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Intervention de Marie-Hélène Thoraval

Réunion du 23 novembre 2011 à 21h45
Rémunération pour la copie privée — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Thoraval, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

rapporteure. Mais le système de rémunération pour copie privée, qui a été pensé en 1957, puis en 1985, est aujourd'hui fragilisé : à court terme, du fait des conséquences d'arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne et du Conseil d'État et à long terme, du fait d'évolutions technologiques et juridiques de fonds.

Les discussions que nous avons eues en commission sur ce projet de loi ont été souvent techniques, toujours passionnantes et, cela mérite d'être souligné, relativement consensuelles : ainsi, c'est à l'unanimité que notre commission a adopté le présent projet de loi. Nous sommes en effet tous conscients de la nécessité d'agir vite pour éviter un effondrement du système.

Le projet de loi à deux principaux objectifs.

Tout d'abord, il comporte un certain nombre de dispositions destinées à introduire dans le code de la propriété intellectuelle des principes dégagés par les juridictions ou des modifications suggérées par exemple par le plan France numérique 2012.

L'article 1er dispose que la rémunération pour copie privée ne concerne que les copies réalisées à partir de sources licites. Il consacre une pratique de la commission de la copie privée observée depuis qu'un arrêt du Conseil d'État du 11 juillet 2008 a rappelé la nécessité d'exclure les copies réalisées à partir de sources illicites.

L'article 2 dispose que le montant de la rémunération doit être fixé en fonction des usages à des fins de copie privée, qui devront être appréciés grâce à des enquêtes d'usages obligatoires. Il conforte également la pratique de la commission consistant, dans certains cas, à fixer des barèmes provisoires.

L'article 4 tire les conséquences des arrêts Padawan de la Cour de justice de l'Union européenne et Canal Plus distribution du Conseil d'État.

Notre système actuel de prise en compte des usages professionnels, qui repose sur une mutualisation entre acquéreurs privés et professionnels et l'application d'un abattement, a été jugé contraire au droit communautaire.

Le nouveau système prévu par le projet de loi repose quant à lui sur des conventions d'exonération avec Copie France et, à défaut, des demandes de remboursement assorties de pièces justificatives.

Aux termes de l'article 6, ces demandes de remboursement seront recevables pour autant qu'elles concerneront des supports acquis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

Le projet de loi a également pour objet d'éviter au système de rémunération pour copie privée de tomber dans l'impasse à compter du 22 décembre 2011. En effet, le Conseil d'État, dans son arrêt Canal Plus distribution du 17 juin dernier, a annulé la dernière décision, n° 11, de la commission de la copie privée, qui fixait les barèmes de rémunération pour plus d'une dizaine de supports.

Le Conseil d'État a toutefois précisé que cette annulation ne prendrait effet qu'au 22 décembre 2011. Dans le même temps, il a considéré que les barèmes de rémunération devaient systématiquement être précédés d'études d'usage.

La commission se trouve donc dans l'obligation de faire réaliser plus d'une dizaine d'études et d'en examiner les résultats, ce qui ne lui permet pas de délibérer dans les délais requis.

Le I de l'article 5 du projet de loi vise en conséquence à proroger les barèmes de la décision n° 11 en excluant toutefois les usages professionnels.

En outre, le Conseil d'État a précisé que sa décision d'annulation présentait un caractère rétroactif pour les instances en cours au 18 juin 2011.

Si le motif d'annulation de la décision n° 11 ne concernait que la non-prise en compte des usages professionnels, c'est bien l'ensemble de la décision qui a été annulé. Les actions destinées à contester les paiements effectués sur le fondement de la décision n° 11 pourraient donc permettre à leurs auteurs de se voir rembourser la totalité des sommes versées, y compris celles correspondant à des usages à des fins de copie privée.

Le II de l'article 5 a ainsi pour objet de valider les paiements effectués pour des supports destinés à un usage de copie privée. Les requérants conservent, le cas échéant, la faculté de se voir rembourser les versements correspondant à des usages professionnels.

Outre des amendements rédactionnels ou de coordination, la commission a apporté quatre modifications au texte présenté par le Gouvernement : la première à l'initiative de M. Lionel Tardy, les trois suivantes à l'initiative de votre rapporteure.

Le premier amendement a introduit dans le code de la propriété intellectuelle l'obligation de transmission aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat du rapport sur l'utilisation des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée et destinées à des actions culturelles. Ce rapport était jusqu'alors seulement transmis par les sociétés de perception et de répartition de droits au ministère de la culture.

Le deuxième amendement ajoute la possibilité de déterminer le montant de la rémunération pour copie privée sur la base de la capacité d'enregistrement du support. Cette notion est plus adaptée aux supports numériques. Il n'était fait mention dans le code de la propriété intellectuelle que de durée d'enregistrement.

Le troisième amendement réduit de vingt-quatre à douze mois le délai imparti à la commission de la copie privée pour prendre une nouvelle décision Nous étions, en effet, tous d'accord sur la nécessité d'adresser aux membres de la commission un signal montrant notre souhait de les voir aboutir rapidement et de ne pas s'enliser dans d'interminables querelles à propos des barèmes.

Enfin, le quatrième amendement concerne la notice explicative fournie avec le support afin d'informer l'acquéreur sur la rémunération pour copie privée. Suite au débat en commission, le texte prévoit que cette notice explicative puisse être intégrée au support lui-même sous la forme dématérialisée, si les industriels le souhaitent.

Afin que les professionnels soient informés de la possibilité d'obtenir le remboursement des rémunérations versées sur les supports acquis à des fins professionnelles, je vous proposerai en outre d'adopter un de mes amendements. Nous y reviendrons.

Lors de nos débats en commission, une très large majorité des commissaires a estimé que l'urgence dans laquelle nous examinions ce projet ne laissait pas assez de temps pour une refonte du système.

Les membres de la commission se sont également retrouvés sur les défis de trois ordres auxquels le système de la rémunération fait face aujourd'hui.

Ces défis sont d'abord d'ordre technologique, avec le développement du numérique et du cloud computing qui consiste à déporter sur des serveurs distants des traitements informatiques, traditionnellement localisés sur des serveurs locaux ou sur le poste client de l'utilisateur. Le cloud computing remet en cause les fondements de la rémunération pour copie privée sur deux points essentiels. Il prive la rémunération pour copie privée de son assiette puisque les fichiers copiés ne sont plus stockés sur des supports physiques, mais à distance par le biais de services comme iMusic, iCIoud ou Google Music. Le cloud computing rend en outre inopérante la notion d'usage à des fins privées puisque les contenus – livres, musique, vidéos, logiciels – sont accessibles sur tous les écrans connectés qui entourent l'utilisateur, où qu'il soit dans le monde.

Les défis à relever sont également d'ordre juridique, car les sources communautaires du droit d'auteur vont en s'affirmant, ce qui peut occasionner des conflits avec notre droit national. La mise en conformité de notre droit n'est pas toujours simple et peut appeler des évolutions en chaîne afin de pouvoir conserver un système cohérent.

Enfin, ce système a vu croître les tensions entre fabricants, consommateurs et ayants droit. La commission de la copie privée ne parvient plus à réguler ces tensions en interne, ce qui se traduit par des recours systématiques au juge.

Nous sommes tous d'accord pour dire que vingt-cinq ans après l'adoption de la loi qui a instauré la rémunération pour copie privée, une réflexion de fond s'impose pour accompagner l'émergence d'un nouveau système. Nous ne le ferons pas d'ici le 22 décembre, ou alors nous le ferions très mal. Ces défis méritent une attention toute particulière et vous pouvez compter sur moi, monsieur le ministre, pour suivre avec la plus grande attention les travaux qui s'engagent.

Ce projet de loi d'urgence revêt une importance majeure pour nos artistes. L'inaction du législateur aurait eu des conséquences dramatiques sur le financement de la culture française. Avec le vote de ce projet de loi, nous pérennisons l'une des sources de financement de l'exception culturelle française. Cette exception qui participe, au-delà des frontières, au rayonnement de notre pays dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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