On est là au coeur de l'extraordinaire guerre commerciale entre les banques. L'ensemble des prêts à taux variable vendus depuis 2005 l'ont été à perte : tout reposait sur la capacité à réaménager et à réinstaurer une marge. Dès 2006, j'avais écrit un article à ce sujet dans la Gazette des communes, en recommandant aux communes d'accepter une marge et de ne pas emprunter au taux Euribor majoré de 0,01% ou 0,02%, car un taux aussi faible signale un prêt fait à perte, et le prêteur voudra reconstituer sa rentabilité. Pour ce qui est des prêts structurés, le sommet de ceux qui ont été commercialisés en France, c'est un prêt sur quarante ans dont vingt ans à taux nul et vingt ans avec une option qui ne s'est pas encore déclenchée mais qui se déclenchera un jour ; on imagine le risque pris ! Mais c'est irrésistible pour un profane, ou quand on sait que l'on laissera à ses successeurs le soin de se débrouiller de tout cela. Il s'est agi avant tout d'une guerre commerciale qui a entraîné une escalade dans la prise de risques, à l'aide d'un marketing très élaboré. La puissance de feu des banques est grande, leur force de conviction tout autant.
J'ai été banquier en 2000-2001, à la Caisse d'épargne. J'ai quitté le milieu bancaire pour en dénoncer les dérives quand j'ai vu émerger les produits structurés et compris que les dés allaient être définitivement pipés : alors que, dans les années 1990, le décideur local et le banquier étaient sur un pied d'égalité, le premier pouvant comparer les offres et choisir le moins-disant, c'est devenu impossible à partir des années 2000 ; la concurrence était faussée. De facto, ce milieu devenait biaisé. Chez Dexia, il y a beaucoup d'anciens fonctionnaires très introduits – voyez son président et aussi le n° 2. Dexia a été une extraordinaire machine de guerre. À titre d'illustration, l'établissement ne laissait rien au hasard, finançant les colloques territoriaux ou les associations professionnelles à travers un fonds d'investissement. Dexia a été propriétaire du groupe Le Moniteur qui publie la Gazette des communes ou le Courrier des maires. Force est de constater que, durant cette période, les dossiers concernant la gestion de dette contenaient systématiquement la position de Dexia.
Dexia verrouillait très bien le champ de sa clientèle, mais aussi les pouvoirs réglementaires, puisque la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la comptabilité publique, alertées depuis des années sur la dérive du marché du financement des collectivités locales, n'ont jamais pu intervenir et n'ont jamais modifié le cadre comptable, complètement suranné et déconnecté de l'évolution de la dette. À un moment, Dexia avait créé tous les verrous possibles pour dérouler sa stratégie.