Pourtant, les très nombreux amendements du Gouvernement et des rapporteurs demandaient une étude attentive, ce qui a été rendu impossible dans les délais impartis.
L'audition des ministres a été annoncée quelques heures avant qu'elle n'ait lieu en commission, via un ordre du jour modifié le jour même. Ce n'est pas sérieux.
Répondant à la motion de renvoi en commission de M. Muzeau, M. Méhaignerie a avoué que les conditions d'examen de ce nouveau projet de loi n'étaient pas pleinement satisfaisantes. Pourtant, cette première demande de renvoi en commission a été rejetée. L'Assemblée nationale a donc rétabli, dans l'urgence, une version qui ne tient compte ni des ajouts, ni des suppressions faits par nos collègues sénateurs. Le Gouvernement, en revanche, ne s'est pas privé de faire de nouvelles coupes sombres dans la protection sociale, en toute incohérence et avec une hâte qui a entravé notre travail de législateurs.
Je prendrai d'abord l'exemple de l'ONDAM, abaissé à 2,5 % par des mesures à courte vue, sans lisibilité, et sans étude réelle de l'impact qu'elles auront sur les personnes malades, sur le reste à charge ou sur le renoncement aux soins.
Une autre mesure a été glissée dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : l'avancée de la réforme des retraites, avec son cortège d'injustices.
Ces mesures montrent bien que le Gouvernement, malgré l'indignation que cette réforme a suscitée, n'est pas prêt à lever le pied de l'accélérateur des injustices et des inégalités, au risque de dérapages constitutionnels.
Le démantèlement de la solidarité nationale n'est pas une fatalité. Pourtant, le Gouvernement fait tout pour y arriver, y compris en faisant croire qu'il réalise des économies là où il peine à trouver 1,2 milliard d'euros, au détriment de la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens, au détriment des familles pénalisées par la réduction de la revalorisation des allocations familiales et des allocations logement, comme vient de le redire Mme Pinville, au prix d'assurances complémentaires toujours plus chères.
Faire reculer l'accès aux soins et diminuer les prestations sociales : voilà la réponse du Gouvernement alors que nous vivons une situation de crise très aiguë.
Dans ce contexte, ce sont les plus fragiles qu'il faut protéger. Compter sur les Restos du coeur, est-ce un vrai projet politique ? Monsieur Vitel, vous pouvez fermer les yeux, mais la misère existe.
Plutôt que des bricolages à la hâte, au détriment des ressources des classes moyennes et des plus démunis, il serait urgent de lancer une réforme structurelle qui permette de consolider notre protection sociale.
Pour construire ces réformes, encore faudrait-il que les parlementaires aient réellement le temps de débattre, tant des choix financiers que des orientations en termes de santé publique, elles aussi très critiquables.
Nous l'avons vu lors des débats sur le projet de loi de finances, les moyens dédiés à la prévention des maladies chroniques et à la qualité de vie des malades sont en diminution. Les maladies chroniques font donc, elles aussi, les frais de la rigueur budgétaire. On ne peut que le déplorer, alors que la prévention de ces maladies – à ne pas confondre avec leur dépistage – serait une grande source d'économies à long terme.
Nous avons demandé l'augmentation des crédits du plan cancer, pour mieux financer notamment la prévention des facteurs environnementaux. Comme à l'accoutumée, le Gouvernement est resté sourd à cette demande.
Quant au plan Parkinson, il existe dans les communiqués de presse du ministre de la santé et dans les propos du ministre quand il rencontre les associations. Mais il n'existe pas dans le budget.
Vous voulez toujours dépenser plus, me répondra-t-on depuis les bancs du Gouvernement. Mais alors pourquoi refuser les nouvelles recettes proposées par nos collègues du Sénat ? Voilà une incohérence supplémentaire de ce gouvernement.
Je citerai quelques-unes des mesures proposées par le Sénat qui allaient dans la bonne direction : la création d'une taxe sur les transactions financières ; la création d'une taxe sur les bonus des opérateurs de marchés financiers – ce ne sont pas les plus pauvres – ; l'abrogation des exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires mises en place par la loi TEPA ; l'octroi des allégements généraux de cotisations sociales conditionné par un accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; l'instauration d'un abattement sur les allégements généraux pour les entreprises qui emploient un grand nombre de salariés à temps partiel.
Ces deux dernières mesures auraient pu contribuer à réduire les injustices que rencontrent les femmes, premières concernées par les temps partiels subis et la crise économique.
À ces propositions du Sénat, le Gouvernement répond par la stigmatisation et l'accusation : les salariés et les fonctionnaires sont coupables d'être malades ; le ministre de l'intérieur accuse les étrangers d'être des fraudeurs. Voilà qui va diminuer la souffrance psychique au travail !
La fraude aux cotisations sociales coûte pourtant beaucoup plus cher à l'État. C'est l'augmentation du chômage et la fraude aux cotisations qui ont creusé le fameux « trou de la sécu », pas la fraude aux prestations, qui ne représente que 674 millions d'euros par an. En revanche, la fraude aux cotisations, celle que le Gouvernement ne pointe jamais, induit un manque à gagner de 15 à 19 milliards d'euros par an pour la sécurité sociale.
Pour ne pas ajouter les difficultés d'accès aux soins aux difficultés économiques, une autre voie est pourtant possible, celle de la justice, en cessant d'épargner aux plus riches l'effort de solidarité nationale, en rétablissant la progressivité de l'impôt, en rehaussant le niveau des remboursements et des prestations vraiment utiles, en supprimant le secteur optionnel.
C'est parce que l'effort à accomplir sera important qu'il doit être partagé de manière équitable. Il ne s'agit pas de discipline, monsieur Bur, mais de justice.
La restauration de la justice sociale est indissociable des mesures de long terme qui permettraient une meilleure politique sanitaire en France, avec une réelle prise en compte des facteurs environnementaux et une prévention effective. La santé publique l'exige, l'équilibre des comptes sociaux aussi.
Pour conclure, je dirai notre frustration devant ces débats menés à la hâte. Nos collègues du Sénat ont rejeté ce texte en nouvelle lecture. Aujourd'hui, le Gouvernement nous demande de réagir à nouveau dans l'urgence. La commission des affaires sociales a été convoquée le jour même de la séance publique. Comment pouvons-nous, chers collègues, espérer travailler sereinement sur des sujets si graves dans des délais aussi brefs ? Le sérieux et la responsabilité sont-ils du côté du Gouvernement lorsqu'il nous demande cela ?
Les parlementaires se doivent de protester lorsque l'urgence se confond avec le déni de démocratie. Et ne nous dites pas que vous êtes réactifs. La réactivité aurait été de nous entendre dès le début des débats.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)