Si nous pouvons nous accorder sur ce premier point, nous ne nous en posons pas moins quelques questions, liées, notamment, aux modalités de fonctionnement du dispositif. Le système proposé est fort complexe, autant, chacun l'a compris, que la question des royalties. Ainsi, comment va-t-on faire pour la commercialisation ? On a parlé de l'accord sur le blé tendre, mais pourquoi taxerait-on des produits issus de semences qui ne sont plus protégées ? Je n'ai pas compris comment on distinguerait le cas des gens qui continuent de ressemer des semences qui ne sont plus protégées. Pourquoi taxerait-on des semences dites « paysannes », qui ne sont pas non plus protégées ? Pourquoi taxerait-on des semences achetées à l'étranger ? Nous n'avons pas obtenu de réponse à ces trois questions. Il faudra bien, pourtant, qu'on nous fournisse quelques précisions tôt ou tard, car il se trouvera toujours quelqu'un pour amener le débat devant les juridictions.
Tout ce qui concerne les graines fourragères constitue un deuxième aspect important du texte. Elles comprennent non seulement les graines vertes, mais également les céréales. Lorsqu'un agriculteur produit lui-même des céréales pour ses volailles ou pour ses porcs, que ferez-vous ? Enverrez-vous des gabelous pour contrôler la hauteur des silos, le pourcentage de céréales dans l'alimentation du bétail, l'indice de consommation des animaux, toutes mesures qui varient d'un élevage à l'autre ? En commission, on nous a répondu qu'on allait discuter. Il aurait mieux valu le faire avant que le texte n'arrive en séance publique.
J'ai bien entendu qu'on envisageait de s'appuyer sur les déclarations de PAC. Mais il n'y a aucune cohérence entre les deux dispositifs et les déclarations de PAC changent chaque année, ce qui ne fera que compliquer davantage. Certains ont l'idée d'instituer une nouvelle contribution volontaire obligatoire pour les certificats d'obtention végétale – une CVO pour les COV.
Bref, vous allez créer un « truc » de plus, qui sera extrêmement fragile et sera d'ailleurs sans doute mis en cause devant les tribunaux. Vous fabriquez une nouvelle usine à gaz, sous prétexte que certains ont estimé qu'on ne pouvait pas vendre simplement la semence à son prix, mais qu'il fallait le calculer en passant par des arcanes extrêmement complexes. Si toutes les usines à gaz que vous avez inventées depuis 2007 produisaient du gaz, on pourrait peut-être fermer quelques centrales nucléaires ! Pour un gouvernement qui voulait simplifier les choses, il a fait très fort avec la création d'une trentaine de taxes et de bien d'autres systèmes dont il est incapable d'expliquer comment ils fonctionneront.
En outre, la perception de ces sommes coûtera sans doute aussi cher que ce qu'elle rapportera. Vous qui pourfendez l'administration, voilà que vous mettez en place une suradministration !
Que faire ? Cela ne me paraît pas d'une complexité extraordinaire. Les céréaliers vous diront – j'en ai dans ma famille, qui me l'ont confirmé – que la majorité des céréales ne sont resemées qu'une ou deux années de suite. Il suffit de considérer la valeur du produit : s'il est bon, et même si on le vend cher, l'agriculteur l'achètera parce que ce sera dans son intérêt, parce que cela lui rapportera davantage ; s'il est mauvais, pourquoi faudrait-il le protéger par une cotisation qui viendrait encore alourdir le poids que supportent les agriculteurs ? J'ai moi-même été sélectionneur – d'animaux, certes, mais le principe est le même – et je n'ai jamais pratiqué autrement : les meilleurs animaux étaient vendus plus chers, et il y avait toujours des acheteurs. Ce que je suis en train de vous exposer, monsieur le ministre, c'est le système libéral que vous êtes censé défendre. Les animaux qui n'étaient pas bons n'étaient pas vendus et partaient à la boucherie, mais, quand quelqu'un m'avait acheté un animal, je ne me préoccupais pas de ce qu'il en faisait le lendemain. S'il avait décidé d'en faire de la charcuterie, c'était son problème. Vous, vous inventez tout un système avec des droits de suite. Quelle que soit la majorité de demain, il faudra revenir sur ce système, qui est ingérable et inapplicable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)