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Intervention de Philippe Wahl

Réunion du 30 novembre 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl, directeur général adjoint du groupe la Poste, président du directoire de la Banque postale :

La Banque postale en 2011, c'est l'épilogue d'une longue marche : à la fin de l'année, elle proposera tous les produits de la banque de détail. C'est le Parlement qui a permis la création de la Banque postale en tant qu'établissement de crédit. Si bien qu'en 2006, nous avons lancé le crédit immobilier : cinq ans plus tard, nous devrions accorder environ 10 milliards d'euros de crédit immobilier. Puis en avril 2010, nous avons pratiqué le crédit à la consommation : plus de 230 000 ménages y ont eu accès. En 2011, en association avec Groupama, nous avons proposé d'assurer les dommages : 170 000 contrats ont été signés, ce qui est un succès. Depuis, nous avons accéléré le développement du crédit à la consommation et nous allons lancer l'assurance santé, répondant ainsi au souhait d'une partie de nos clients. Enfin, depuis le 5 septembre dernier, nous avons la possibilité de financer les entreprises et les personnes morales.

Entre 2006 et aujourd'hui, l'étendue de la gamme de produits que nous proposons est devenue considérable. La Banque postale a ainsi signé au début du mois un crédit-bail de 65 000 euros afin de financer une grue pour une entreprise de maçonnerie dans la région lyonnaise ; dans le secteur des entreprises, le premier client historique de la Banque est un maçon, M. Charmasson.

L'évolution a été considérable depuis la création des services financiers de La Poste en 2005 jusqu'à la mise en place, dans la continuité de l'action menée par Jacques Lenormand et Patrick Werner, de la banque complète de détail.

Du point de vue économique, la première partie de l'année 2011 a été bonne pour la Banque, avec une progression du chiffre d'affaires – le produit net bancaire – de 1,2 %. Certes, notre coefficient d'exploitation est perfectible puisqu'il atteint 85% quand celui de l'ensemble des banques s'élève à 60 ou 65 % et que celui du Crédit agricole est proche de 55 %. Notre structure d'efficacité doit encore beaucoup progresser, ce qui explique notre prudence. Nous avons le devoir professionnel d'abaisser ce coefficient d'exploitation.

S'agissant de l'exposition aux dettes souveraines, le premier semestre de l'année 2011 en porte la trace puisque nous avons été conduits à provisionner 158 millions sur la Grèce – un peu plus de 200 millions sur l'ensemble de l'année. À quelle hauteur sommes-nous exposés ? À hauteur de 350 millions d'euros pour la Grèce, après provisionnement à 60 % ; de 400 millions d'euros pour le royaume d'Espagne ; de 1,1 milliard d'euros pour le Portugal : de 3 milliards pour l'Italie ; de 17 milliards pour la République française et de 3 milliards pour la République fédérale d'Allemagne.

Quelle est la raison de cette exposition aux dettes souveraines ? En tant que banque publique, nos placements étaient gouvernés par un décret du 28 février 2000 alors que la Banque postale n'existait pas encore – l'entité en charge était Efiposte. Aux termes de ce décret, la Banque ne pouvait pas investir ses liquidités dans autre chose que de la dette souveraine OCDE. Fort avisés, mes prédécesseurs n'avaient investi que dans la zone euro, qui paraissait la plus sûre. Il est vrai que cette zone est l'espace économique le plus riche de la planète. Voilà la raison pour laquelle nous restons exposés sur des dettes souveraines. Cependant, cela ne nous inquiète pas outre mesure. Nous considérons en effet que, malgré les emballements de marchés, les pays de la zone euro restent les plus riches au monde et doivent donc avoir les moyens de payer leurs dettes : c'est ce point-là qui compte et non pas l'évolution du rating.

Voilà ce qu'est la Banque postale fin 2011. Notre stratégie à venir s'inscrit dans la continuité de celle du passé : l'idée est de renforcer une banque puissante au service de tous, simple et accessible. La Banque postale est une rareté en France car c'est la seule vraie banque publique et c'est une banque de service public. Nous sommes chargés en effet d'un service public : celui de l'accessibilité bancaire. Plus de la moitié de nos livrets A réalisent ainsi quasiment deux tiers des trafics sur le livret A. Ils ne représentent pourtant que 1% des encours, et on y trouve en général moins de 150 euros. Les millions de gens titulaires de ces livrets les utilisent comme des comptes pour régler les dépenses de la vie. On mesure ici le rôle social du livret A et le rôle de service public de la Banque postale.

Les deux idées force de notre plan stratégique sont très simples : prouver la différence et accélérer le développement commercial. De fait, nous sommes une banque différente et, même si nous avons complété notre gamme, nos tarifs sont sensiblement inférieurs à ceux pratiqués ailleurs. Être client à la Banque postale permet d'économiser entre 80 et 150 euros au titre de la tenue du compte et des différents services. La Banque postale est la moins cher des banques traditionnelles. Nos produits prouvent également notre différence : la Banque postale est la seule à avoir développé un crédit à la consommation prévoyant, en cas de surendettement, l'aide d'une association spécialisée dans le conseil. Ce dispositif est d'ailleurs copié aujourd'hui par le Crédit mutuel et par la Société générale, qui ont ouvert des négociations avec ladite association. Nous poussons les autres banques à être également différentes.

Il faut par ailleurs accélérer le développement commercial. Un client actif de la Banque postale représente un PNB de 370 euros. Mais il rapporterait 750 euros au Crédit agricole et 1 300 euros à la BNP. Ces chiffres expliquent l'importance de notre coefficient bancaire. Nous devons tirer profit du cadre qui nous a été assigné et fournir à nos clients tous les produits qu'ils réclament : la prévoyance, le capital décès, le capital maladie, le crédit consommation, le crédit immobilier, les formules de compte.

Tous les sondages le montrent, au coeur de la crise, la Banque postale est la banque de confiance. C'est l'exemple de la rigueur et de la simplicité. Ce qui fait que, en dépit du désamour dont est victime l'assurance-vie, la collecte de ce produit reste importante à la Banque postale.

Le financement des collectivités locales n'entrait pas dans notre plan stratégique, non par manque d'intérêt pour cette activité mais parce que nous avions le sentiment d'avoir déjà suffisamment d'objectifs à remplir – lancement du crédit à la consommation, de l'assurance IARD, de l'assurance santé, etc. Les événements et l'intérêt public nous ont finalement conduits à nous préoccuper de ce sujet. Comme l'a dit Jean-Paul Bailly, nous le faisons avec enthousiasme et fierté, mais aussi avec l'idée de procéder différemment. Cela implique de tenir compte des difficultés du modèle Dexia : fondé sur la restructuration permanente de la dette, il permettait aux banques de dégager une marge que le taux d'intérêt initial ne pouvait pas procurer.

À la fin du mois de mars, nous espérons pouvoir proposer des financements aux collectivités locales et à tout le secteur public local – sociétés d'économie mixte, hôpitaux publics, OP ou SA d'HLM. Les produits seront simples. Alors que la grille Gisler, qui définit la complexité des produits, en comporte vingt-cinq, nous avons décidé, pour notre part, d'exclure tous les produits à levier, à référence de change ou à référence exotique. Nous nous en tiendrons aux produits les plus simples qui seront néanmoins flexibles en fonction du cadencement des projets. Il reviendra à Dexia de restructurer son stock d'emprunts sensibles ; nous ne nous en chargerons pas et nous ne reprendrons pas les équipes de restructuration de Dexia.

Les produits que nous proposerons seront en outre totalement adossés en liquidités. Vous connaissez tous le modèle de Dexia : le crédit initial était toujours très court et son taux d'intérêt très bas mais, après deux ans, il fallait le restructurer, et c'est grâce à la restructuration que Dexia dégageait de la rentabilité. Nous, nous fixerons la durée du prêt en fonction des besoins des collectivités, qui paieront en fonction de cette durée, sachant qu'on ne pourra pas aller jusqu'à trente ans faute de trouver sur les marchés des financements sur une telle période. Nous ne fabriquerons pas un produit sur trois fois dix ans pour vous donner satisfaction : la crise de Dexia a montré que ce modèle était en crise, et c'est la raison pour laquelle nous voulons en changer.

Jean-Paul Bailly l'a souligné, les crédits qu'elle consentira devront permettre à la Banque postale de gagner sa vie. Le prix du crédit sera clairement établi : ce sera le coût de l'argent trouvé sur les marchés financiers plus la marge de la Banque immédiatement payée, sans structuration de nature à la cacher ou à la différer. Un tel modèle nous paraît beaucoup plus responsable. Il sera peut-être plus coûteux mais il évitera d'allonger la liste des 1 625 collectivités locales dont les encours de crédits sensibles sont extrêmement élevés et grèvent leur solvabilité.

Pour ce qui est de l'organisation du financement des collectivités locales, l'État devait répondre à trois questions : il l'a fait de façon très claire.

Premièrement, le financement du passé n'est pas l'affaire des postiers et de la Banque postale : les 55 milliards de crédit que détient Dexia Crédit local seront gérés et restructurés par Dexia Crédit local, qui les éteindra progressivement. Bien sûr, les crédits les plus sensibles seront les plus longs à amortir. Nous estimons donc qu'il est nécessaire que Dexia Crédit local puisse, dans le cadre d'une clause de non concurrence, continuer à faire un peu de crédit pour permettre la restructuration de ceux qu'elle détient en portefeuille ; il faut compter sur une dizaine d'années pour en venir à bout.

Deuxièmement, le futur sera l'affaire de notre filiale commune avec la Caisse des dépôts : 65 % pour nous, 35 % pour la Caisse. Il s'agira de répondre aux besoins des collectivités locales dès le premier semestre de 2012. Nous espérons être en mesure de le faire grâce aux négociations que nous menons à la fois avec la Caisse des dépôts et Dexia.

Troisièmement, le financement relèvera de la responsabilité de DexMA, véhicule financier qui empruntera l'argent sur les marchés internationaux, français ou de long terme, et qui le reprêtera ensuite à la Banque postale Collectivités locales et à Dexia Crédit local. Cette structure sera prise en charge par la Caisse des dépôts, qui en détiendra 65 % tandis que Dexia en possédera 30 % et la Banque postale 5 %.

Aux trois questions qui étaient posées, l'État a donc donné trois réponses institutionnelles très différentes : le passé, c'est DCL ; l'avenir du financement des collectivités locales, c'est la Banque postale et la Caisse des dépôts ; le financement, c'est DexMA, adossée sur la Caisse des dépôts. C'est dans ce cadre-là que nous voulons développer l'activité.

Où en sont les négociations ? Nous cherchons quels sont les vrais risques de DCL et de DexMA. Le travail le plus difficile consiste à reprendre dans DCL ce qui est indispensable pour démarrer la nouvelle banque : il faut des équipes de commerciaux mais aussi des équipes de gestion du risque, des outils de gestion informatique – la durée moyenne des crédits aux collectivités locales étant de douze à treize ans contre sept pour un crédit immobilier. C'est la rapidité de ce travail qui déterminera la date à laquelle nous serons prêts à répondre aux demandes de financements des collectivités.

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