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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 29 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission :

D'ailleurs, si la croissance économique n'était qu'une question de volonté, si le seul volontarisme politique pouvait présider à la croissance économique, nous devrions vous demander ce que vous avez fait, et ce que vous faites, quand nous constatons la croissance économique du deuxième trimestre, quand nous anticipons ce que sera la croissance économique l'année prochaine. Si vraiment la seule volonté politique suffit à doper la croissance économique, alors faites preuve de volonté politique, madame la ministre, et transmettez ce voeu ardent à ceux de vos collègues qui s'occupent de la matière autant qu'au Président de la République, qui préside à tout.

De la même façon, croire que les investisseurs et les agents économiques vont se fonder sur la prévision officielle d'une loi de finances rectificative, et non sur la prévision de l'OCDE ou de la Commission, ou bien sur le consensus des économistes connu pas plus tard que la semaine dernière, bref, croire que celles et ceux qui examinent la situation économique du pays se contenteront de votre prévision volontariste pour oublier celle, je crois, plus objective et lucide d'organismes internationaux, de la Commission ou d'experts indépendants, croire cela, c'est sinon prendre les parlementaires pour des benêts, en tout cas penser que les agents économiques sont beaucoup moins malins qu'ils ne le sont en réalité.

Bref, il n'est pas sérieux, je le dis à l'adresse de ceux qui pourraient reprendre ces propos, d'imaginer qu'il suffit de proclamer 1 % du haut de cette tribune pour que notre pays connaisse ce taux de croissance.

Nous entrons dans l'année 2012 avec une perspective de croissance nulle ou quasi nulle, avec une perspective de chômage de masse, ainsi que les derniers chiffres en témoignent ; avec un taux de chômage qui renoue avec les chiffres de la fin des années 90, c'est un recul de plus de dix ans sur le front de la lutte pour l'emploi que nous nous apprêtons à constater.

Nous entrons dans l'année 2012 avec une perspective de déficit du commerce extérieur plus mauvaise que ce que nous connaissons cette année, avec une perspective de compétitivité pour nos entreprises particulièrement dégradée, alors que ce devait être votre grand oeuvre puisque, tout au long des lois de finances, la justification des mesures prises était la restauration de la compétitivité des entreprises. Jamais le taux de marge des entreprises non financières n'a été aussi bas dans notre pays, 28 % ou 29 % de mémoire, un taux de marge qui rend l'investissement, l'innovation, la recherche, hors des moyens de ces entreprises, et l'on sait l'importance de l'investissement dans la contribution à la croissance économique dans notre pays.

Nous entrons dans l'année 2012 avec des perspectives en réalité extrêmement sombres, d'autant que l'impression prévaut que les taux d'intérêt que nous payons désormais sur les marchés ne correspondent plus à un pays bénéficiant de la notation triple A. Treize pays au monde bénéficient de cette notation et, parmi eux, c'est la France qui paie les taux d'intérêt les plus élevés. Nous payons des taux d'intérêt qui, il y a une dizaine de jours, étaient deux fois plus élevés que ceux de l'Allemagne et qui, aujourd'hui, sont plus élevés que ceux du Mexique, noté triple B, ou de la Thaïlande.

C'est à un échec assez terrible que nous assistons, non pas l'échec d'un parti ou d'un président, mais l'échec d'un pays conduit par des autorités politiques légitimes, s'appuyant sur une majorité parlementaire, l'échec, donc, de celui qui a présidé à ses destinées ces dernières années.

Oui, nous entrons dans une année 2012 qui sera l'année des tourmentes, et vouloir nous rassurer avec la réserve de précaution me semble assez dérisoire.

Il existait une réserve de précaution pour l'année 2011, qui était de l'ordre de 6,5 milliards d'euros, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus, en tout cas de cet ordre de grandeur, et M. le rapporteur général nous indique qu'il restera 200 millions d'euros à annuler. Au nom de quoi y aurait-il moins de besoins l'année prochaine avec une croissance économique qui sera plus faible en 2012 qu'en 2011, ce qui induira des recettes moindres ? Au nom de quoi cette réserve de précaution ne servira-t-elle pas l'année prochaine à financer ce que la loi de finances initiale n'aura pas servi à financer ? Même si nous appelons cela du redéploiement, il s'agit du financement d'actions manquant des budgets appropriés. Bref, si la croissance n'est pas de 1 % – et elle ne sera pas de 1 %, si elle est de 0,3 %, ce sera déjà bien - il manquera de 8 à 10 milliards d'euros, que la réserve de précaution ne pourra financer car elle aura été utilisée à d'autres fins ; et nous savons qu'on ne peut utiliser les milliards deux fois : après qu'ils ont été consommés, il est rare de les retrouver.

Ce collectif est le dernier de l'année et c'est probablement la dernière loi de finances que nous aurons à examiner pendant cette législature.

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