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Intervention de élisabeth Pelsez

Réunion du 30 novembre 2011 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

élisabeth Pelsez, directrice générale de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, AGRASC :

En premier lieu, je tiens à préciser que nous travaillons en étroite collaboration avec la plateforme d'identification des avoirs criminels (PIAC), dont l'ancien numéro 2, un capitaine de gendarmerie, est aujourd'hui en poste à l'Agence, de même qu'avec le service national de la douane judiciaire, dont est issu le douanier membre de notre équipe.

J'ajoute que nous avons à coeur de dispenser nos formations aussi bien aux magistrats qu'aux enquêteurs – je suis ainsi intervenue, avec Romain Stiffel, devant l'ensemble des GIR, qui ont pour mission de saisir des avoirs, et nous avons signé des protocoles avec la douane judiciaire, le ministère de l'Intérieur et les domaines.

En ce qui concerne le personnel de l'Agence, nous avons l'accord des deux ministères de tutelle pour porter ses effectifs de douze à vingt personnes avant la fin de l'année 2012. Le premier recrutement auquel nous allons procéder est celui d'un greffier en chef, dont nous avons absolument besoin pour entrer en contact quotidiennement avec les juridictions.

Nous comptons, par ailleurs, plus de 10 000 biens enregistrés dans notre base de données. Afin de suivre à la trace ce qu'ils deviennent, nous devrons renforcer nos effectifs. S'ils n'évoluaient pas, nous serions asphyxiés, car le volume des affaires augmente du fait des monopoles qui nous sont impartis – vous pouvez imaginer la charge de travail qui résulte du seul fait des 7 000 transferts de numéraires déjà réalisés.

Il y a eu, monsieur Garraud, des circulaires en rafale au mois de décembre 2010 et au début de l'année 2011. Lors d'un déplacement récent, un procureur général nous confiait que les magistrats faisaient encore preuve d'une certaine frilosité, faute d'avoir une bonne connaissance de toutes les procédures. Je pense qu'il s'agit d'une minorité de cas : la plupart des magistrats s'intéressent à la dimension patrimoniale des dossiers. Nous avons constaté, au demeurant, que les saisies immobilières ne se limitaient pas aux juridictions interrégionales spécialisées, mais que d'autres juridictions lancent de telles procédures. J'y vois un signe positif, témoignant d'une diffusion progressive des pratiques.

Devant surtout mener une action en direction des magistrats du siège, nous avons demandé à l'École nationale de la magistrature (ENM) de faire participer l'AGRASC aux sept sessions dédiées au « changement de fonctions » et destinées aux magistrats qui deviennent assesseurs ou présidents de tribunaux correctionnels ou encore présidents de chambre d'instruction, afin de leur expliquer comment confisquer les biens saisis par voie judiciaire.

Nous proposons aussi des trames permettant à la partie d'un jugement relative à la confiscation d'en énumérer tous les éléments. Ainsi, dans le cas de saisie d'un compte bancaire, il suffit au magistrat de reproduire, dans son jugement, le montant saisi. L'argent confisqué arrive sur le compte de l'Agence et alimente soit le budget général de l'État, soit le fonds de concours géré par la MILDT. De même, si la saisie porte sur un immeuble, le descriptif de celui-ci peut être reproduit dans le jugement. Il s'agit certes de moyens de base, mais ils sont opérationnels.

L'obligation pour les magistrats de passer par l'Agence résulte de la loi, qui lui a attribué le monopole des ventes avant jugement, des saisies numéraires, des saisies de comptes bancaires et en matière immobilière. Pour autant, les magistrats ne font pas de déclarations à l'Agence : celle-ci est avertie dès lors qu'il a été procédé à une saisie judiciaire. Ils peuvent en revanche la consulter sur une saisie qu'ils envisagent d'opérer, ce qu'ils font très régulièrement.

Pour ce qui concerne les biens mobiliers, la vente peut avoir lieu avant le jugement. Son produit est alors consigné pendant dix ans et restitué à son propriétaire dès lors qu'il n'est pas condamné ou que son bien n'est pas confisqué. Une question prioritaire de constitutionnalité ayant été posée à ce sujet, la Cour de cassation a estimé le procédé conforme à une bonne administration de la justice, principe de rang constitutionnel, et de nature à protéger l'individu dont on a saisi le bien puisqu'il peut en récupérer la valeur. De nombreux pays ne disposent pas d'un système analogue et envient le nôtre : certains s'orientent donc vers la possibilité de vendre les biens avant jugement, ce qui constitue un moyen efficace de ne pas les stocker inutilement.

Je n'entrerai pas, avec M. Jean-Jacques Urvoas, dans une polémique sur les avocats d'affaires. Mais il est vrai que nous connaissons la valeur des biens au nombre d'appels dont ils font l'objet devant la chambre de l'instruction. Si, par exemple, sur trois véhicules destinés à être vendus avant jugement, un seul donne lieu à appel, nous comprenons qu'il a plus de valeur que les autres. On a aussi prétendu parfois que porter atteinte au patrimoine des délinquants risquait de priver d'honoraires leurs avocats, ce qui peut se comprendre…

En Italie, les policiers sont particulièrement sensibilisés et formés, depuis plus de vingt ans, à la lutte contre la mafia, qui constitue un objectif majeur de la justice italienne, à telle enseigne qu'il existe un procureur national antimafia, aujourd'hui M. Piero Grasso. Un effort considérable a été accompli en France pour former policiers et gendarmes, notamment les correspondants de la PIAC.

Nous détenons encore peu de saisies concernant les contrats d'assurance-vie car c'est seulement la loi du 9 juillet 2010 qui a prévu la possibilité d'en bloquer les avoirs.

Pour l'instant, nous n'avons pas eu à connaître de contestations du prix de vente d'un bien saisi. Le mécanisme du prix de réserve que nous avons mis en place fournit à l'intéressé tous les moyens de connaître les conditions de la vente de son bien. Sur un total de 4 000 véhicules saisis, auparavant confiés à l'administration des domaines, beaucoup sont en très mauvais état. Ils sont donc détruits ou cédés à des prix très faibles. L'Agence n'apporte aucune plus-value en la matière.

La loi dite « LOPPSI 2 » offre la possibilité d'affecter à un service de police ou de gendarmerie certains véhicules de grande qualité plutôt que de les vendre avant jugement. Mais la rédaction du texte soulève bien des questions, car cette procédure exige, d'une part, une expertise du véhicule, et rien ne dit qui doit en supporter la charge, et, d'autre part, une indemnité compensatrice en cas de restitution, et l'on ne sait qui doit la verser : les moyens correspondants n'ont, en tout cas, pas été alloués à l'Agence.

Dans l'hypothèse de saisies portant sur des immeubles occupés, la loi prévoit la possibilité de procéder à une saisie de créances, correspondant au montant des loyers, lequel est alors versé sur le compte de l'Agence.

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