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Intervention de Marie-Lou Marcel

Réunion du 28 novembre 2011 à 18h00
Certificats d'obtention végétale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Lou Marcel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est d'une fâcheuse ambiguïté.

Il s'agit de combler un vide juridique en encadrant les certificats d'obtention végétale, mais aussi, dans l'article 14, de taxer les semences fermières.

Je rappelle que les certificats d'obtention végétale protègent 70 000 variétés libres d'accès, contrairement aux variétés brevetées.

Mais si nous avons pu, en commission, dégager un consensus sur le fait que les certificats d'obtention végétale étaient préférables aux brevets et pour reconnaître la nécessité de rétribuer le travail de recherche, je suis très perplexe devant cette proposition de loi, parce qu'il est pour moi un droit inaliénable des agriculteurs : le droit de réensemencement.

Ressemer et échanger le produit de sa récolte est un droit fondamental pour l'agriculteur. Ce texte, indéniablement, bafoue ce droit.

Sous couvert de financer la recherche, il obligera les paysans à acheter les semences aux firmes céréalières en leur interdisant l'utilisation des semences qu'ils produisent eux-mêmes.

Sous le prétexte de reconnaître les semences de ferme et d'encadrer leur utilisation, ce texte, s'il était voté en l'état, contraindrait juridiquement leur utilisation. Cela n'est pas tolérable.

Que représentent, aujourd'hui, les semences de ferme ?

Les semences de ferme, ce sont 50 % des surfaces céréalières, une autoproduction de plus de 150 millions d'euros par an, réalisée par 200 000 agriculteurs, une réduction massive des intrants, puisqu'elles permettent une réduction d'environ 60 % des insecticides, une réduction des charges pour les exploitations agricoles de l'ordre de 60 millions d'euros par an et une pratique d'avenir, puisque 56 % des jeunes agriculteurs de moins de trente-cinq ans choisissent l'autoproduction.

Dans mon département, l'Aveyron, les semences fermières représentent environ 60 % pour les céréales, 50 % pour les fourrages et les protéagineux et 20 % pour le colza.

Les semences de ferme représentent donc des avantages environnementaux, économiques, sociaux et pratiques.

C'est parce qu'elles représentent un marché porteur de 300 millions d'euros que ces semences de ferme sont l'objet de tant de convoitise.

En l'état actuel, ce texte fixe la liste des semences de ferme autoproduites qui ne pourraient plus être vendues, échangées ou données. Cela concerne vingt et une espèces.

Alors que 80 % des semences de féveroles, 60 % des semences de pois et 30 % des semences d'orge sont autoproduites, avez-vous imaginé la situation financière dans laquelle se trouvera l'agriculteur lorsqu'il devra s'acquitter de droits pour cultiver ces espèces ?

Dans la période de crises successives qui ont touché les agriculteurs, prélever une taxe supplémentaire sur le produit de leur travail contribuera à les affaiblir encore davantage.

C'est la liberté et la dignité du monde paysan qui sont mises à mal par ce texte dans son article 14.

Ce n'est pas un hasard si la Coordination nationale pour la défense des semences fermières, regroupant dans ses rangs aussi bien la Confédération paysanne que la Confédération nationale des syndicats d'exploitants familiaux, le MODEF, ou la Coordination rurale, réunit, au-delà des divergences de vision de l'agriculture et dans le même souci de préserver les semences fermières, aussi bien ces trois syndicats agricoles que le Syndicat des trieurs à façon de France, la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France et le Syndicat national d'agriculture bio-dynamique. C'est la preuve que le monde paysan partage le même sentiment face à un texte liberticide.

Il est de notre devoir de garantir le respect des droits de l'ensemble des acteurs, petits ou grands, ainsi que le respect d'un modèle agricole durable, afin que les générations futures puissent disposer de ressources nécessaires à leur alimentation.

Tel n'est pas le sens actuel de ce texte, qui va à l'encontre de la convention de Rio de 1991 et du traité de la FAO de 1994 sur les ressources phytogénétiques.

Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, lors des travaux de notre commission, et comme vous l'avez répété aujourd'hui, « il n'est pas admissible que quelques grandes firmes internationales s'approprient les clefs de l'alimentation du monde ». Pour cette raison, si l'article 14 était maintenu, je voterais contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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