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Intervention de Jean-Paul Bailly

Réunion du 30 novembre 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe la Poste, président du conseil de surveillance de la Banque postale :

En ce qui concerne l'augmentation de capital de 2,7 milliards d'euros – 1,2 en provenance de l'État et 1,5 de la Caisse des dépôts –, elle est en cours de libération. Le calendrier nous convient. La première libération a eu lieu en avril 2011 ; les fonds sont désormais intégrés dans les comptes de la Banque postale. Une seconde libération, pour 1,5 milliard d'euros est prévue en avril 2012. Enfin, le solde, de 600 millions d'euros, sera libéré en 2013.

L'évolution de l'économie et de l'environnement bancaire rend cette augmentation de capital plus nécessaire que jamais. Si, aujourd'hui, nos résultats, de 700 millions d'euros, rendent possible la modernisation courante de l'entreprise sans recourir à l'endettement, ils ne nous permettent pas de conduire une politique d'innovation et de développement ; c'est à cette politique que sera consacrée pour l'essentiel l'augmentation de capital.

Nous avons aussi procédé en août 2011 à une augmentation du capital de la Banque postale, indispensable pour financer son développement et pour faire face aux évolutions de la réglementation prudentielle. Je précise que c'est La Poste et non l'État qui procède à cette augmentation de capital : nous souhaitons que la totalité du capital de la Banque postale soit détenue par La Poste.

La présence bancaire revêt deux formes : le conseil bancaire et les activités spécifiques de guichet. Le conseil bancaire, qui est au coeur de la dynamique de la Banque postale, continue à se déployer sur les territoires. Les activités spécifiques de guichet, quant à elles, évoluent en fonction des partenariats.

Monsieur Proriol, en 2011, l'activité courrier aura diminué de 3 % environ. Si cette diminution est inférieure à celle que nous avions prévue lors de la construction de notre budget – nous avions envisagé 4 % –, elle se situe néanmoins dans la ligne de notre anticipation d'une baisse de 30 % d'ici à 2015 ou 2016. Depuis 2008, année où nous avons procédé à cette estimation, les volumes de courrier ont diminué de 15 %. Nous continuons à anticiper des diminutions de l'ordre de 3 % à 5 % chaque année jusqu'en 2015 ou 2016 – 3 % si la conjoncture est convenable, 5 % si elle est mauvaise.

Le marché du colis et de l'express en revanche est très porteur, en France comme dans l'ensemble de l'Europe. Notre année 2011 sera très bonne. Nous ne ressentons pas encore l'effet du ralentissement de l'activité depuis le début du mois de septembre, que ce soit en France ou dans les autres pays européens – à l'exception notable de l'Espagne, où la situation est particulièrement difficile. J'ajoute que dans ce domaine, les performances du groupe La Poste sont particulièrement remarquables : notre croissance est supérieure à celle du marché. Bref, nous prenons des parts de marché, et ce dans tous les pays.

Le développement de La Poste mobile, c'est-à-dire de La Poste opérateur virtuel de téléphonie mobile, a suscité beaucoup de questions de la part des membres de la Commission. Si Lionel Tardy a répondu à l'essentiel d'entre elles, je rappelle qu'en effet, les débuts sont excellents et dépassent significativement nos prévisions. Nous serons nettement au-dessus de 500 000 clients à la fin de l'année.

Cette activité nouvelle fait sens pour nous. Elle nous a amenés à renoncer à toutes les autres diversifications, beaucoup moins porteuses. L'ambition que nous avons formulée – un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros d'ici à deux ou trois ans, pour 2 millions de clients – nous paraît désormais vraiment à portée de main. Nous allons réaliser en 2012 des développements sur la « box » et le service aux TPE (très petites entreprises).

Enfin, nous offrons effectivement aujourd'hui ce service dans 2 000 bureaux. Les 60 bureaux ruraux où nous le testons maintenant font apparaître de très bons résultats. Enfin, nous avons pris en 2010 la décision de généraliser le dispositif à l'ensemble des 10 000 bureaux sur l'ensemble du territoire. Soit les stocks y seront disponible ; soit, grâce notre logistique, les clients recevons sous un ou deux jours le terminal qu'ils auront commandé dans un bureau de poste. C'est la première fois qu'est développée en milieu rural une activité en pleine croissance et dotée d'un vrai potentiel. Nous nous devons de valoriser notre réseau ; or la téléphonie mobile correspond à ce que les Français s'attendent à trouver dans un bureau de poste. Peut-être est-ce la réminiscence, dans l'inconscient collectif, des PTT…

L'activité courrier, qui est une activité de logistique, et celle de l'enseigne, destinée elle au grand public, se trouvaient souvent dans le même local. Aujourd'hui, nous regroupons l'activité courrier dans des plateformes situées en périphérie des villes. Des espaces ont ainsi été libérés. Le partenariat avec Casino découle de cette évolution. Dans des villes d'environ 10 000 habitants, nous avons déjà sélectionné une première cinquantaine de locaux pertinents susceptibles de permettre à la fois à La Poste de valoriser son patrimoine et à la collectivité locale de bénéficier d'un service marchand nouveau. Ce partenariat avec Casino est extrêmement apprécié, non seulement par nous, puisque nous valorisons ainsi notre patrimoine, mais aussi par tous les élus locaux : il va de pair avec une revitalisation, si nécessaire, ou un développement de l'activité des centres-villes de ces bourgs.

De façon générale, monsieur Paul, la raison d'être de notre politique de partenariat est de répondre à la rapidité de notre développement et à notre extrême ambition pour La Poste. Nous ne pouvons pas assurer seuls les premiers développements que nous souhaitons conduire : nous avons besoin de compétences, ainsi que de partenaires pour partager les risques. Le partenariat est donc une technique d'accélération du développement dans le cadre d'une limitation des apports et des risques. Pour autant, tous nos partenariats incluent un dispositif qui nous permet d'être autonomes à terme.

Un État peut soit interdire, soit autoriser le crédit revolving. S'il est autorisé, l'ensemble de la concurrence a le droit de le proposer. Dès lors, je ne vois pas pourquoi la Banque postale, qui le proposera avec le respect le plus exemplaire des personnes et le souci le plus aigu des enjeux en matière d'endettement ne serait pas présente sur le marché. Chacun y a intérêt car la Banque postale donnera l'exemple : elle a vocation à moraliser ce secteur.

Le marché pour les scooters a été passé en juin 2010. Les scooters sont livrés depuis le début de l'année 2011 ; il ne s'agit donc plus d'une question d'actualité. Ce marché comportait deux lots : l'un pour des scooters à moteurs de 50 centimètres cubes (cc) et l'autre pour des scooters à moteurs de 125 cc. Si le lot des scooters de 125 cc, d'un montant de 1,8 million d'euros, a été attribué à Peugeot, tel n'a pas été le cas de celui des 50 cc, de 2,9 millions d'euros.

Comment la décision a-t-elle été prise ? Une entreprise publique ne peut décider arbitrairement de ses achats. À La Poste, la procédure d'achat est placée sous le contrôle d'une commission indépendante présidée par un membre de la Cour des comptes. Nous devons aussi procéder par appels d'offres élargis, ouverts à tous, où nous précisons les critères de décision. La commission dépouille les offres et détermine le vainqueur. En l'occurrence, les écarts de prix – sur lesquels nous avons alerté à de nombreuses reprises Peugeot – étaient de 30 %. Par ailleurs, toutes les études que nous avons réalisées ont aussi montré que les scooters que nous avons achetés étaient – notamment du fait de leur moteur – plus fiables que les autres. Je rappelle au passage que le moteur de 50 cc de Peugeot est chinois ! Le scooter 50 cc de Peugeot n'est pas si français qu'on pourrait le croire… Enfin, avant de procéder à un achat de ce type, nous effectuons tous les tests possibles : de fiabilité, de qualité et de sécurité. Le scooter Peugeot n'a pas réussi les tests de sécurité, pour des raisons de qualité des freins.

Les écarts constatés, de prix, de qualité, de fiabilité et de sécurité ont rendu impossible pour nous un autre choix que celui que nous avons fait. En en effectuant un autre, nous aurions prêté le flanc à des sanctions et à des contentieux engagés par les concurrents évincés.

J'ajoute que dans le même temps, sur mon impulsion personnelle, La Poste a passé pour la fourniture de véhicules électriques un marché de 300 millions d'euros avec Renault et un autre de 70 millions d'euros avec Peugeot. Bref, nous avons, d'un côté, des marchés d'un montant de 370 millions d'euros passés avec les industriels français dans un domaine de développement et d'avenir et, de l'autre, une polémique à propos d'un contrat de 2,9 millions d'euros pour lequel nous ne pouvions pas agir autrement que nous l'avons fait …

Je répondrai de façon générale sur le climat social.

La Poste a le devoir de s'adapter à un environnement entièrement compétitif et qui change – j'ai évoqué la diminution du volume du courrier. Pour des dirigeants, ne pas adapter leur entreprise à son environnement serait une faute professionnelle. Pour s'adapter, il faut mettre en place des évolutions et des organisations. Si nous n'avions pas conduit un programme d'adaptation et de réorganisation continues depuis 2002, aujourd'hui, au lieu de gagner 700 millions d'euros, La Poste en perdrait plus d'un milliard. Les principales victimes de cette situation seraient les salariés et le service public. Nous n'avons pas d'alternative : nous devons réaliser ces adaptations.

Cela dit, nous devons aussi accompagner les hommes et les femmes qui vivent ces adaptations. Nous le faisons. Pourquoi ? Tout simplement parce que nos règles générales et notre modèle social sont parmi les plus respectueux, y compris en termes de qualité de l'emploi, de contrat ou de mobilité. Par ailleurs, le changement n'est pas forcément facile à vivre, car il crée des incertitudes, des inquiétudes, des modifications dans les habitudes de vie. Combiné à des fragilités personnelles, le changement peut provoquer des situations difficiles à vivre. Pour y faire face, outre l'application de nos règles générales, très respectueuses des hommes et des femmes de l'entreprise, nous avons élaboré des règles particulières. L'attention que porte le management local aux cas particuliers et aux situations des postiers sur le terrain ne se retrouve que dans très peu d'entreprises.

Très franchement, nous pouvons considérer que nous avons fait ce qu'il fallait faire. Après avoir conduit les transformations nécessaires dans un environnement relativement adverse et accru la productivité, nous constatons que, même s'il peut y avoir des cas difficiles et des crispations, les postiers comprennent la dynamique enclenchée et la nécessité d'évoluer : les changements et les investissements leur donnent confiance dans l'avenir. Quoi qu'il en soit, au niveau tant de la fixation des règles générales que de la prise en compte des soucis particuliers, nous sommes extrêmement attentifs aux difficultés créées par la nécessité de l'adaptation, même si, malheureusement, nous ne pourrons pas éviter ici où là, et le plus souvent indépendamment des situations professionnelles, des drames ou des malheurs.

Tous les propos tenus sur l'actionnariat salariés sont exacts. Nous allons acter le principe de celui-ci à la fin de l'année. Cet actionnariat sera institué par une augmentation de capital d'un peu moins de 3 %, sachant que, sur le long terme, nous envisageons son élargissement. Comme il est de règle, le prix des actions sera fixé après validation par la commission des participations et des transferts.

S'agissant des jetons de présence, ni les représentants du personnel, ni les membres du conseil d'administration représentant l'État, ni les salariés de la Caisse ne les touchent. Ils ne sont versés qu'à une personnalité indépendante.

Alors même que les ressources du Fonds de péréquation sont passées de 138 à 170 millions d'euros, celui-ci est conforté. En effet, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a conclu que le coût réel de la présence territoriale de La Poste était supérieur à ces 170 millions d'euros.

La part des résultats de la Banque postale au sein de ceux de La Poste va effet croître plus vite que celle des autres activités. Pour autant, cela ne signifie pas que les autres secteurs vont connaître des difficultés ! Ainsi, la part de la contribution du colis et de l'express aux résultats va elle aussi continuer à progresser : le développement de cette activité va se poursuivre et les marges vont rester les mêmes, de l'ordre de 6 % à 8 %. Quant à l'activité courrier, malgré la diminution des volumes, elle devrait, grâce aux politiques d'adaptation et d'innovation conduites, non seulement continuer à être rentable en 2015, mais également à l'être suffisamment pour autofinancer sa modernisation, qui ne demandera alors que des efforts beaucoup plus modestes que ceux – considérables – qu'il a fallu consentir jusqu'à présent.

Le concept « facteur d'avenir » est généralisé à la quasi-totalité de l'Hexagone.

Lorsqu'un diagnostic est conduit dans un bureau de poste, il fait apparaître presque systématiquement une diminution de l'activité, et ce pas seulement dans le monde rural. En raison du nombre de substituts – automates ou accès Internet –, la diminution de la demande au guichet est générale.

Le maintien du J+1 pour la lettre verte est l'un de nos objectifs majeurs. Nous y sommes particulièrement attentifs. Aujourd'hui, 12 % des clients ont choisi ce service.

Lorsqu'une agence postale communale est mutualisée, la somme versée par La Poste couvre largement son coût. La question du coût pour les communes ne se pose que dans le cas d'agences non mutualisées. Je rappelle qu'il est de la vocation du Fonds de péréquation de contribuer aux dépenses nécessaires à des travaux en mairie en vue d'une véritable mutualisation.

XAnge, l'entreprise de capital-risque de La Poste – mais au capital de laquelle figurent aussi la Caisse des dépôts et consignations et quelques entreprises privées –, existe depuis plusieurs années déjà. À l'origine, elle se consacrait essentiellement à la détection de start-up technologiques innovantes dans le métier du courrier. À l'occasion du nouveau tour de table auquel nous avons procédé – avec pratiquement les mêmes partenaires –, la Banque postale est entrée à son capital. Autrement dit, loin de s'éloigner du groupe, XAnge s'en rapproche. Elle a simplement élargi son champ d'action à des start-up pertinentes pour la Banque postale.

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