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Intervention de Philippe Houillon

Réunion du 16 novembre 2011 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon, rapporteur :

Nous sommes saisis ce matin du projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution, et qui, me semble-t-il a fortement inspiré la proposition de loi organique adoptée hier par le Sénat.

L'enjeu de ce projet de loi organique est de déterminer les modalités de la procédure, nécessairement exceptionnelle, de mise en cause du chef de l'État devant la Haute Cour, celle-ci pouvant aboutir à sa destitution. Il s'agit de mettre en oeuvre la révision constitutionnelle du 23 février 2007, qui a modifié l'article 68 de la Constitution et clarifié le statut juridique du Président de la République.

Ce projet de loi organique a été déposé à l'Assemblée nationale par le Gouvernement le 22 décembre 2010. En tant que rapporteur de ce texte, j'ai procédé à une série d'auditions : outre le vice-président du Conseil d'État, j'ai entendu plusieurs universitaires, dont certains avaient appartenu à la commission présidée par le professeur Pierre Avril. Les préconisations de cette commission ont inspiré très largement la révision constitutionnelle de 2007. J'ai enfin procédé à l'audition des représentants des groupes politiques de notre assemblée, en raison de l'importance de ce projet de loi organique, qui touche directement à l'équilibre institutionnel de la VeRépublique.

L'article 68 de la Constitution, tel que modifié en 2007, réaffirme le principe d'irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions. Surtout, la réforme de 2007 précise la portée du principe d'inviolabilité provisoire dont bénéficie le chef de l'État pour les actes sans lien avec la fonction présidentielle. Ce principe d'inviolabilité avait en effet été l'objet d'interprétations divergentes de la part du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

Mais l'immunité constitutionnelle conférée au chef de l'État n'est pas sans limite. De ce point de vue, le constituant de 2007 a rénové les conditions dans lesquelles le Président de la République peut exceptionnellement être mis en cause. Il a abandonné la notion quelque peu vieillie de « haute trahison » et a mis fin aux ambiguïtés de la procédure, à moitié politique et à moitié pénale, de jugement par ce qui s'appelait alors la Haute Cour de justice. Le nouvel article 68 de la Constitution permet désormais au Parlement constitué en Haute Cour de destituer le chef de l'État « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». La procédure retenue est totalement parlementaire et ne présente plus aucun caractère juridictionnel.

L'article 68 est relativement précis en ce qui concerne la saisine et le fonctionnement de la Haute Cour. Il prévoit en particulier que la mise en cause du Président doit faire l'objet d'un accord de la majorité des deux tiers des membres de chaque assemblée. Après quoi, la décision du Parlement réuni en Haute Cour intervient dans le mois suivant, à nouveau à la majorité des deux tiers de ses membres, à l'issue d'un vote à bulletins secrets.

S'agissant des autres éléments de procédure, l'article 68 confie au législateur organique le soin de fixer ses conditions d'application. C'est l'objet du projet de loi organique que nous examinons ce matin, dont je répète qu'il reprend très largement les recommandations formulées par la commission Avril en 2002.

Le projet de loi organique traite de deux phases de la procédure. Ses trois premiers articles définissent la procédure pouvant conduire à l'adoption par les deux assemblées d'une proposition de résolution visant à réunir la Haute Cour ; ses articles 4 à 7 définissent la procédure devant la Haute Cour, notamment en instituant une commission parlementaire chargée de réunir toutes les informations nécessaires aux travaux de la Haute Cour.

Je vous proposerai plusieurs amendements visant à améliorer ce texte.

Le sujet le plus important à mes yeux est le « filtrage » de la proposition de résolution, mission que l'article 2 du projet confie à la commission des Lois de la première assemblée saisie. Selon le texte du Gouvernement, la commission des Lois devrait s'assurer que la proposition « n'est pas dénuée de tout caractère sérieux. À défaut, la proposition ne peut être mise en discussion ». On comprend bien que cette disposition vise à éviter des mises en cause abusives du Président de la République. Cependant, outre qu'elle ne fait pas partie des recommandations du rapport de la commission Avril de 2002, elle est à la fois contestable sur le fond et discutable du point de vue constitutionnel.

C'est pourquoi je vous inviterai à supprimer ce filtrage par la commission des Lois et d'y substituer un simple contrôle de la recevabilité de la proposition de résolution par le Bureau de l'assemblée concernée. Ce contrôle permettra d'éviter les mises en cause fantaisistes, qui n'entreraient pas dans le champ de l'article 68 de la Constitution.

En dehors de cette question centrale, je vous présenterai plusieurs autres amendements. Un amendement à l'article 1er précise que la discussion de la proposition de résolution est limitée à une seule lecture par chambre, conséquence logique de l'absence de droit d'amendement. À l'article 2, je vous proposerai, comme le suggérait d'ailleurs la commission Avril, de prévoir un délai pour le vote de la proposition de résolution par la première assemblée saisie, sans empiéter sur les règles habituelles de fixation de l'ordre de jour.

À l'article 3, la seconde assemblée saisie est censée se prononcer dans les quinze jours qui suivent la transmission de la proposition de résolution, comme le prévoit explicitement l'article 68 de la Constitution. Mais ce délai peut être tenu en échec si la première assemblée adopte une proposition de résolution en toute fin de session. Sans pouvoir résoudre lui-même cette difficulté, le législateur organique pourrait à tout le moins prévoir que, dans une telle hypothèse, l'inscription à l'ordre de jour de la seconde assemblée intervient au plus tard le premier jour de la session ordinaire suivante.

Aux articles 4 et 5, je vous proposerai de fixer le nombre des membres du Bureau de la Haute Cour et de la commission chargée de préparer les travaux de la Haute Cour de façon que la composition de ces instances reflète la composition de chaque assemblée. Je me félicite que le Sénat se soit hier aligné sur mes propositions dans ce domaine.

Enfin, il est nécessaire de préciser, à l'article 6, que, en dehors de l'ensemble des parlementaires, pourront seuls participer aux débats de la Haute Cour le Président de la République, qui pourra se faire assister ou représenter, ainsi que le Premier ministre.

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