Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, la lutte contre l'homophobie et les discriminations fondées sur le sexe ou le handicap constitue un enjeu démocratique fort. La présente proposition de loi répond donc à une préoccupation essentielle. Elle n'en soulève pas moins certaines difficultés au regard du principe tout aussi fondamental de la liberté de la presse.
Le texte que vous examinez aujourd'hui modifie sur deux points des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin d'accentuer la répression des infractions commises envers les personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. D'une part, elle élargit, de fait, le champ des infractions au motif d'aligner les différents cas de discriminations prévus par la loi de 1881 ; d'autre part, elle propose de porter à un an le délai de prescription de tous les cas de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence, de diffamation et d'injure.
Sur le premier point, s'agissant des provocations à la discrimination fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap, la proposition de loi suggère de supprimer, la référence aux discriminations interdites par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.
La référence aux articles du code pénal a été introduite, par amendement du Gouvernement, lors de l'examen du projet de loi relatif à la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Il s'agissait de répondre à une demande de la Commission nationale consultative des droits de l'homme formulée dans son avis du 18 novembre 2004, qui estimait préférable, par souci de garantir la liberté d'expression et la liberté de la presse, de circonscrire de façon précise la définition des discriminations visées.
Il ressort des documents parlementaires relatifs à ce projet de loi que cette précision visait à ce que les propos publics ne puissent être incriminés que s'ils provoquent à la commission d'une discrimination sanctionnée par lesdits articles du code pénal. Du point de vue des éditeurs de presse, mais aussi de toute personne qui s'exprime publiquement, comme les représentants des pouvoirs publics ou les parlementaires notamment, la suppression de la référence à ces articles du code pénal au neuvième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 en modifie sensiblement la portée. Des propos publics pourraient dorénavant tomber très facilement dans le champ des incitations à la discrimination.
C'est pourquoi, il me paraît préférable de ne pas modifier l'article 24 de la loi de 1881 sur ce point, donc de supprimer l'article 1er de la proposition de loi. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens. Par conséquent, il sera défavorable aux amendements proposés pour élargir le champ de cet article.
Sur le second point, la proposition de loi étend aux délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et aux délits de diffamation et d'injure envers des personnes en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, la prescription d'un an de l'action publique instituée par la loi du 9 mars 2004.
Les auteurs de la proposition de loi justifient l'extension de ce régime de prescription en faisant valoir l'identité des peines encourues pour les deux catégories d'infraction et la nécessité d'assurer leur répression dans les mêmes conditions. Cela s'inscrit notamment dans le contexte du développement d'Internet qui favorise la diffusion des messages et les maintient de façon prolongée à la connaissance du public.
Cet allongement du délai de prescription introduit une nouvelle exception à la règle de la prescription de trois mois de l'action publique pour les délits de presse. Ceux-ci constituent l'une des garanties fondamentales de la liberté d'expression, principe de valeur constitutionnelle dont découle celui de la liberté de la presse. À ce titre, le Gouvernement tient à rappeler son attachement à l'équilibre général de la loi de 1881 et à la nécessaire attention qui doit y être portée. Toutefois, il est également sensible à la préoccupation exprimée par de nombreuses associations de ne pas voir traitées différemment dans la loi les différentes formes de provocation à la discrimination. C'est pourquoi il est favorable à la proposition de loi telle qu'elle est formulée dans son article 2.
En revanche, sans vouloir nier les difficultés que rencontrent certaines victimes, il ne paraît pas souhaitable d'étendre, à cette occasion, le champ de la loi de 1881 à de nouvelles formes de discrimination, notamment celles fondées sur l'identité de genre, comme le proposent certains amendements déposés. La proposition de loi doit être circonscrite à son objet initial, qui était d'harmoniser les délais de prescription de l'action publique.
La pénalisation de nouvelles formes de provocations à la discrimination mériterait une concertation approfondie avec les représentants de la presse et des médias qui sont particulièrement sensibles à la garantie des grands équilibres issus de la loi de 1881 en matière de liberté de la presse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)