Je sais que la sanction qui fait le plus peur à un élu est la perte de son mandat mais il faut qu'en cas de fraude particulièrement scandaleuse, on puisse frapper plus fort.
Pour que la sanction soit crédible, il faut aussi qu'elle soit prononcée par une autorité suffisamment forte. Je suis assez dubitatif quant à la nouvelle autorité prévue par ce texte. Aura-t-elle les moyens matériels suffisants ? Aura-t-elle l'autorité, au sens du poids et du respect, voire de la crainte qu'elle inspire ?
Je serais plutôt partisan de confier la surveillance de la transparence de la vie politique et la prévention des conflits d'intérêt à des organes puissants et reconnus comme le Conseil constitutionnel ou le Conseil d'État, qui ne se laisseront certainement pas marcher sur les pieds.
On voit bien avec l'actuelle commission pour la transparence financière de la vie politique ce que cela donne de confier de telles missions à un organe dénué non seulement des moyens juridiques et matériels mais aussi et surtout de toute autorité morale. Ce n'est pas la solution.
Il faut donc des sanctions pénales dissuasives qui frappent l'élu ou le décideur ayant fait primer son intérêt personnel sur l'intérêt public.
Il faut aussi frapper le bénéficiaire du conflit d'intérêts : la société qui, par exemple, a pu ainsi obtenir un marché public.
On peut décider que les actes ainsi entachés d'un conflit d'intérêts sont nuls, on peut décider que le bénéficiaire de la fraude autre que le décideur concerné peut lui aussi être sanctionné.
Il faut bien entendu adapter cette législation à notre sensibilité. Il n'est pas question d'imiter en tous points les Scandinaves ou les Anglo-Saxons. Ces règles doivent absolument rester dans les limites de l'acceptabilité, car le mieux est très souvent l'ennemi du bien.
Je plaide ici pour le réalisme. Pour moi, ce texte est une étape dans un processus d'échanges, de concertation, de dialogue, qui doit transcender les clivages politiques.
Même si je suis en accord avec un grand nombre de ses propositions, je ne le voterai pas pour deux raisons. J'estime tout d'abord que la question n'est pas encore mûre, que c'est trop tôt. Il faut encore discuter, échanger, car on ne peut pas décider sur de tels sujets à la va-vite. J'estime aussi que nous n'avons plus la légitimité, en toute fin de mandat, à la veille d'élections, pour trancher définitivement. Ce sera aux députés élus en 2012 de s'emparer d'un thème que nous aurons défriché.
Notre travail est utile, mais ce n'est pas aujourd'hui que nous devons conclure. Cette proposition de loi permet de prendre date et, croyez-moi, je serai particulièrement vigilant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)