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Intervention de Frédérique Massat

Réunion du 28 novembre 2011 à 18h00
Certificats d'obtention végétale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous sommes tous unanimes pour encourager la recherche. À ce titre, nous considérons qu'il est tout à fait normal d'en rémunérer les acteurs.

De la même façon, nous jugeons tous que le certificat d'obtention végétale est une bonne formule. Elle permet de protéger les variétés tout en les laissant libres d'accès pour de nouvelles recherches, qui, dans le cadre d'un brevet, ne seraient pas possibles.

Au-delà de ces points, sur lesquels nous nous accordons et qui pourraient nous conduire à soutenir ce texte, nous sommes toutefois résolument opposés au sort réservé aux semences de ferme tel que l'article 14 de cette proposition de loi le prévoit.

En effet, pour un agriculteur, semer le fruit de ses récoltes sans avoir à payer une taxe aux obtenteurs est un droit fondamental, sur lequel nous ne voulons pas revenir.

Pourtant, ce texte vise à instaurer une nouvelle taxe, qui, si elle était adoptée, reviendrait à opérer un prélèvement supplémentaire estimé à environ 30 millions d'euros sur les revenus des agriculteurs, et ce sans compter l'augmentation du prix des semences commerciales qui résulterait d'une concurrence affaiblie des semences de ferme.

Alors que nous estimons tous que l'agriculture française subit l'une des plus graves crises qu'elle ait jamais connue, je m'interroge sur la pertinence d'une telle mesure, en totale contradiction avec la volonté de baisser les charges de production dans les exploitations.

Les dommages collatéraux d'une telle décision seront lourds en impact financier pour les agriculteurs. Nous avons tous été alertés, dans nos circonscriptions, sur les dangers de cette mesure. Les semences de ferme sont au coeur des métiers paysans.

En Ariège, nombre d'agriculteurs sont vent debout contre ce texte, monsieur le ministre, car ils considèrent que, s'il est normal que la protection conférée à l'obtenteur par un COV s'étende à toute commercialisation de variétés qu'il a sélectionnées, il est inacceptable que cette protection s'étende à la récolte et aux semences produites par l'agriculteur lui-même.

En effet, la contribution à l'effort de recherche de l'obtenteur ayant été acquittée lors de l'achat des semences, il n'y a aucune raison de payer ensuite indéfiniment, chaque fois que l'exploitant utilise ses propres semences.

Par ailleurs, je souhaiterais insister à mon tour sur les intérêts de l'utilisation des semences de ferme.

Ce sont d'abord des intérêts économiques. Il faut savoir qu'en France, 50 % des surfaces en céréales sont issues de semences de ferme, soit 2,5 à 3 millions d'hectares, et 200 000 agriculteurs produisent eux-mêmes leurs semences, ce qui représente environ 150 millions d'euros.

De plus, grâce à l'unité de lieu, il s'ensuit une économie de transport ayant un impact sur le plan environnemental et financier.

Ces données illustrent bien l'intérêt économique, pour nos agriculteurs, à utiliser ces semences.

Il s'agit aussi d'un intérêt environnemental. Des études ont démontré que les semences de ferme nécessitaient une consommation réduite en produits phytosanitaires et deux fois moins d'insecticides. Les semences de ferme, en complément des semences commerciales, sont de surcroît indispensables à la souveraineté alimentaire, au respect de l'environnement, à la préservation de la biodiversité cultivée ainsi qu'à l'adaptation de l'agriculture aux aléas et aux changements climatiques.

Enfin, il s'agit bien sûr d'un intérêt en termes de sécurité alimentaire. Lors des auditions en commission, il nous a été expliqué qu'il y a deux ans, dans le cadre du plan protéines, on a décidé de relancer les cultures de protéagineux, mais que, sans les stocks de la récolte précédente, les superficies cultivées n'auraient jamais pu connaître une telle augmentation de près de 50 %, comme cela fut le cas.

Au-delà de l'utilité prouvée de l'utilisation des semences de ferme pour l'agriculture française, il y a là bel et bien des intérêts environnementaux, économiques et de sécurité alimentaires mais aussi des intérêts sociétaux, comme nous l'avons démontré tout à l'heure.

Mais en instaurant cette taxe, c'est l'existence même des semences de ferme que vous souhaitez mettre en péril pour satisfaire les intérêts financiers des groupes industriels.

De plus, dans la majorité des pays céréaliers, les agriculteurs utilisent librement les semences de ferme, sans être taxés. De fait, nos agriculteurs subiraient par ce texte de nouvelles contraintes pour la vente de leurs récoltes sur les marchés.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, nous avons déposé des amendements à l'article 14, visant à protéger les semences de ferme en prévoyant notamment les cas dans lesquels un agriculteur qui utilise à des fins de reproduction ou de multiplication le produit de la récolte obtenu suite à la mise en culture d'une variété protégée peut être exonéré de l'obligation de payer une indemnité à l'obtenteur de la variété concernée.

L'adoption de ces amendements conditionnera notre vote. Si nos amendements ne sont pas retenus, nous ne voterons pas ce texte.

À l'heure où le monde agricole connaît de graves difficultés, rappelées sur tous ces bancs, et face auxquelles votre politique n'a rien changé, il est de notre devoir de législateurs de garantir le respect des droits de l'ensemble de ses acteurs, qu'ils soient grands ou petits, ainsi que de maintenir un modèle agricole durable pour les générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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