…pour répondre à l'enjeu alimentaire considérable auquel devront faire face neuf milliards d'êtres humains d'ici 2050, mais aussi pour promouvoir le modèle français, qui est exemplaire tant sur les plans économiques et sociaux qu'environnementaux et sanitaires. N'oublions pas non plus ce levier essentiel que constitue la recherche, qu'elle soit fondamentale ou appliquée.
Nous devons nous mobiliser pour défendre ce modèle. Dans le monde, et face à une logique anglo-saxone notablement différente, si nous ne le défendons pas nous-même, personne ne le fera à notre place. À cet égard, je voulais vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour votre engagement dans ce combat, bien souvent hors des feux de l'actualité.
La France est le premier producteur de semences en Europe et le deuxième exportateur mondial. Ce secteur d'excellence est dynamique puisqu'il comprend soixante-treize entreprises de sélection de semences : des PME, de très belles entreprises de taille intermédiaires – dont certaines, comme la RAGT, sont encore à capital familial – et enfin des coopératives. Ces entreprises réalisent près de 2,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et la balance commerciale du secteur est excédentaire de 650 millions d'euros.
Grâce au système de propriété intellectuelle sur les variétés végétales adopté en 1970 en France, plus de 400 nouvelles variétés sont créées chaque année. Ce système de protection des obtentions végétales permet de rémunérer la recherche, tout en laissant, à la différence du brevet, un libre accès à tous à la variété créée en tant que nouvelle ressource génétique.
Comme vous le savez, ce système juridique a été intégré dans la convention de l'UPOV, l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales, et dans le droit européen, par le règlement du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales.
Or la législation appliquée en France depuis 1972 n'a pas été modifiée au regard des évolutions agricoles et scientifiques et n'a pas non plus intégré les modifications apportées à la convention UPOV en 1991. C'est bien étonnant, car c'est la France, ne l'oublions pas, qui fut à l'origine de la création de l'UPOV.
Il apparaît donc nécessaire d'adapter le droit français aux évolutions intervenues dans le domaine de la recherche d'améliorations des plantes et des pratiques agricoles et de le mettre en conformité avec les dispositions internationales et communautaires.
Dans ce contexte, mes chers collègues, la proposition de loi examinée par le Sénat au mois de juillet dernier vise à conforter le modèle français des obtentions végétales. Elle reprend d'ailleurs, pour l'essentiel, les dispositions d'un projet de loi adopté par le Sénat et transmis à l'Assemblée nationale en 2006.
Ce texte a pour objet de répondre à trois enjeux essentiels pour l'agriculture française : consolider le modèle français de propriété intellectuelle en matière d'obtentions végétales, enjeu stratégique considérable ; préciser le cadre juridique régissant l'utilisation des semences de ferme ; garantir l'effort de recherche dans le domaine des variétés végétales, effort qui revêt un caractère essentiel.
Il s'agit donc, en premier lieu, de consolider le modèle français de propriété intellectuelle en matière d'obtentions végétales, en privilégiant le certificat d'obtention végétale plutôt que le brevet. Le COV limite en effet la protection aux usages commerciaux de la variété et de ses fruits et permet son utilisation à des fins de recherche, y compris en vue de la création de nouvelles variétés. Le COV donne donc davantage de liberté et favorise les avancées en matière de sélection végétale.
En second lieu, ce texte a pour objectif de préciser le cadre juridique régissant l'utilisation des semences de ferme. Il vise ainsi à autoriser la pratique des semences de ferme, en conformité avec le droit communautaire, sous réserve d'une rémunération versée par les agriculteurs bénéficiaires aux titulaires des droits sur les variétés concernées. Rappelons qu'aujourd'hui un agriculteur ayant acheté des semences de variétés protégées par un certificat d'obtention végétale n'a pas le droit de ressemer les graines récoltées. Cette proposition de loi permettra ainsi aux agriculteurs d'utiliser ces semences de ferme dans un cadre légal et sécurisé. Il s'agit donc d'accroître leur liberté, sans mettre en danger la sélection nationale, ce qui me paraît être un enjeu absolument majeur.