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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 23 novembre 2011 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Chacun souscrit évidemment à l'objectif que s'assignent les auteurs de ces deux propositions de loi – « le rétablissement, aux yeux de l'opinion, de la légitimité morale des responsables politiques » – mais je ne crois pas que notre rôle soit de légiférer pour influencer l'opinion et j'ignore d'ailleurs comment nous pourrions évaluer les bons moyens d'atteindre un tel objectif.

Qui plus est, je doute que l'adoption de nouvelles dispositions puisse satisfaire l'opinion. Ceux qui entretiennent la suspicion à l'égard des élus, systématiquement présentés comme des corrompus, les trouveront de toute manière insuffisantes. On pourrait même craindre que cette réforme ne soit contreproductive : par son ampleur, elle pourrait laisser penser que certains comportements en réalité marginaux sont généralisés. Mieux vaut se préoccuper de pertinence et d'efficacité, plutôt que de chercher à apprivoiser le tribunal de l'opinion !

Le dispositif qui nous est proposé tend à sanctionner certaines pratiques, qui ont été constatées. Là encore, je crains qu'on n'obtienne l'effet contraire de ce qu'on recherche : par leur précision même, ces mesures ménagent des interstices qui offriront de nouvelles possibilités à ceux qui veulent frauder. Dans ces domaines qui touchent à l'éthique et à la conception qu'a chacun de ce qu'exige son mandat, gardons-nous de dispositions exagérément détaillées !

Quant à la création d'une autorité de la déontologie de la vie publique, préconisée par la commission Sauvé, ces deux propositions de loi diffèrent du projet de loi déposé par le Gouvernement, le 27 juillet dernier, à la fois en ce qui concerne le champ d'intervention et la composition de cette instance. Pour ma part, je vois dans votre texte une contradiction entre le souhait d'instituer une autorité administrative et le choix d'y nommer des magistrats. Cette autorité aurait, en effet, toutes les apparences d'une juridiction.

L'état d'avancement des travaux du rapporteur dont nous avons été destinataires affirme que la seule manière d'assurer l'indépendance de cette autorité serait qu'elle soit composée de magistrats, ce qui est contraire au droit et à la pratique de notre pays. De nombreuses autorités indépendantes ne sont pas composées de magistrats et ont pourtant démontré leur liberté. Je crains, par ailleurs, qu'une instance structurellement « juridictionnalisée » ne se comporte comme un tribunal. Or ce n'est visiblement pas votre objectif, car vous souhaitez que l'autorité de la déontologie soit dotée de pouvoirs de consultation et de contrôle.

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