autriche, la Finlande, les Pays-Bas, la Belgique et maintenant l'Allemagne.

Le constat est sans appel. L'échec et la responsabilité du couple Sarkozy-Merkel sont patents.

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, qui ont pris les rênes de la zone euro, ont échoué à résoudre la crise de la dette souveraine.

Toujours en retard sur les événements, négociant des compromis boiteux et refusant d'agir sur les raisons profondes de la crise, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont choisi de satisfaire les exigences des marchés financiers et de faire payer aux peuples cette énième crise du capitalisme.

L'ampleur des déficits et de la dette publique sert aujourd'hui de prétexte en France, comme dans tous les pays de l'Union européenne, à de nouvelles restrictions budgétaires et à de dangereuses mesures d'austérité.

Des plans d'austérité ont été mis en place partout en Europe. Après la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la France, la Grande-Bretagne et même l'Allemagne, que vous érigez en modèle et dont le taux de pauvreté est parmi les plus élevés d'Europe – 17 %, merci pour le modèle ! –, ont décrété une offensive contre les dépenses publiques et les droits sociaux en Europe : blocage des salaires, réduction du nombre des fonctionnaires, réformes des retraites, de l'assurance-maladie, mise en cause des politiques et prestations sociales, privatisations. Les méfaits de l'austérité sont pourtant connus et dénoncés par d'éminents économistes. L'austérité pénalise l'activité économique. Elle engendre le chômage et la récession.

Alors pourquoi faire de tels choix politiques ? Il n'y aurait pas d'autre alternative, nous dit-on. Pourtant, l'exemple du Japon prouve le contraire. Ce pays frappé de plein fouet par la crise économique et financière, à laquelle s'ajoutent des cataclysmes naturels, avec une dette publique record – plus de 200 % de son PIB –, n'est, pour le moment, pas concerné par la crise de la dette publique. Il emprunte à très faible taux – 1 % – et, au lieu d'adopter des mesures d'austérité, procède à une rallonge budgétaire pour relancer l'économie. Et la monnaie nipponne, au lieu de chuter, continue de grimper. Cet exemple montre que, contrairement à ce que l'on souhaite nous faire croire, la « crise de la dette » n'est pas un phénomène économique déconnecté, mais résulte directement des choix politiques des États. Il aurait suffi d'instaurer une pratique plus restrictive de la libre circulation des capitaux pour permettre aux États de soustraire leur dette à la spéculation, comme l'a fait le Japon.

Tant que les dirigeants refuseront d'admettre que ce sont les choix politiques inscrits dans les traités de Maastricht, de Lisbonne, que vous avez tous votés contre l'avis du peuple français et que les communistes ont rejeté, qui ont mis l'euro dans cette situation, nous ne sommes pas près de nous en sortir.

Comme le souligne Thomas Coutrot, économiste statisticien au ministère du travail, membre de l'Association des économistes atterrés et coprésident d'ATTAC, il est difficile de croire que les dirigeants qui ont imposé des mesures d'austérité ne se doutaient pas de leur impact récessif. S'ils s'acharnent à mener de tels politiques c'est « pour préserver quelque chose de plus important à leurs yeux que la stabilité économique et le bien-être des populations. Il s'agit de sauver à tout prix l'édifice institutionnel de la zone euro ». Cet édifice même qui est à l'origine de la crise que nous traversons.

Ce sont bien les caractéristiques, les fondements mêmes de la construction de la monnaie européenne qui sont en cause.

Monsieur le Premier ministre, la vérité, c'est que l'idéologie politique qui a conduit et accompagné la construction de la monnaie européenne depuis le traité de Maastricht – souvenez-vous, nous pensions la même chose à l'époque – a entendu renforcer le rôle des marchés financiers.

Les États ont entendu garantir la libre circulation des capitaux entre les États membres, tout en étendant le bénéfice aux capitaux venant d'États tiers. Ensuite, les États européens ont garanti la libre prestation des services financiers et le libre établissement des sociétés de crédit européennes, tout en étendant au secteur financier les règles relatives à la libre concurrence, que nous avons combattues.

Enfin, les États ont expressément exclu l'utilisation des banques centrales pour le financement de la dette. Ces choix conduisent à préférer et, dans plusieurs cas, à substituer une dette vis-à-vis des établissements de crédit étrangers à une dette vis-à-vis de la banque centrale nationale et vis-à-vis de ses propres citoyens.

Ensuite, l'interdiction de financer la dette par la monnaie, inscrite dans les traités, est directement en cause. La vérité, c'est que les traités interdisent à la Banque centrale européenne de financer le budget des États membres.

Tel qu'il est rédigé, le texte de l'article 123 tend à exclure toute forme de facilité financière accordée par la BCE aux États. Cependant, parce que le texte prévoit expressément l'interdiction de l'achat « direct » par la BCE des obligations émises par les États, le vent de la crise a conduit à interpréter ce texte comme permettant à la BCE d'acheter la dette sur le « marché secondaire ». En vertu de cette curieuse interprétation, la Banque centrale européenne prête aux banques privées à un taux proche de zéro. Les banques privées utilisent cet argent pour prêter aux États à un taux bien plus élevé. Puis la BCE rachète à ces banques privées les obligations étatiques assorties de cet intérêt. En pratique, le résultat est que la Banque centrale européenne finit par payer des intérêts aux banques privées, qui empruntent chez elle. Cherchez l'erreur !

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