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Intervention de Odile Saugues

Réunion du 17 novembre 2011 à 9h30
Sécurité du transport aérien civil — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues, rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des transports, mes chers collègues, après le rejet par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de ma proposition de loi présentée au nom du groupe SRC au prétexte qu'il s'agirait d'une remise en cause des autorités de contrôle et du caractère prématuré de cette proposition de loi, je me pose la question et vous la pose, monsieur le ministre : à quoi sert une mission parlementaire ?

Ayant mobilisé en 2004, à la suite de l'accident de Charm el-Cheikh, trente-trois députés sur le sujet de la sécurité aérienne, procédé à l'audition de plus de cent cinquante personnes, tenu dix-sept réunions et neuf tables rondes et proposé au final quarante préconisations approuvées par tous les députés, opposition et majorité confondues, la mission que j'ai présidée n'aurait donc servi à rien ? Pas tout à fait cependant, car l'année 2005, dramatique pour le monde du transport aérien civil, m'a donné la possibilité de défendre les listes noires qui, d'abord adoptées par la France, ont été actées par l'Union européenne en 2006, ce dont le commissaire européen aux transports Antonio Tajani s'est félicité lors de son audition par la commission des affaires européennes le 1er décembre 2009.

Dans les quarante préconisations du rapport, deux concernaient le Bureau d'enquêtes et d'analyses – BEA – dont toutes les personnes auditionnées ont reconnu l'extrême compétence, mais déploré le manque de moyens financiers, et demandé que lui soit donné les conditions d'une véritable indépendance, à l'image du NTSB américain qui a vu, en 1975, la rupture de tous les liens qui le reliaient au Département des transports américain, le DOT.

Le témoignage, lors d'une de nos auditions, de Paul-Louis Arslanian, alors directeur du BEA, est révélateur. À la question « Êtes-vous rattachés à la DGAC ? », Paul-Louis Arslanian répond : « Absolument pas. Nous occupons au sein du ministère une position étrange, car nous sommes dedans, mais personne ne sait exactement où ! » et il poursuit : « Il se pose un problème de financement » – le BEA reçoit ses subsides via la Direction générale de l'aviation civile, la DGAC. C'est pour répondre à ces deux problèmes, qui apparaissent au grand jour à chaque fois qu'une catastrophe aérienne se produit, aggravant le malaise au sein des équipes du BEA, que j'ai élaboré la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.

Par ailleurs, un règlement européen du 20 octobre 2010 est venu confirmer tout l'intérêt de cette proposition de loi, déposée en juillet 2010. Ce règlement européen crée un réseau de bureaux d'enquêtes européens dans le but de renforcer l'indépendance des organismes d'enquête et de faire partager les informations, sachant qu'aux termes de son article 4 « des enquêteurs ont un statut procurant les garanties d'indépendance nécessaires ». Il spécifie par ailleurs que « les membres du réseau ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune entité qui pourraient compromettre l'indépendance des enquêtes de sécurité ».

Le règlement de l'Union européenne traite par ailleurs, dans son article 21, de l'assistance aux victimes d'accidents aériens et à leurs proches. Les États membres doivent auditer les plans d'aide des compagnies aériennes sur leur territoire et veiller à désigner une personne devant être le point de contact et d'information des familles. Ces familles de victimes attendent beaucoup de la mise en place de ce règlement et de la reconnaissance de leurs droits à l'information lorsqu'une catastrophe se produit

C'est donc pour mettre en pratique à la fois les conclusions de la mission parlementaire et la transcription en droit français du règlement de l'Union européenne n° 9962010 du Parlement européen et du conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile que je propose à notre assemblée ce texte qui poursuit précisément cet objectif indispensable de deux manières. Premièrement, en instituant un nouvel organisme chargé de veiller à la sécurité aérienne, une Haute autorité de la sécurité aérienne, autorité administrative indépendante chargée de certifier la qualité de cette sécurité et s'appuyant sur un collège de personnalités, pour un tiers d'entre elles étrangères. Deuxièmement, en transformant une institution existante, le BEA, en établissement public administratif.

Adopter cette proposition de loi, par ailleurs approuvée et soutenue par la commission des affaires européennes, c'est, monsieur le ministre, couper le cordon qui relie le ministère et la DGAC au BEA pour lui assurer plus d'indépendance en créant une Haute autorité de la sécurité aérienne dont un tiers des personnalités seraient étrangères afin de garantir son renouvellement. C'est aussi transformer le BEA en établissement public administratif – ce qui convient parfaitement à l'actuel directeur du BEA comme j'ai pu le vérifier personnellement – donnant ainsi la possibilité d'intégrer le réseau européen et d'acter la directive de l'Union européenne. C'est enfin permettre, en lui donnant l'autonomie financière, de mobiliser les financements en provenance de l'Union européenne ou des États-Unis.

La proposition de loi n'a pas été adoptée par la commission, au prétexte qu'elle remettrait en cause le fonctionnement des autorités de contrôle. C'est un véritable aveuglement dont ferait preuve le Gouvernement en ne reconnaissant pas l'existence d'un problème récurrent de contestation de la rigueur du BEA, dû à sa situation, et en refusant de transcrire en droit français un règlement européen, que j'ai certes anticipé, mais qui maintenant s'impose à nous avec, je le répète, les mêmes objectifs c'est-à-dire le renforcement des Bureaux d'enquêtes et d'analyses européens pour un meilleur traitement de la sécurité aérienne.

Je conclurai, monsieur le ministre, en vous lisant deux extraits du courrier que m'avait fait parvenir le 7 mai 2012 le directeur de cabinet de votre prédécesseur : « D'une manière générale, le BEA et la DGAC accueillent favorablement le projet, considérant qu'il peut renforcer la transparence et l'efficacité des enquêtes et analyses en faveur de la sécurité aérienne. (...) La DGAC considère qu'il serait préférable de présenter cette proposition de loi après adoption par l'Union européenne du règlement sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, afin de pouvoir y inscrire la transcription des nouvelles dispositions communautaires en la matière » – ce qui est le cas.

Monsieur 1e ministre, personne ne comprendrait un refus de votre part sur cette avancée en matière de sécurité aérienne, à moins de vous soupçonner d'un esprit partisan. Je compte donc sur la sagesse du Gouvernement.

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