Certes, mais pour le trublion qu'il est, il s'agit de grande sagesse. D'autant qu'il avait été précédemment rapporteur et qu'il avait tenu alors des propos bien différents.
La proposition de loi que nous examinons vise à mettre un terme aux discriminations de notre droit républicain dans l'incrimination des injures, diffamations et provocations à la discrimination, la haine et la violence de quelque nature qu'elle soit.
En effet, actuellement, les délais de l'action pénale sont différents selon que les propos discriminatoires relèvent d'un caractère racial, ethnique ou religieux ou qu'ils sont tenus à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap.
Comment peut-on justifier que des propos diffamatoires à caractère sexiste, homophobe ou handiphobe soient considérés comme moins préjudiciables ou douloureux pour qui les reçoit que les injures à caractère racistes ? Ces différences de traitement, cela a été dit, contreviennent au principe constitutionnel de l'égalité de tous devant la loi.
Au reste, l'article 13 du Traité instituant la Communauté européenne stipule – comme l'a rappelé Mme Quéré dans l'introduction de son rapport écrit – que « Le Conseil peut prendre toutes les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».
Avec le texte que nous proposons aujourd'hui, il s'agit certes de modifier la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui, rappelons-le, concerne également tout moyen de publication et de communication. La loi de 1881 a été modifiée par celle du 9 mars 2004 qui a introduit un article établissant un délai de prescription spécial d'un an pour les délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamation et injure commis à l'encontre de personnes à raison de leur origine, ethnie, nation, race ou religion. Pour de nombreuses raisons historiques, comme l'avait rappelé en commission notre collègueRené Couanau, il était pour ainsi dire dans l'ordre des choses que l'on sanctionne plus durement les discours racistes.
L'allongement du délai de prescription de trois mois à un an tel que défini par la loi de 2004 n'a absolument pas entravé la liberté de la presse. Je tiens à le souligner parce que lors des débats portant sur le texte de 2004, des réserves avaient été émises sur le thème : « on va tuer la liberté de la Presse ». Or, ces dispositions n'ont en rien, affecté cette liberté. Je le répète, parce que, en commission, lors de l'examen du texte, certains ont eu tendance à reprendre cette antienne, même si je constate aujourd'hui avec plaisir qu'elle est abandonnée
Aujourd'hui prôner le statu quo et ne pas uniformiser la répression des provocations à la discrimination quelle que soit la personne visée, c'est de facto permettre à l'injure sexiste ou homophobe de prospérer en toute impunité puisque, comme le soulignait fort justement notre collègue Perben, alors garde des sceaux, « Trois mois, c'est très court surtout quand les infractions ont été commises dans le cyber-espace ».
Le législateur a surtout cherché à gérer l'évolution de l'expression depuis 1881 Aujourd'hui aucun journal, digne de ce nom, ne tomberait sous le coup d'une sanction à raison d'un propos raciste car les journalistes sont des professionnels qui, dans leur grande majorité, obéissent à la déontologie et connaissent la loi. Il n'en est pas de même des internautes.
En effet, avec internet, tout un chacun peut s'improviser patron de presse, se prendre pour un avatar de Théopraste Renaudot et écrire ce que bon lui semble sans se soucier des dégâts qu'il commet. Certes les écrits papiers restent. Mais ce qui y figure reste plus sûrement sur la toile, car comme chacun le sait, le droit à l'oubli n'existe pas.
Au milieu de sites d'information ou de blogs de particuliers de grande qualité, prospèrent des sites où des propos haineux sont échangés et dispensés et peuvent attenter gravement à la dignité des femmes, des homosexuels et des homosexuelles, des handicapés.
Voter cette proposition de loi, c'est rendre à chacun les droits qu'il mérite. Il est juste de réprimer de la même façon et dans les mêmes délais les incitations et provocations à la discrimination, d'autant que les personnes actuellement lésées par la loi le sont, non pour ce qu'elles font, mais pour ce qu'elles sont, dans leur être. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)