En ce qui concerne notre méthode de travail, je me permets d'ajouter, monsieur le Président, – outre l'étude que vous avez évoquée sur le passeport et le CIV – que nous avons interrogé tous les rectorats au titre des mesures mises en oeuvre au sein de l'Éducation nationale.
Nous avons au total procédé à de très nombreuses auditions, notamment des responsables de la direction du budget et de la direction générale de la modernisation de l'État (DGME). Nous avons également auditionné beaucoup des secrétaires généraux des ministères, et nous avons organisé une table ronde avec les représentants des organisations syndicales. Les auditions ont été complétées par des questionnaires écrits.
S'agissant des « fuites » dans les médias, je rappelle que le Gouvernement a fait mardi une communication sur la RGPP, à la suite de laquelle nous avons été fortement sollicités par la presse. Nous n'avons pas communiqué le rapport ici soumis au CEC ; nous avons répondu à des questions et transmis quelques tableaux et autres éléments d'information. Ensuite, les journalistes ont fait leur travail et certains on jugé opportun d'évoquer le rapport. Ce qui s'est passé semblait difficilement évitable compte tenu de l'actualité. Christian Eckert et moi avons tous deux cherché à en limiter les conséquences.
Notre rapport comporte trois parties : la première porte sur la méthode de la RGPP, la deuxième décrit les mesures prises, la troisième en étudie les impacts financiers.
La première partie est essentiellement factuelle. Nous y retraçons les différentes étapes de la RGPP, depuis ses prémices que sont les audits de modernisation commandés par Jean-François Copé lorsqu'il était ministre du Budget. Les choses se sont ensuite accélérées, notamment avec la mise en place, dès le début de l'été 2007, des « équipes mixtes d'audit », auxquelles ont participé des membres des corps d'inspection et des auditeurs de cabinets privés ; leurs travaux ont nourri les débats et les décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), présidé par le Président de la République. Ce processus, portant sur des questions essentiellement techniques, a été conduit sans consultations, ni des usagers ni des agents, et sans y associer le Parlement – reconnaissons qu'il n'a pas beaucoup cherché à l'être.
La mise en oeuvre des décisions prises s'est faite par le haut. Les comités de suivi de la RGPP coprésidés par le secrétaire général de l'Élysée et par le directeur de cabinet du Premier ministre, se sont réunis très régulièrement, ce qui a permis d'assurer l'efficacité du dispositif. Les états-majors des ministères ont été fortement mobilisés. La DGME a d'abord vérifié l'implication des ministères, puis a joué un rôle d'accompagnement et de conseil, tout en commençant – de son côté – à prendre en compte les attentes des usagers. Au demeurant, la qualité discutable de l'information publique sur la RGPP a eu pour origine des modalités de communication elles aussi discutables ; le suivi technique par la DGME des mesures mises en oeuvre par les ministères a eu lieu.
Avant de céder la parole à Christian Eckert pour présenter les deux autres parties du rapport, je souhaiterais faire quelques commentaires personnels.
Tout d'abord, la RGPP marque indéniablement un tournant : on va vers plus de réactivité et d'efficacité des services de l'État. Il y avait bien eu auparavant des tentatives pour faire bouger les choses, mais elles avaient été parcellaires ; on trouvait toujours de bonnes raisons pour repousser les réformes. La RGPP, c'est 517 mesures faisant participer tous les ministères : c'est inédit ! On peut débattre sur un certain nombre de points, mais il est indéniable qu'une dynamique impliquant tous les ministère a été enclenchée.
Un secrétaire général a été nommé dans chaque ministère. Les auditions l'ont montré, on est passé, en l'espèce, d'une fonction essentiellement administrative, dans un contexte de directions extrêmement cloisonnées, à un rôle de pilotage opérationnel de l'ensemble de la gestion du ministère. Cela me semble un acquis important de la RGPP, bien qu'il ne soit pas quantifiable.
Comme je l'ai dit, beaucoup de réformes restaient dans les cartons des ministères. Le principe du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – le« un sur deux » – et l'impératif de recherche d'économies ont joué un rôle moteur, dans la mesure où ils ont mis fin aux atermoiements et ont enclenché une dynamique de réforme, notamment dans le domaine de l'administration de l'administration, si l'on peut dire, c'est-à-dire les fonctions de support. On a réellement réussi, en la matière, à « faire plus avec moins ».
Quant au débat sur le bilan budgétaire de la RGPP, il peut se poursuivre indéfiniment ; tout dépend du périmètre et de la durée considérés. Intègre-t-on l'ensemble des réformes porté par un ministère ou s'en tient-on strictement aux mesures proprement dites de la RGPP ? Considère-t-on les économies brutes ou intègre-t-on a posteriori les mesures catégorielles ? Mesure-t-on les économies réalisées entre 2008 et 2010 ou entre 2009 et 2013 ? Tous les éclairages sont possibles, et il paraît hors de portée de se mettre d'accord sur un seul « bon » chiffre. Les données communiquées par le Gouvernement, qui se fondent sur la période 2009-2013, sont, de fait, des projections.
Il est en revanche un fait acquis : grâce au « un sur deux », la RGPP a permis de maîtriser et de commencer à rectifier la trajectoire de la masse salariale de l'État. Pour la première fois, on note dans le projet de loi de finances pour 2012 une inversion de la tendance haussière antérieure.
Il serait par ailleurs dommage de se focaliser sur une querelle de chiffres – qui, par nature, sont discutables –, quand le vrai acquis de la RGPP est l'évolution en profondeur des administrations et la révolution culturelle qu'elle a permise. Les auditions des secrétaires généraux des ministères l'ont confirmé : pendant les dix-huit premiers mois de la RGPP, les décisions ont été imposées, de manière quelque peu coercitive, par le haut ; puis les ministères sont devenus des forces de proposition. Les réorganisations n'ont plus été subies, mais mises en oeuvre par les ministères eux-mêmes. C'est inédit.
Par ailleurs, on a procédé à un changement considérable dans la gestion administrative de l'État sans que cela donne lieu à des mouvements sociaux d'envergure, ce qui montre que ce processus a été relativement bien accepté par les agents via peut-être le retour catégoriel. Au début, les choses se sont faites par la voie hiérarchique, mais, en fin de parcours, dans nombre de secteurs, y compris l'Éducation nationale, on a commencé à travailler autrement, sans doute de façon plus collégiale dans les états-majors administratifs déconcentrés.
Enfin, la table ronde avec les syndicats a certes donné lieu à des propos peu aimables à l'égard de la RGPP, mais bien des participants reconnaissent la nécessité de moderniser l'État. Je ne suis pas sûr qu'un tel consensus existait en 2007 ou en 2008. Certains syndicats nous ont même indiqué qu'ils n'étaient pas fermés à une forme de statut unique de la fonction publique permettant de passer d'un ministère à l'autre ou de la fonction publique de l'État aux fonctions publiques territoriale ou hospitalière.
Tel est le paradoxe de la RGPP : le mot est dénigré, mais, grâce à elle, la fonction publique est désormais en marche, capable de se livrer à une réflexion sur ses missions, tant au niveaux interministériel que territorial, et prête à une modernisation encore plus poussée. Selon moi, la RGPP était une étape indispensable de ce processus.