Nous examinons ce matin, à l'initiative de notre collègue Catherine Quéré, une proposition de loi qui vise à supprimer la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Cette proposition doit permettre d'harmoniser les délais de prescription et la répression des infractions commises envers les personnes, quel qu'en soit le motif.
Aujourd'hui, les sanctions sont identiques pour tous les propos et écrits publics à caractère discriminatoire, qu'ils portent sur l'origine, l'ethnie, la nation, la race, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap : un an de prison et 45 000 euros d'amende. Il n'en va pas de même pour les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 : selon les cas, ils sont d'un an ou de trois mois. Ainsi, lorsqu'une personne est injuriée pour des raisons racistes ou en fonction de sa religion, le délai de prescription est d'un an. Lorsque des injures sont proférées en raison du sexe d'une personne, de son handicap ou de sa sexualité, le délai de prescription n'est que de trois mois.
Cette différence trouve sa source en 2004, lorsque l'ancien garde des sceaux, M. Perben, a souhaité allonger ce délai de trois mois à un an pour les insultes visant l'origine, l'ethnie, la nationalité, la race ou religion. Mes chers collègues, cette gradation des injures ne repose sur rien et il est temps d'y mettre un terme. Pis, comme l'a rappelé Mme la rapporteure, cette différence de délais est inconstitutionnelle. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le principe d'égalité est constante et très ferme. Les seules dérogations à ce principe qu'aient autorisées les Sages doivent être justifiées soit par un motif d'intérêt général, soit par une différence objective de situation : tout le monde conviendra, sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle, qu'aucun de ces deux critères n'est réuni.
Lors de l'examen du texte en commission, la semaine dernière, une partie de la majorité n'a pas souhaité prendre part au vote, justifiant ses réticences par la crainte que ce texte ne mette à mal la liberté de la presse. Il n'en est rien, ce n'est nullement la presse que nous visons et vous le savez bien. Nous souhaitons viser tous les propos à caractère discriminatoire qui circulent dans la sphère publique, en particulier sur internet. Je vois, messieurs de la majorité, monsieur le garde des sceaux, que vous êtes revenus sur les positions que vous aviez adoptées en commission.