Monsieur le président, madame la ministre, le collectif que nous avons à examiner ce soir propose un ensemble de dispositions recevables, cohérentes, malheureusement encore marquées par cette forme de facilité à laquelle, à dire vrai, nous cédons tous et qui consiste à augmenter les impôts plutôt que de réduire les dépenses, comme cela serait nécessaire en cette période.
Cette tendance était déjà sensible dans le projet de loi de finances pour 2012, dont nous avons discuté récemment, y compris lorsque l'absence de maîtrise des dépenses et l'augmentation des recettes est passée de manière un peu subreptice devant notre assemblée : je pense plus particulièrement à l'évolution du plafond des recettes des agences de l'eau, présentée dans des conditions inacceptables, sans que les choses aient été clairement énoncées, alors qu'elle ouvrait des perspectives d'augmentation de dépenses et de recettes à mes yeux totalement hors de saison – nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012.
S'agissant de ce collectif, vous proposez à la fois, madame la ministre, des mesures sommes toutes assez traditionnelles en pareil cas, mais également un certain nombre de dispositions liées à la situation budgétaire et financière de notre pays, de l'Europe et du monde. Ces dispositions sont recevables, cohérentes, utiles, et nous les voterons bien volontiers.
Mais les mesures prises en France aujourd'hui comme dans d'autres pays européens peuvent, chacun le sait, ne pas suffire. La situation de nos finances publiques est sans doute sous contrôle jusqu'à la fin de l'année, mais nous savons que nos besoins de financement pour le début de l'année 2012 sont d'une telle importance que nous pouvons être confrontés à des difficultés d'une toute autre ampleur.
Mais puisque ce débat est un des temps dont nous disposons pour parler de la stratégie budgétaire de notre pays, j'aimerais, madame la ministre, mieux voir avec vous ce vers quoi nous sommes entraînés et ce vers quoi nous souhaiterions aller.
Nous avons déjà été entraînés à prendre des mesures budgétaires qui résultaient de contraintes extérieures bien plus qu'elles ne relevaient d'une stratégie propre, et nous pouvons craindre d'y être encore contraints. En d'autres termes, cela s'appelle une perte de souveraineté. C'est un fait réel aujourd'hui, qu'il ne sert à rien de nier. La succession de textes budgétaires, qui parfois s'entrecroisent au risque de quelques difficultés de compréhension, constitue une vraie perte de souveraineté. Non seulement nous prenons des mesures que nous n'aurions pas spontanément souhaité adopter, mais, d'un strict point de vue procédural, la représentation nationale finit par se trouver bien à la peine pour savoir précisément ce dont elle discute à un moment donné et quel est le champ exact des orientations qu'elle fixe.
Plutôt que de contester cette perte de souveraineté réelle, le mieux serait de réfléchir, comme vous le faites, à ce que peut être la fondation d'une nouvelle souveraineté. On nous parle d'évolution de la gouvernance économique. Il s'agirait entre autres de la fixation de nouveaux rythmes de travail et de réunion des ministres concernés au sein de la zone euro et de l'Union européenne : c'est utile, mais ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
On nous parle aussi de nouvelles sanctions pour les pays qui ne respectent pas les termes du pacte de stabilité. Ces sanctions vont sans doute devenir obligatoires : nous y consentirons, mais cela ne suffit pas non plus.
Pour fonder cette nouvelle souveraineté, il faut, au-delà des règles de gouvernance, établir des règles politiques. Vous avez évoqué cette après midi la règle d'or. Mais la règle d'or est un résultat, un constat ; ce n'est pas une politique en soi. Ce dont nous avons besoin, en France et en Europe, ce sont des réformes structurelles concertées. Et cela, il faut que le Gouvernement l'assume pleinement.
Dans cette perspective, il me paraît nécessaire, pour l'efficacité et la crédibilité de notre politique économique, de relancer un programme de privatisations qui, le jour où il sera mené concrètement, lorsque la situation financière l'autorisera, constituera un gage efficace, pour nos concitoyens comme pour la communauté européenne et internationale ; un gage de l'efficacité de réformes structurelles dont nous en partageons l'ambition mais dont nous ne connaissons pas encore exactement la portée concrète.