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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 16 novembre 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat, rapporteur :

Depuis des années, notre pays connaît une profonde crise du logement, particulièrement dans ces zones tendues que sont les régions Île-de-France, PACA, le Nord ou Rhône-Alpes. Les causes principales en sont la pénurie de logements, particulièrement de logements sociaux, le sous-financement des politiques publiques du logement, la baisse du pouvoir d'achat et l'aggravation de la situation sociale.

Le sous-investissement de l'État, dans le logement social est manifeste. Le désengagement, en matière d'aides à la pierre, a été continu depuis 2007. Cette année encore, les crédits ont diminué de 30 %. Le manque à gagner cumulé, en quatre ans, atteint 1,1 milliard. Le Gouvernement ne cesse de communiquer sur le fait que l'État n'aurait jamais financé autant de logements sociaux : 130 000 par an, nous dit-il. En réalité, cela comprend 45 000 logements en prêt locatif social (PLS), non financés par l'État, qui ne sont pas de véritables logements sociaux, alors que 50 % des demandeurs sont éligibles au prêt locatif aidé à l'intégration (PLAI). L'augmentation du volume de logements financés compense à peine la croissance de la population française au cours de la période. Il manque un million de logements sociaux dans notre pays. Pour rattraper ce retard, il faudrait un plan massif, afin de construire 200 000 logements sociaux par an pendant cinq ans. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3,6 millions de personnes sont non ou mal logées, et 82 % de nos concitoyens considèrent qu'il est difficile de trouver un logement. En outre, une personne sur cinq déclare rencontrer des difficultés pour payer son loyer.

La crise du logement est amplifiée par l'intense spéculation qui s'exerce dans le parc privé. Le logement, ramené à une marchandise comme les autres et soumis aux lois du marché, subit depuis plusieurs années un renchérissement effréné. Si, dans les années 1980, son coût représentait 13 % du revenu des ménages, il en constitue près d'un quart aujourd'hui, et 50 % pour certaines populations comme les étudiants, les précaires et les retraités. L'explosion du coût de l'énergie ne fait qu'alourdir la facture. Tous les indicateurs sont au rouge. Au plan national, en treize ans le prix des locations a doublé. En Île-de-France, le loyer des appartements augmente en moyenne de 5 % par an. À Paris, le prix au mètre carré s'établit à vingt euros, et dépasse largement trente ou quarante euros dans certains arrondissements, notamment pour les petites surfaces. Selon le quotidien Libération, entre 2001 et 2011, les loyers ont augmenté de 50 % à Paris, de 43 % en petite couronne et de 42 % en grande couronne, hausses évidemment déconnectées de l'inflation et de l'évolution des revenus. C'est en Île-de-France, surtout à Paris, que cela est le plus frappant. Cependant, si l'écart est moindre dans les villes de province, il est significatif à Nice, Aix-en-Provence, Lille ou Toulouse. La situation est encore plus préoccupante pour les locations meublées non soumises à la loi de 1989 et ouvrant des avantages fiscaux aux propriétaires.

Ces évolutions ont de nombreuses conséquences, à commencer par le développement du mal-logement. On recense, selon Alain Régnier, délégué interministériel, 130 000 à 140 000 sans-abri en France. Une part croissante de la population se loge dans des caves, des parkings ou sur des terrains de camping. Selon la Fondation Abbé Pierre, 200 000 personnes vivent dans des logements de fortune et 600 000 dans un habitat très dégradé. Pour se loger, il faut accomplir un véritable parcours du combattant.

Or, depuis des années, les politiques du Gouvernement ont nourri la spéculation. Des milliards d'euros ont été dépensés dans des dispositifs inefficaces et coûteux comme le Scellier. La politique de la France des propriétaires est un échec flagrant. L'accession à la propriété recule depuis plusieurs années dans les couches populaires et moyennes. Seuls les plus aisés s'en tirent, comme d'ailleurs les grandes sociétés d'investissement immobilier, principales bénéficiaires des niches fiscales. Les Français ne sont pas dupes, qui jugent très sévèrement la politique gouvernementale en matière de logement. Pour 69 % d'entre eux, l'action des pouvoirs publics n'est pas satisfaisante.

En mars 2011, notre groupe avait déposé une proposition de loi établissant un programme d'urgence pour le logement et de lutte contre la spéculation immobilière. Ce texte de trente articles traçait les contours d'une autre politique du logement, avec un plan massif de construction de logements sociaux, des pistes de financement, une réforme de la fiscalité immobilière, une refonte des aides personnalisées au logement pour renforcer leur quotient solvabilisateur, un durcissement de la loi SRU, un encadrement des prix à la vente et à la location, ainsi qu'un prêt à taux zéro pour les bailleurs sociaux.

Les niches parlementaires exigeant des textes courts sur des thématiques précises, il n'a pas été possible d'inscrire cette PPL à l'ordre du jour. Nous présentons donc, à défaut, un texte qui s'en inspire : quatre articles visant à favoriser l'accès au logement locatif public et privé.

Pour répondre aux attentes des Français et impulser une nouvelle politique du logement à la hauteur de la crise, il faut des mesures d'ampleur. Ce texte s'articule autour de quatre axes : l'interdiction des expulsions, l'encadrement des loyers privés, la lutte contre la vacance et le renforcement de l'article 55 de la loi SRU.

L'article 1er interdit l'expulsion de personnes éprouvant des difficultés liées à leur patrimoine, à leurs ressources ou à leurs conditions d'existence. Rappelons qu'en 2010, la justice a décidé 113 485 expulsions, dont 11 670 ont donné lieu à une intervention de la force publique.

L'article 2 vise à faire baisser les loyers en zone tendue et à les stabiliser sur le reste du territoire. Pour nous, les logements privés doivent, à l'égal des logements sociaux, concourir à la mise en oeuvre du droit au logement opposable et avoir un caractère d'utilité publique. Nous proposons donc de modifier les dispositions de la loi de 1989 sur les rapports locatifs, afin de permettre au préfet de région de fixer par arrêté des plafonds de loyers pour les logements du parc privé. Ce dispositif serait applicable aux locations nues et meublées. L'arrêté du préfet serait pris chaque année, après avis du comité régional de l'habitat, et tiendrait compte des différents bassins d'habitat. Il fixerait un taux de modulation maximal des plafonds de loyer en fonction de plusieurs critères : aides publiques à la construction ou à la rénovation, performance énergétique, ancienneté et salubrité du bâtiment concerné, proximité d'équipements publics et commerciaux et de zones d'activité. Un arrêté ministériel encadrerait les conditions dans lesquelles seraient définis ces dispositifs régionaux.

Afin de renforcer la lutte contre la vacance des logements, l'article 3 permet au préfet de réquisitionner les logements vacants depuis plus d'un an, pour une durée d'un à six ans, dans les zones tendues. Nous proposons de porter le taux de la taxe sur les logements vacants de 10 à 15 % la première année, de 12,5 à 20 % la deuxième et de 15 à 25 % à compter de la troisième.

Enfin, l'article 4 renforce la solidarité urbaine, c'est-à-dire l'obligation de réaliser des logements sociaux dans les communes concernées par l'article 55 de la loi SRU. En 2011, 966 communes sont déficitaires en logements sociaux et soumises à réalisation. Parmi elles, 714 sont soumises au prélèvement légal, 253 ont réalisé en faveur du logement social des dépenses déductibles du prélèvement et supérieures à celui-ci, 66 en sont exonérées, car elles bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de la cohésion sociale, et disposent de plus de 15 % de logements sociaux. Ainsi, sur les 966 communes concernées, seules 395 ont été effectivement soumises à prélèvement. Ceux effectués en 2011 s'élèvent à un peu moins de 30 millions d'euros, dont 20,7 ont été directement reversés aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'un programme local de l'habitat (PLH), et plus de 7,3, affectés aux fonds régionaux d'aménagement urbain (FAU).

Afin de rendre plus contraignante la loi en vigueur, l'article 4 de la proposition porte de 20 à 30 % le taux de logements sociaux dont doivent disposer les communes concernées par l'article 55 de la loi SRU et situées en zone tendue, et le fixe à 25 % dans toutes les autres communes soumises à cet article. Il restreint la définition du logement social, pour l'application de l'article 55, aux logements financés à l'aide d'un PLAI ou d'un prêt locatif à usage social (PLUS), et exclut par conséquent les PLS. Une fois le seuil atteint, seront également décomptés les PLS et les prêts locatifs intermédiaires (PLI). Enfin, il rend illégaux les permis de construire délivrés dans les communes en carence, dès lors qu'ils autorisent des constructions comprises dans des programmes de plus de dix logements.

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