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Intervention de Odile Saugues

Réunion du 22 novembre 2011 à 15h00
Sécurité du transport aérien civil — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, mes chers collègues, la proposition de loi sur la transparence en matière de sécurité aérienne, que j'ai présentée au nom du groupe socialiste, ne jette nullement la suspicion sur le travail du Bureau d'enquêtes et d'analyses français – le BEA –, travail que chacun reconnaît. Cette accusation a pourtant été formulée par des orateurs de la majorité : elle ignore totalement la réalité des polémiques qui, ces dernières années, se sont développées chaque fois qu'est survenue une catastrophe aérienne. C'est parce que, jusqu'à présent, vous n'avez pas voulu regarder la réalité en face ni vous inspirer de l'exemple des États-Unis qui, avec le NTSB – National Transportation Safety Board –, ont su donner l'indépendance et la crédibilité nécessaires à leur bureau d'enquêtes national.

La présente proposition de loi n'a aucun caractère racoleur car elle est la concrétisation d'une mission parlementaire et du travail effectué en commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, laquelle l'a avalisée. Elle découle d'un travail de fond effectué sur la sécurité aérienne en France, en Europe et aux États-Unis.

Les arguments avancés lors du bref débat auquel a donné lieu son examen, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler une « niche », ne sont pas recevables, et vous le savez. La sécurité est l'une des missions régaliennes de l'État, tout comme la sûreté. Or, dans ce dernier domaine, on ne peut que s'interroger – pour le déplorer – lorsqu'on voit l'État se dessaisir de ses prérogatives au profit de sociétés privées. Avec notre proposition de loi, il n'est nullement question de privatisation, mais de création d'une Haute Autorité de la sécurité aérienne qui, à l'image des nombreux organismes de ce type – qu'il traitent de l'audiovisuel ou de la sûreté nucléaire –, agissent au nom de l'État. Il serait évidemment inconcevable de déléguer la sécurité aérienne à un organisme privé. J'ai veillé à éviter pareille dérive, tant dans la transformation du BEA en établissement public administratif que dans la création d'une Haute Autorité agissant au nom de l'État.

Dans la construction du ciel unique, qui est devenue une exigence, chacun travaille à la sécurité aérienne : l'Europe avec l'Agence européenne de la sécurité aérienne, qui édicte des règlements, et la France avec la direction générale de l'aviation civile, qui veille à leur exécution et à l'application des directives par tous les opérateurs. La DGAC effectue toutes les certifications nécessaires et exerce un rôle de régulateur que personne ne lui conteste. Faut-il pour autant laisser le BEA en son sein ? Le règlement n° 9962010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 crée un réseau européen des bureaux d'enquêtes et d'analyses indépendants, en situation de recevoir des fonds européens afin de financer leurs enquêtes à l'étranger. Par ailleurs, ce règlement accorde une plus grande place aux familles des victimes, avides d'écoute et d'informations.

En matière de transcription des directives européennes et des règlements, la France est un très mauvais élève. Avec notre proposition de loi, vous avez l'occasion de mettre le BEA à même de travailler de façon indépendante tout en étant financé correctement. On se souvient des difficultés qu'il a rencontrées pour le financement des opérations de recherches des boîtes noires après l'accident du vol AF 447 Rio-Paris du 1er juin 2009.

En refusant de discuter de la création de la Haute Autorité aérienne que préconise notre proposition de loi, vous refusez de couper le cordon qui relie le ministère, la DGAC et le BEA. Si vous aviez voulu faire la preuve de son existence – que vous contestez par ailleurs –, vous ne vous y seriez pas pris autrement. Par frilosité, par esprit partisan, vous n'avez pas voulu discuter du texte. Les acteurs du monde de l'aviation qui attendaient un acte, comme les familles des victimes qui espèrent plus d'informations, plus de transparence, plus d'humanité dans la façon dont elles sont traitées après les catastrophes, apprécieront.

Vous faites fi des conclusions des travaux d'une mission parlementaire ; vous faites fi des travaux de la commission des affaires européenne de notre assemblée ; vous faites fi de l'obligation d'appliquer dans la loi française le règlement européen, ce qui explique, monsieur le ministre, l'embarras que vous trahissez au moment où vous vous apprêtez à repousser notre texte. Le groupe socialiste, conscient de l'avancée que représente cet acte important pour la transparence du transport civil aérien, votera, lui, la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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