Monsieur le haut-commissaire, madame la ministre, en 2005, un certain président d'Emmaüs proposait dans un rapport que vient de citerMme Danièle Hoffman-Rispal la mise en oeuvre d'un revenu de solidarité active. Comment ne pas adhérer à un tel objectif ? Plusieurs programmes l'avaient d'ailleurs repris récemment.
Mais l'ambition du Gouvernement étant à terme de faire disparaître le RMI, on peut penser que les allocataires du RMI les plus éloignés de l'emploi seraient renvoyés aux collectivités locales, qui auraient à prendre en charge leurs problèmes de formation, de santé, de logement, de transport. Sans revenu minimum, ces personnes n'auraient plus aucun appui dans leurs efforts pour retrouver une autonomie sociale, hors le soutien des collectivités locales.
Nous en sommes, aujourd'hui, seulement à l'étape de l'expérimentation du RSA, qui ne s'adresse qu'à une fraction du public en situation de pauvreté. Cette version du RSA que, désormais haut-commissaire, vous présentez au nom du Gouvernement, est beaucoup moins ambitieuse que celle du rapport, où elle se situait en complément d'une politique de lutte contre les petits boulots, les contrats précaires, les emplois à temps partiel faiblement rémunérés et n'offrant pas de réelle perspective sociale. On comptabilise 1,3 million de travailleurs pauvres, qui ne sont pas majoritairement d'anciens RMIstes. Beaucoup d'entre eux sont des femmes qui ont des emplois à temps partiel de 20 à 25 heures, et qui se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté. Ces personnes seraient les oubliés du RSA et de feu le RMI.
Pourtant, le rapport Hirsch appelait à développer une politique de revalorisation de ces emplois. Or non seulement une telle politique n'est pas évoquée, mais la politique de l'emploi développée par M. Borloo, qui n'est pas contredite par le gouvernement Fillon, va à l'opposé ! Évoquer des fabuleux gisements d'emplois dans les services à la personne en agissant essentiellement par des déductions fiscales pour les particuliers employeurs revient à parler de développement d'emplois à temps partiel contraint, parcellisé, précaire, sans formation, sans perspectives de carrière. Les élus locaux savent bien que ces emplois à domicile ne sont souvent que des expédients permettant la survie au jour le jour du foyer, même si, parfois, ils peuvent les sortir de cette précarité en les embauchant dans leurs effectifs municipaux ; alors même que certains accusaient cet après-midi, pendant le débat d'orientation budgétaire, les collectivités locales de trop embaucher, de trop dépenser !
Bien sûr, à court terme et pour certaines catégories d'allocataires sociaux, le RSA va avoir, espérerons-le, un effet positif. Mais à moyen et à long terme, deux dangers existent qui ne sont pas traités : d'une part, trop d'employeurs, dès lors qu'ils sauront que leurs salariés vont percevoir une allocation leur permettant de franchir le seuil de pauvreté, peuvent ne se sentir plus aucune responsabilité sociale ; d'autre part, les mêmes employeurs, poussés à multiplier les contrats à temps partiel contraint, risquent d'augmenter le nombre de ces emplois.
Où sont, monsieur le haut-commissaire, les mesures visant à accompagner le RSA dans cette politique dynamisée et sécurisée contre le temps partiel contraint, le travail précaire ou discontinu à laquelle appelait à l'époque votre rapport ? Où sont les modalités de pénalisation du temps partiel de petite durée qui devaient être étudiées par le Gouvernement ? Ce sont des motifs d'inquiétude pour les associations qui oeuvrent dans le secteur social et de l'insertion – que vous connaissez bien, monsieur le haut-commissaire ! Ce sont aussi les contradictions et les ambiguïtés que vous avez choisi d'assumer en entrant dans un gouvernement dont les premières décisions en matière fiscale, ainsi que, bientôt, celles concernant la protection sociale, nous amènent à nous demander combien de temps vous pourrez les assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)