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Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 23 novembre 2011 à 21h45
Rémunération pour la copie privée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

« Il n'y a pas de création sans épreuve », disait l'écrivain Fernand Ouellette. C'est bien de cela qu'il s'agit, car c'est en effet une épreuve qui nous rassemble aujourd'hui.

Notre tâche est d'éviter l'effondrement de notre système de rémunération de la création face à des attaques répétées ; d'assurer l'avenir de la culture lorsqu'elle subit un environnement réglementaire incertain et des coups de butoirs successifs. Je pense au plafonnement des taxes pour un certain nombre d'organismes culturels, au contentieux engagé à Bruxelles et à la fiscalité alourdie sur les biens culturels.

C'est l'occasion de rappeler l'attachement du groupe socialiste au soutien à la création. Dès 1984, le ministre de la culture, Jack Lang, posait les jalons de cette approche. « Le jour est venu, disait-il, d'établir des règles qui permettent aux créateurs d'affronter le défi des nouvelles technologies et de les faire servir au développement de la création. »

La loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur instaurait la rémunération pour copie privée, compensation équitable accordée aux auteurs en contrepartie de la faculté reconnue par le législateur aux particuliers de copier des oeuvres protégées pour leur usage strictement privé.

Le dispositif de la copie privée s'inscrit en contradiction avec la loi Hadopi. Sans prétendre renier les usages de nos concitoyens, elle tend, au contraire, à concilier l'ensemble des droits et devoirs de chacun dans un univers en évolution permanente.

Aujourd'hui, la lutte menée à grands frais contre les partages non commerciaux de fichiers ne comble en aucune façon le manque à gagner des auteurs.

La loi de 1985 était-elle à ce point en avance qu'elle trace un chemin que l'on pourrait suivre ?

Le Président de la République se félicite des résultats de l'actuelle Hadopi tout en annonçant la préfiguration d'une nouvelle loi Hadopi et – pourquoi pas ? – une nouvelle autorité.

La loi de 1985 était-elle à ce point en avance qu'elle est toujours pérenne et qu'elle aurait pu guider un certain nombre de réflexions ?

La rémunération pour copie privée est fondamentale pour les industries culturelles et pour les créateurs. La rémunération des créateurs s'apparentant aujourd'hui à une mosaïque, la copie privée, constitutive de leurs revenus globaux, doit être préservée.

Près de 190 millions d'euros ont été perçus en 2010, dont 75 % sont directement versés aux ayants droit et 25 % vont à la culture.

Puisque chacun ici a parlé de son festival, à mon tour je vous invite, monsieur le ministre, aux rencontres Transmusicales de Rennes qui se tiendront les 1er, 2 et 3 décembre prochains. (Sourires.)

La décision rendue par Conseil d'État le 17 juin dernier a mis en péril le dispositif.

L'enjeu pour le législateur est double. Il s'agit, d'une part de prévoir la possibilité d'exonérer les supports acquis à des fins professionnelles, dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée, d'autre part de rémunérer les ayants droit à la hauteur du préjudice subi par l'exception de copie privée. Mais il s'agit également d'assurer la pérennité du système de rémunération des auteurs à compter du 22 décembre prochain, limite fixée par le Conseil d'État. Et c'est là toute l'urgence de notre rendez-vous : éviter que le système ne s'effondre.

Mais qu'est-ce que l'urgence ? Edgar Morin en avait une approche utilitariste : « Il ne suffit plus de dénoncer. II nous faut désormais énoncer. Il ne suffit pas de rappeler l'urgence. Il faut aussi savoir commencer, et commencer par définir les voies susceptibles de conduire à la voie ».

Oui, les contentieux en cours et le développement des usages dans l'univers numérique doivent nous conduire à une réflexion de fond sur la rémunération pour copie privée.

Aussi, si nous comprenons l'urgence et soutenons les modalités envisagées par le projet de loi pour y répondre, il faut se saisir de cette occasion pour aborder plusieurs questions de fond.

Première remarque : le projet de loi tire les conséquences de la décision du Conseil d'État du 11 juillet 2008 qui subordonne l'exception de copie privée aux seules copies réalisées à partir d'une source licite.

Auparavant, alors que les copies illicites et le téléchargement d'oeuvres sur les réseaux peer to peer entraient dans le calcul de la rémunération, nous étions donc dans un système qui s'apparentait à la licence globale. C'est d'ailleurs à demi-mot ce que dit la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt Padawan. Cette dernière s'écarte de la qualification de rémunération en avançant le caractère extra-contractuel de la compensation.

Elle précise que le préjudice résulte non d'une violation du droit de reproduction mais bien de la réalisation de la copie privée. Il semblerait alors que la Cour européenne considère la copie privée comme une limite interne au droit d'auteur et non externe au monopole de l'auteur. Nous serions donc dans une approche qui s'apparente effectivement à un système de licence globale.

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