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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 21 novembre 2011 à 17h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale – nous n'avons pas la chance de compter parmi nous Mme la ministre du budget –, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, après son adoption par la majorité de cette assemblée, a été considérablement modifié et amélioré par le Sénat, désormais à gauche. La CMP s'est réunie dès le lendemain et a, sans surprise, échoué à se mettre d'accord sur un texte commun. Dès lors, les choses se sont considérablement accélérées et détériorées.

La commission des affaires sociales s'est réunie le soir même, après avoir tenu l'après-midi une séance consacrée au médicament. La discussion en séance publique n'est prévue que pour cette seule soirée de lundi !

Nous ne disposions en commission d'aucun rapport, si ce n'est un descriptif sommaire des articles distribué sur les tables ; les amendements pouvaient être déposés jusqu'à quatre heures avant la réunion ; ils n'étaient pas en ligne à l'ouverture de la réunion de la commission, d'où l'impossibilité d'étudier la liasse conséquente d'amendements déposés par les rapporteurs et le Gouvernement, destinés à remanier de fond en comble le texte issu des travaux du Sénat.

Nous avons ensuite reçu une convocation de la commission des affaires sociales qui annonçait, une heure avant le début de notre réunion sur le projet de loi de sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé, la venue des ministres en audition spéciale, à propos du PLFSS, à vingt-et-une heures le soir même. Non que nous ne soyons pas heureux de revoir les membres du Gouvernement, mais c'est peu dire que nous avons trouvé cette invitation par effraction (Sourires) peu respectueuse du Parlement !

Il nous fallut insister pour avoir confirmation de notre intuition : il s'agissait bien de la présentation d'amendements traduisant les mesures annoncées par le Premier ministre le 7 novembre dans le deuxième plan de rigueur, et qui devaient faire l'objet d'un PLFSS rectificatif. Vous avez d'ailleurs soumis le texte dans le même temps aux partenaires sociaux, mais vous n'avez pas attendu leur avis pour venir nous présenter les mesures qu'il contenait.

Ce simulacre de démocratie parlementaire se double donc d'un déni de démocratie sociale. Où est-il question, ici, du respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ? Ces exigences pourtant constitutionnelles sont simplement malmenées. Le Gouvernement a décidé de piétiner la procédure parlementaire au mépris de la qualité de la législation. Les Cahiers du Conseil constitutionnel explicitant la décision constitutionnelle du 19 janvier 2006 sont pourtant sans ambiguïté : « La bonne tenue du débat parlementaire impose d'éviter les articles additionnels en fin de navette. » C'est d'autant plus vrai que ces articles additionnels, introduits par des amendements gouvernementaux, auraient dû trouver place dans un PLFSS rectificatif.

Concrètement, le dépôt tardif des amendements du Gouvernement, qui a empêché les parlementaires de les examiner dans des conditions satisfaisantes, porte atteinte à la qualité de la législation. Il justifierait la censure du Conseil constitutionnel ; il impose un renvoi en commission afin que nous puissions les examiner sereinement et que nous puissions connaître l'avis des partenaires sociaux.

En première lecture, M. Bertrand a présenté ce budget comme « responsable ». C'est peu dire que nous ne partageons pas votre définition de ce principe : pour vous, cela veut simplement dire une facture alourdie adressée à nos concitoyens.

Est-ce faire preuve de responsabilité que de nous présenter une première mouture du PLFSS fondée sur des données macroéconomiques frisant la désinvolture ? Vous reteniez sans en démordre une hypothèse de croissance à 1,75 %, alors que toutes les études tablaient plutôt, depuis le mois d'août, sur 1 %, et que l'immense majorité des économistes tirait la sonnette d'alarme et raillait vos prévisions irréalistes.

Vous avez préféré ignorer nos remarques, nos interpellations et notre demande de pouvoir discuter d'un budget sincère.

Cinq jours après le vote de ce premier PLFSS par notre assemblée, et le jour même du début de la discussion en séance publique au Sénat, M. Fillon annonçait son plan de rigueur, comportant les mesures que l'on sait pour la sécurité sociale. Comme nous, les sénateurs vous ont eux aussi demandé en vain en quoi consisteraient ces nouvelles mesures.

Nos concitoyens avaient droit à un PLFSS rectificatif enfin frappé au coin de la responsabilité et de la justice sociale. Or il n'en est rien : les mesures présentées à la hussarde sous forme d'amendements en commission la semaine dernière, et notamment l'amendement rectifiant les prévisions macroéconomiques, sont aussi surréalistes que celles de votre premier texte. Et vous prétendez encore ramener le déficit à 13,9 milliards d'euros en 2012 ! Vous n'êtes vraiment pas crédibles.

Ce spectaculaire ralentissement de la croissance prévisionnelle est un des effets directs de vos politiques économiques, aussi responsables que vos politiques sociales. Regardez ce que vous avez fait ! Lisez le portrait social de la France publié ces jours-ci par l'INSEE : vous ne pourrez en tirer aucune fierté.

Trouvez-vous responsable de reporter sur les générations futures le poids de votre impéritie en matière de finances sociales en transférant 65 milliards d'euros de dettes à la CADES et en augmentant son plafond d'emprunt ?

Est-ce responsable de fixer l'ONDAM à 2,5 %, taux le plus bas de son histoire, en faisant peser l'essentiel de l'effort de maîtrise des dépenses sur le secteur hospitalier et en transférant toujours davantage sur les malades les coûts de leur guérison ?

Mesdames les ministres, après dix ans de pouvoir, tout dans ce PLFSS, le dernier d'un quinquennat désastreux pour les comptes de la sécurité sociale autant que pour les assurés, témoigne de votre absence totale de respect et d'écoute à l'égard des Français.

Vous nous annonciez déjà il y a six ans le rétablissement des comptes de la sécurité sociale. En 2007, vous avez repoussé cet objectif à 2010, puis à 2012. Aujourd'hui, vous nous annoncez que vous y arriverez à l'horizon 2015.

Faut-il rappeler que 2010 fut l'année de tous les records ? Le régime général a terminé l'année avec un solde négatif de 23,9 milliards d'euros, soit plus du double de ce qu'il était en 2008 lors de la présentation de la première loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat.

Pour ne prendre qu'un exemple navrant, la branche maladie accusait un déficit de 11,6 milliards d'euros, trois fois plus qu'en 2008. Or, selon la Cour des comptes, seul un tiers des déficits sociaux sont imputables à la crise derrière laquelle vous vous réfugiez pour expliquer ces résultats désastreux.

Cela ne vous empêche nullement de vous enorgueillir. En effet, face à cette situation catastrophique, vous trouvez plus courageux, mais surtout plus payant d'un point de vue électoral, de contenir un déficit abyssal dont vous portez l'entière responsabilité de la dégradation que de trouver les moyens de le résorber vraiment.

Votre nouvel exercice favori de maîtrise des dépenses, dont les. résultats sont sans commune mesure avec les besoins, passe bien entendu par de graves mesures d'austérité pourvoyeuses de chômage et de chute des recettes sociales. Vous persévérez surtout à ne pas trouver de nouvelles recettes pérennes, équitables, justes socialement et – pourquoi pas ? – pour une fois vertueuses.

Vous vous refusez à demander une juste contribution aux entreprises pour la couverture sociale des salariés qu'elles payent moins de 1,6 SMIC, ou d'assujettir au même niveau que le travail le capital et le patrimoine des plus aisés de nos concitoyens, dont les actifs travaillent ou dorment dans des paradis fiscaux qu'on nous avait juré, lors d'un G 20, avoir fermés.

Faute d'assumer ses responsabilités, incapables que vous êtes d'accepter vos propres erreurs et de tenter de les corriger, votre gouvernement ne sait plus où donner de la tête. Faute d'avoir le courage d'une réforme de l'impôt, vous avez empilé les mesurettes et finalement êtes parvenus à l'inverse de ce que vous scandiez puisque le poids des prélèvements obligatoires aura augmenté de 1,6 % en cinq ans.

Votre politique sociale n'est pas plus intelligente, mais elle est sous-tendue par une constante : demander toujours plus d'efforts à ceux qui donnent déjà le maximum au financement de la sécurité sociale et subissent aujourd'hui le plus durement la crise, c'est-à-dire les ouvriers, les salariés, les bas revenus, les étudiants, les familles monoparentales, les classes moyennes, sans jamais prendre, ou si peu, aux patrimoines. C'est là votre conception de la solidarité, que vous brandissez à tort et à travers, et notamment en première lecture pour qualifier ce PLFSS.

Mesdames les ministres, où est la solidarité dans votre mesure de désindexation des prestations sociales familiales de l'évolution des prix à la consommation au profit d'une revalorisation forfaitaire de ces prestations et du plafond de ressources au taux de 1 %, et ce pour un rendement ridicule de l'ordre de 300 millions d'euros ? Vous n'êtes pas sans savoir que cette mesure appauvrira mécaniquement les ménages et touchera de plein fouet les familles monoparentales, au premier rang desquelles se trouvent surtout des femmes seules avec leurs enfants. Or actuellement le tiers de ces familles, soit 1,6 million de personnes, vit sous le seuil de pauvreté, qui est de 950 euros par mois.

Comment osez-vous, dès lors, laisser entendre que cela n'affectera que de manière très limitée les allocataires, le manque à gagner, comme l'a indiqué Mme Bachelot en commission, s'élevant seulement à 92 euros pour une famille de deux enfants, et à 111 euros pour une famille de trois enfants ? On frise ici la provocation.

Ces sommes que vous jugez modiques, ce n'est pas de l'argent de poche mais des sommes vitales pour des millions de familles. Où est la solidarité dans votre tentative de modification du mode de calcul des indemnités journalières qui s'est transformée, sous prétexte de responsabilisation des assurés, en un quatrième jour de carence pour les salariés du privé et à un jour pour ceux du secteur public ? Qui plus est, vous avez volontairement noyé cette question dans un débat sur la fraude sociale. C'est un amalgame des plus nauséabonds.

Que dire encore du doublement de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances complémentaires santé et sur les contrats des mutuelles étudiantes, qui ne manquera pas d'accentuer les inégalités d'accès aux soins ? Avec une telle mesure, vous risquez d'annuler le bénéfice de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé et de dégrader encore un peu plus la santé de millions de nos concitoyens, au premier rang desquels un grand nombre d'étudiants. Cette mesure s'ajoute à d'autres déjà dramatiques pour la santé publique, comme les franchises médicales ou le forfait hospitalier, qui ont fait exploser les restes à charge et le taux de renoncement aux soins.

D'une manière générale, en ce qui concerne l'assurance maladie, vous faites preuve d'une absence de vision d'ensemble – sans même aller jusqu'à parler de stratégie –, si ce n'est celle de la destruction lente de notre système de protection sociale. Votre gouvernement reste complètement sourd aux alertes des acteurs de terrain et aveugle devant les difficultés croissantes que rencontrent les assurés pour accéder aux soins, et cela en raison de leur coût. Où sont enfin la solidarité et la responsabilité dans votre mesure inopinée d'accélération de l'application de la réforme des retraites de 2010, qui pénalise un nombre croissant d'assurés alors que ceux-là mêmes qui devaient partir à la retraite sont les plus touchés par le chômage ? En effet, en un an, le nombre de chômeurs de plus de cinquante ans a augmenté de 14,3 %. Des milliers se trouvent plongés par vos décisions dans le non-emploi et la non-retraite.

La vérité, mesdames les ministres, c'est que ce texte n'est ni sincère, ni responsable, ni solidaire.

Le Sénat avait repris nombre des propositions que nous avions défendues, sans succès, dans cet hémicycle et avait profondément remanié ce PLFSS pour en faire un texte responsable, équilibré, équitable pour nos concitoyens, fondé sur des recettes nouvelles et pérennes qui contrastent avec vos expédients.

Le Sénat de gauche a fait oeuvre utile…

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