Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le haut-commissaire, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, la mise en place d'un revenu de solidarité active fait suite à une réflexion largement partagée qui tient compte de l'expérience acquise depuis la mise en place du RMI il y a bientôt vingt ans. Il n'est en effet pas possible de laisser tel quel un système où celles et ceux qui reprennent une activité peuvent voir leur revenu stagner, voire diminuer.
Ce qui pose donc aujourd'hui un problème, ce n'est pas tant le RSA lui-même que les zones d'ombre qui existent autour de sa mise en oeuvre et de l'évolution future de l'ensemble des minima sociaux. Nous vous avons largement écouté la semaine dernière, monsieur le haut-commissaire, mais il existe encore quelques questions demeurées sans réponse.
D'abord, il faut tout de même rappeler que vous avez évoqué 25 millions d'euros pour le RSA alors que le paquet fiscal est évalué entre 10 et 14 milliards d'euros. On avait pourtant entendu des estimations, au sein de la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté » que vous présidiez, dans une fourchette de 4 à 8 milliards – moins 2,65 milliards de compensation de la prime pour l'emploi –, alors que vous parlez de 25 millions d'euros ! Nous sommes tout de même devant des chiffres un peu perturbants par rapport aux nécessités que nous constatons tous les jours sur le terrain.
Comme je l'ai dit au début de l'examen de ce texte, il y a 1,2 million d'allocataires du RMI, et le RSA ne pourra concerner qu'une partie d'entre eux car les autres sont trop éloignés de l'emploi. Si votre objectif est de substituer le RSA à l'ensemble des minima sociaux – vous avez parlé d'une réforme, sans doute globale, des minima sociaux l'an prochain – j'exprime donc mon inquiétude. Nous souhaitons que cette expérimentation, qui est prévue pour trois ans, aille au bout de sa logique avant que d'autres réformes soient mises en oeuvre, afin que nous puissions avoir une évaluation parlementaire de ce qui a été réalisé qui nous permette d'aller tous ensemble plus loin. Car le RSA ne peut être un progrès social que s'il n'est pas utilisé par le Gouvernement et sa majorité pour remettre en cause les dispositifs d'aide aux plus fragiles. Je vous l'ai déjà dit, il existe des gens qui resteront éloignés du RSA : que deviennent-ils dans ce dispositif ?
S'agissant des départements, un certain nombre sont volontaires, y compris de gauche, nos amis ont envie de participer à cette expérimentation ; mais nous savons bien, depuis la pratique récente de la décentralisation, en particulier en matière sociale, qu'une forme de confiance est rompue entre l'État et les conseils généraux parce que les compensations financières n'ont pas suivi les transferts de compétence, malgré l'inscription de ce principe dans la Constitution. Nous avons vraiment besoin, pour bien évaluer ce texte, de connaître la compensation financière de l'État, y compris au niveau des moyens humains mis en place par les départements – car l'État doit aussi nous aider sur ce point. Toutes les réformes acceptées par les conseils généraux réclament des moyens supplémentaires qui, au-delà de l'impact de la mesure elle-même, aggravent nos budgets.
Nous avons aussi besoin de sincérité en termes de coût financier, car nous avons des chiffres un peu contradictoires, et que soit pris en compte tous les allocataires de minima sociaux concernés, et pas seulement les plus employables au détriment des autres.
Enfin, il faut que la mise en oeuvre du RSA s'effectue dans le cadre d'emplois au moins à mi-temps afin d'éviter l'effet pervers du temps partiel. Je pense à un secteur que je connais bien, celui de l'aide à domicile, où on voit des temps partiels subis qui ne sont même pas des mi-temps. Il faut éviter cet effet pervers parce que si les conseils généraux se substituent aux employeurs pour créer de l'emploi, cela créera à terme un problème dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)