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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 21 novembre 2011 à 17h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion en deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, texte très important puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 475 milliards d'euros pour les régimes obligatoires de base et le FSV. Ce montant est bien supérieur à celui du budget de l'État, et chacun de nos concitoyens est concerné puisqu'il s'agit des dépenses prises en charge par la collectivité nationale et qui concernent la santé, la retraite et la famille.

Si nous sommes amenés à délibérer en deuxième lecture, c'est que, contrairement à ces dernières années, la CMP a échoué. À cela, il n'y a rien d'étonnant car les divergences étaient profondes. En commission, le rapporteur, pour l'essentiel, nous a demandé de revenir à ce que nous avions voté en première lecture, et le Gouvernement en a profité pour présenter quelques amendements qui ont pour objet de prendre acte de la réduction de la prévision de croissance et d'en tirer les conséquences sans attendre un projet de loi de financement rectificative.

Rappelons qu'en première lecture le groupe Nouveau Centre s'était unanimement abstenu. C'était certes parce que le projet de loi était fondé sur une espérance de croissance de 1,75 % alors que cette hypothèse avait été déjà revue à la baisse à 1 %, et donc que les recettes étaient, hélas, trop optimistes. C'était aussi, essentiellement, parce que nous voulions que la loi de financement de la sécurité sociale soit votée en équilibre – c'est ce que nous appelons la règle d'or sociale – et parce que nous demandions également que soient enfin mises en place des enveloppes régionales, les ORDAM, pour tenir compte de la création des ARS.

Force est de constater que le rapporteur et le Gouvernement n'ont pas bougé sur ces deux points. Il est incompréhensible que le Gouvernement, qui préconise par ailleurs la règle d'or pour qu'au minimum les dépenses de fonctionnement soient financées par des recettes équivalentes, ne demande pas lui-même un vote à l'équilibre. Tout le monde explique qu'il n'est pas acceptable de faire payer à nos enfants ou petits-enfants nos propres dépenses pour la santé, la famille et la retraite. Or, dans cette loi, 8,2 milliards d'euros de dépenses ne sont pas financés. La dette s'en trouvera accrue d'autant.

Le Nouveau Centre propose donc une mesure simple : le transfert à la CADES de ces 8,2 milliards d'euros de dépenses, et leur financement par une augmentation fort modeste, de 0,05 point, de la CRDS, à laquelle sont assujettis tous les revenus, dont le taux passerait ainsi à 0,55 %. Cette augmentation, à peine visible sur la feuille de paye, sera la participation concrète de nos concitoyens à l'effort demandé pour équilibrer les comptes et serait bienvenue pour les agences de notation. En outre, elle ne pèserait pas sur le pouvoir d'achat, pas plus, en tout cas, que l'augmentation de la base de la CSG que vous nous proposez en la faisant passer de 97 % à 98 % du salaire, augmentation que personne, d'ailleurs, n'a relevée.

Je m'étonne que le Nouveau Centre soit le seul parti à réclamer un vote à l'équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale. C'est pourtant une demande de bon sens.

La deuxième demande que le Nouveau Centre formule avec insistance est le vote d'enveloppes régionales : des ORDAM. En effet, la création des ARS permettait de remédier à un défaut majeur de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médico-social. Les ARS ont été créées, et, tout en en regrettant les aspects jacobin, centralisateur et déresponsabilisant, le Nouveau Centre se félicite de cette réforme. Cependant, nous votons un ONDAM avec des sous-objectifs, c'est-à-dire des enveloppes fléchées pour la ville, l'hôpital, le médicament et le médico-social, faisant ainsi perdurer le défaut majeur que nous avons voulu supprimer avec la création des ARS. Beaucoup, aujourd'hui, réclament une fongibilité des enveloppes : les ARS, bien sûr, et le comité Fourcade de suivi de la loi HPST, dont notre rapporteur Jean-Pierre Door est un membre éminent.

J'entends dire que la mise en oeuvre de cette mesure serait compliquée. Le Nouveau Centre fait donc deux propositions. La première est de l'expérimenter dans deux ou trois régions. La deuxième est tout simplement d'affecter à chaque région l'enveloppe qu'elle a reçue en 2012, majorée de 2,5 %. Quoi de plus simple ?

Allons-nous évoluer ? Certes, cette année va être créé le fonds d'intervention régional, petit pas bienvenu vers la fongibilité, mais quelle timidité ! Les ARS auront-elles toute latitude pour utiliser ce fonds ou seront-elles, comme d'habitude, cornaquées par le ministère ?

Madame la ministre, vous profitez de cette deuxième lecture pour réviser les perspectives de croissance, et donc les recettes, et pour nous présenter des mesures correctives qui en tiennent compte. La prévision de croissance est ainsi ramenée de 1,75 % à 1 %. Certains spécialistes pensent que ce chiffre est encore optimiste, mais nous espérons tous, notamment pour l'emploi, qu'il pourra être atteint.

Cela étant, si nous ne souhaitons pas que le déficit augmente, cette révision nous impose de réduire certaines dépenses. Les propositions du Gouvernement concernent la santé, la famille et la branche retraite.

Pour la santé, l'ONDAM est révisé, sa progression passant de 2,8 % à 2,5 %. Ces deux dernières années, l'ONDAM a été respecté, moyennant une maîtrise médicalisée qui a exigé des économies de plusieurs secteurs, particulièrement celui du médicament, et de plusieurs professions, notamment les radiologues et les biologistes.

Pour 2012 était initialement prévu un ONDAM de 171,7 milliards d'euros, en progression de 2,8 %. L'évolution tendancielle, compte tenu du vieillissement, des améliorations technologiques et de la nécessité d'investir, est estimée à 4 %. Pour tenir cet ONDAM qui apportait 4,5 milliards d'euros supplémentaires, il était nécessaire de faire des économies de l'ordre de 2 milliards. Pour respecter l'objectif d'un ONDAM en progression de 2,5 %, il faudra faire 500 millions d'euros d'économies supplémentaires.

Un ONDAM à 2,5 %, cela signifie, compte tenu du quasi-maintien du sous-objectif médico-social, une progression de 2,4 % des dépenses d'assurance maladie pour la médecine de ville et pour les établissements. Si vous renouvelez la pratique d'une mise en réserve de 500 millions d'euros en début d'année, beaucoup vont souffrir. Nombre d'établissements publics et privés risquent de connaître de grandes difficultés, car les dépenses de personnel, tributaires, notamment, du glissement-vieillissement technicité, constituent souvent 75 % des dépenses des établissements. Beaucoup ont engagé des investissements et ont donc des emprunts à rembourser. L'année va être difficile, mais les suivantes aussi puisque vous révisez à la baisse l'ONDAM des prochaines années.

Vous demandez un nouvel effort aux radiologues et aux biologistes. Or, vous le savez, de nombreux petits laboratoires qui participent au maillage du territoire connaissent déjà de grandes difficultés.

Vous mettez à nouveau à contribution l'industrie pharmaceutique par des baisses de prix. La contribution globale de ce secteur atteindra, en 2012, plus d'un milliard d'euros. Si, dans le domaine du médicament, il convient de rendre confiance à nos concitoyens, il est nécessaire de rendre confiance aussi à l'industrie en assurant une certaine stabilité. Nous avons besoin d'une industrie performante, non seulement pour créer des emplois, mais aussi pour trouver les médicaments dont nous avons et aurons besoin pour lutter, notamment, contre le cancer, les maladies orphelines, les maladies tropicales.

Vous prévoyez de baisser le prix des génériques, qui sont plus chers que chez nos voisins. Hélas, comme vous le savez, de nombreuses officines rencontrent des difficultés et leur revenu dépend beaucoup aujourd'hui de la marge, liée au prix, des génériques. Baisser ces prix va accroître leurs difficultés.

Dans le domaine de la santé, les efforts demandés sont donc répartis sur tous les secteurs.

Nous savons que nous pouvons encore gagner en efficience, mais cela nécessite de revoir la formation initiale et continue, de mettre en oeuvre les bonnes pratiques diagnostiques et thérapeutiques, et d'évaluer. L'important est de permettre l'égal accès de tous à des soins de qualité à tarif remboursable. Cela nécessite de résoudre les problèmes de démographie médicale et de répartition sur le territoire, ainsi que de dépassements d'honoraires.

Vous nous proposez un ersatz de secteur optionnel. Ce n'est pas la panacée. Il ne résout pas les difficultés des spécialités cliniques, ni celles du secteur 1, ni le problème des gros dépassements. L'idéal serait, comme le prône Xavier Bertrand, de mettre en place la CCAM – classification commune des actes médicaux – clinique, et de la réévaluer régulièrement, de même que la CCAM technique.

Pour les indemnités journalières, vous proposez un quatrième jour de carence pour les salariés du privé et un premier jour de carence pour les fonctionnaires. Certes, pour ces derniers, il s'agit d'une première, mais nous sommes loin de l'équité : un même délai ne devrait-il pas être appliqué à tous ?

Pour la retraite, vous nous proposez d'avancer d'un an les mesures prévues par la dernière réforme. L'effort demandé à chacun est modeste et l'économie non négligeable. Cependant, l'équilibre prévu en 2018 table sur une croissance de 2,75 %, hypothèse à laquelle, hélas, personne ne croit aujourd'hui. L'équilibre sera donc difficile à atteindre. Le Nouveau Centre souhaite la mise en place d'un régime universel, géré par les partenaires sociaux, à points ou à comptes notionnels, avec mise en extinction des régimes spéciaux.

Pour la branche famille, après avoir décidé de retarder au 1er avril la revalorisation des allocations, vous nous proposez de les indexer sur la croissance et non plus sur l'inflation. Cette mesure qui conduit à des économies diminuera le pouvoir d'achat des familles.

Pour le Nouveau Centre, il est important, dans ce contexte de crise, de ne pas faire peser sur les ménages le poids des mesures de rigueur. Plus que jamais, il est essentiel de protéger la politique familiale et de participer à la relance de la croissance au travers de la consommation des ménages. Le Nouveau Centre soutient le plan de rigueur, mais propose que les 300 millions d'euros de pertes de recettes qu'impliquerait le maintien de la revalorisation des allocations familiales soient compensés par une réduction de 0,05 point des prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales. Cette mesure permettrait d'atteindre les objectifs et ferait participer les collectivités territoriales à l'effort de redressement de nos finances publiques. Ce serait bienvenu !

Ainsi, le groupe Nouveau Centre, conscient des difficultés économiques, soutient l'effort demandé à chacun. Cependant, il formule plusieurs propositions innovantes qui devraient être étudiées avec sérieux et prises en compte. Elles concernent notamment le vote en équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale, ce que l'on appelle la règle d'or sociale ; la création d'ORDAM, indispensable après celle des ARS ; les dépassements d'honoraires, afin de permettre à chacun de bénéficier de soins à tarif remboursable ; la réforme des retraites, avec la mise en place d'un régime universel à points ou à comptes notionnels ; l'effort des collectivités territoriales pour préserver la politique familiale.

Le groupe Nouveau Centre a déposé des amendements sur ces points précis et espère qu'ils seront pris en compte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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