Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi qui vient de nous être présentée est principalement motivée par le souci d'asseoir l'indépendance du Bureau d'enquêtes et d'analyses dans la gestion des enquêtes faisant suite à un accident aérien. La sécurité aérienne est une question régalienne fondamentale, comme l'a rappelé la tragédie du vol AF 447 Rio-Paris il y a deux ans.
Votre proposition de loi, madame la rapporteure, tend à améliorer la transparence des enquêtes et la diffusion des informations en matière de sécurité aérienne, ce qui constitue une intention louable. Je me suis moi-même positionné en faveur d'une nécessaire transparence de ces enquêtes au bénéfice de la sécurité aérienne et du respect de la mémoire des victimes et de leurs familles. Dans le cadre de l'enquête en cours sur le Rio-Paris, le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour que le BEA produise un rapport d'étape sans délai après la découverte de l'épave et l'analyse du contenu des boîtes noires et des enregistreurs de vol.
J'ai reçu à plusieurs reprises les familles de victimes du vol Rio-Paris qui réclament légitimement de la transparence et de l'information, ce que le BEA et les pouvoirs publics se sont toujours efforcés de leur donner, mais elles attendent surtout que cette enquête continue de se dérouler sereinement.
Votre proposition de loi se fait d'une certaine manière, et je le regrette, l'écho de polémiques régulièrement exprimées dans la presse, notamment sur les liens qui seraient entretenus entre l'État, les transporteurs et les constructeurs. Or la qualité du travail réalisé par le BEA vient d'être reconnue internationalement. La revue américaine – et non pas française, j'y insiste – Flight global lui a remis cette semaine, au salon de l'aéronautique à Dubaï, le prix de l'innovation en matière d'enquête aéronautique à l'occasion de l'enquête sur le vol AF 447. Je le répète, madame la rapporteure, il s'agit d'une revue américaine !
En ce qui concerne la création d'une Haute autorité en matière de sécurité aérienne, celle-ci est fondée sur des motivations laissant entendre que l'administration chargée de la sécurité aérienne, la Direction générale de l'aviation civile, et celle chargée des enquêtes, le Bureau d'enquêtes et d'analyses, ne sont pas en situation d'assurer la transparence et la diffusion des informations utiles en matière de sécurité aérienne.
Au niveau du droit européen, l'autorité compétente en matière de sécurité aérienne est bien la DGAC, au sein de laquelle une des directions est chargée spécifiquement de la sécurité de l'aviation civile. À ce titre, elle est reconnue par l'Agence européenne de sécurité aérienne et par ses homologues en Europe. La création d'une nouvelle autorité entraînerait donc inévitablement de la confusion et une dilution des responsabilités entre la DGAC et l'éventuelle Haute autorité.
Je peux concéder que l'existence de cette proposition de loi reflète certaines interrogations quant au positionnement actuel du BEA. Cela ne justifie pas, loin s'en faut, une remise à plat de l'ensemble de l'architecture existante en matière de sécurité aérienne et de conduite des enquêtes.
En outre, la sécurité et la sûreté aériennes sont des prérogatives régaliennes dont l'État doit être le garant et dont il ne peut s'affranchir eu égard aux intérêts fondamentaux de la nation et à la sûreté de l'État. La question d'octroyer à cette Haute autorité la possibilité d'examiner et de publier tout document au titre de sa mission risquerait de freiner considérablement la collecte d'informations sur les manquements ou les incidents. Or ce sont bien les règles de confidentialité garantissant l'anonymat des déclarants qui permettent aujourd'hui aux autorités d'avoir connaissance des incidents et d'en tirer tous les enseignements nécessaires au bénéfice de la sécurité du transport aérien.
Par ailleurs, la proposition de loi propose de transformer le BEA en établissement public administratif pour assurer son autonomie de gestion. Au-delà du fait que cela entraînerait à court terme des dépenses supplémentaires, peu compatibles avec la politique budgétaire menée actuellement, la structure telle qu'elle est proposée présente d'importants points de faiblesse.
La commission de surveillance qui serait chargée de surveiller avec indépendance le déroulement des enquêtes, semble surtout dotée des pouvoirs d'un conseil d'administration. Elle comporte douze membres, ce qui, pour une structure de cent agents, nous paraît disproportionné. La présence de quatre représentants de l'État risquerait en outre d'entretenir la confusion sur l'indépendance du BEA.
Pour autant, cette idée d'établissement public me semble intéressante et mériterait d'être étudiée en lien notamment avec les départements ministériels concernés. Néanmoins, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et non pour des raisons politiques, le Gouvernement est défavorable à la proposition de loi.