Cette proposition de loi s'appuie sur des faits connus de tous : le partage de la valeur ajoutée au sein du secteur agricole est de plus en plus déséquilibré en faveur de la grande distribution.
Ce déséquilibre n'est pas le fruit du hasard : il résulte de plus de trente années de déréglementation des échanges agricoles à l'échelle internationale et communautaire, mais aussi nationale. Couplée à la suppression des outils de gestion des marchés, cette déréglementation a mis les agriculteurs sous la dépendance de l'aval, c'est-à-dire de la grande distribution.
Celle-ci impose ses exigences de prix cassés à l'achat pour s'assurer des marges exorbitantes. Face à cette situation, l'encadrement des prix ne doit pas être considéré comme un tabou ou un horizon dépassé. Afin de répondre aux besoins actuels, les députés du groupe gauche démocrate et républicaine ont voulu être constructifs en proposant des mécanismes simples et immédiatement applicables : coefficient multiplicateur, définition de prix minimum indicatifs et tenue d'une conférence annuelle sur les prix.
Ces mesures peuvent répondre rapidement aux besoins des producteurs de fruits et légumes et leur assurer des prix décents. Chaque année, ils sont en effet victimes de la même hypocrisie : il leur est tout simplement impossible d'écouler leurs produits de qualité à un prix qui couvre seulement les coûts de production.
Il en va de même pour les producteurs de lait ou de viande, qui sont soumis aux exigences des industriels et de la distribution. Avec la suppression des quotas laitiers en 2015, la concurrence sera toujours plus féroce sur les prix, tandis que le mirage d'une contractualisation équitable ne cesse de s'éloigner.
À ce sujet, je dois revenir brièvement sur l'inefficacité de la loi de modernisation de l'agriculture adoptée l'an dernier. Les résultats parlent d'eux-mêmes : les producteurs laitiers refusent la contractualisation, qui, bien qu'elle leur soit vendue comme un miracle, se fait toujours sur le dos des mêmes ; les producteurs de fruits et légumes, eux, ne croient pas davantage à la solution divine du renforcement des organisations de producteurs. Quant à la gestion des risques climatiques par l'extension de l'assurance privée, elle prête à sourire puisqu'il a fallu réhabiliter soudainement, en cette année 2011, un fonds public de garantie des calamités.
Je n'irai pas plus loin sur le bilan du Gouvernement en matière de prix et de revenus agricoles ; je préfère m'en tenir au fond du problème, qui touche les producteurs comme les consommateurs. Les différents outils contenus dans cette proposition de loi peuvent contribuer à modifier la donne : ils méritent d'être retenus, même s'ils restent amendables ; ils sont d'ailleurs largement soutenus par le monde agricole. Si nous attendons encore six mois ou un an, il est à craindre que des milliers d'autres exploitants se voient condamnés à cesser leur activité : faute de décisions politiques courageuses en matière de prix, la représentation nationale accompagnera la dislocation de notre tissu agricole, de ses spécificités et de ses productions reconnues.
Cette proposition de loi, présentée dans le cadre d'une niche parlementaire réservée à l'opposition, traduit la constance et la ténacité de notre groupe à porter la question des prix et des revenus agricoles devant la représentation nationale. Elle apporte des réponses concrètes aux principales préoccupations des agriculteurs ; c'est pourquoi je vous invite à la soutenir.