Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, on pourra toujours habiller comme on voudra la réalité et utiliser, pour évoquer votre inconséquence et vos incohérences un vocabulaire beaucoup plus complaisant, comme on l'a entendu lors de la séquence des questions au Gouvernement.
Vous nous avez parlé, madame la ministre, de sens des réalités et de capacité d'adaptation. Soit. Ne nous battons pas sur les mots et ne sombrons pas dans les procès d'intention – même s'il est toujours très troublant de vous voir, à quelques semaines d'intervalle, proposer des mesures fiscales totalement incohérentes entre elles, et de constater que, du budget initial à la loi de finances rectificative, vous êtes amenée à adopter une politique fiscale qui zigzague au gré des circonstances, et crée parmi les acteurs économiques une incertitude et un climat de doute qui ne sont pas, c'est le moins qu'on puisse dire, des facteurs de confiance.
Vous agissez dans un contexte économique international difficile, nous n'allons évidemment pas le nier. Vous êtes amenée à imaginer en permanence, dans l'urgence, des recettes fiscales nouvelles – beaucoup – et des économies supplémentaires – finalement assez peu – pour empêcher la dégradation de la note financière française et pour prendre en compte la stagnation économique qui nous guette. Je dois admettre à cet égard que je comprends mal que vous vous soyez vous-même mise à ce point dans la main, si je puis dire, de ces fameuses agences de notation en concentrant tout votre propos, depuis plusieurs mois, sur cette fameuse notation de triple A alors que vous-même saviez que c'était extrêmement dangereux.
Sans doute n'en avez-vous pas fini, sans doute l'Assemblée n'en a-t-elle pas fini avec cette valse des lois de finances rectificatives puisque vos hypothèses de croissance, même rabotées, demeurent supérieures à celles de tous les grands organismes internationaux et de tous les prévisionnistes français.
De ce point de vue, avant d'aborder plus précisément cet énième texte qui risque bien de ne pas être le dernier, permettez-moi un conseil, celui d'un responsable politique soucieux de l'état des finances publiques – toutes mes interventions depuis juillet 2007 le montrent. Vous devriez, madame la ministre, écouter plus souvent les écologistes : il y a quelques semaines, comme nous l'avions fait l'an dernier, au-delà de notre devoir d'opposition, nous avons travaillé sur un contre-budget, que nous avons présenté au mois de septembre dernier.
Ce travail est sérieux et raisonnable, comme le démontre d'ailleurs l'expérience récente : en 2010, le Gouvernement prévoyait une croissance de 2,25 %. Le projet de loi de finances alternatif que nous avons présenté tablait, lui, sur 1,5 %. Nous avions raison puisque la croissance sera cette année, au mieux, de 1,7 % – encore ne sommes-nous pas à la fin de l'année. Pour 2012, le Gouvernement pariait initialement sur une croissance de près de 2 % – hypothèse rabotée à un niveau inférieur, on évoque maintenant 1 %, ce que la Commission européenne juge encore trop optimiste. Nous avons pour notre part élaboré notre projet alternatif sur la base d'une croissance attendue de 0,8 %. La réalité nous donne malheureusement raison.
On peut d'ailleurs sérieusement s'interroger sur le sens de votre petit jeu d'illusionniste. Ne s'agit-il pas de préparer progressivement les esprits, budget après budget, initial ou rectifié, à de nouvelles mesures d'austérité dont les classes moyennes sont les premières victimes alors que c'est sur elles que vous faites porter l'effort de solidarité nationale qui devrait pourtant porter prioritairement sur celles et ceux qui en ont le plus les moyens ?
Car si l'on ne peut pas vous faire le grief d'être directement responsable, vous comme votre majorité, de la véritable tourmente financière qui menace nos économies, il est un reproche que l'on peut vous adresser et qui trouve sa traduction dans le texte que nous examinons aujourd'hui : rien, dans les mesures que vous proposez, n'est à la hauteur de la crise que nous devons affronter. Rien n'est susceptible de recréer la confiance sans laquelle il n'y a pas de développement économique durable. Rien n'est porteur de la cohérence indispensable à une reprise de l'activité et rien n'est porteur d'un quelconque changement de vision de l'organisation et de la régulation de l'économie.
Par aveuglement idéologique, vous vous condamnez aux demi-mesures : rien sur la nécessaire réforme de la fiscalité – vous allez répondre qu'à quelques mois de la fin d'un mandat, il est trop tard pour engager une grande réforme fiscale, mais vous êtes, avec votre majorité, aux responsabilités depuis près de dix ans ! Vous auriez par conséquent largement eu le temps de prendre la mesure de la dégradation de la situation budgétaire de la France et aussi de la dégradation du fonctionnement de notre fiscalité. Vous n'en avez rien fait et l'on peut même considérer que vous avez aggravé la dégradation de la situation budgétaire – je vous vois faire la moue, madame la ministre, mais c'est incontestable : il suffit d'examiner les chiffres du déficit et de la dette depuis que cette majorité est aux responsabilités. Si l'on veut dresser le bilan de M. Sarkozy, on ne peut que constater une explosion de la dette publique.