Monsieur le président, mes chers collègues, le droit européen ne confère, à l'origine, aucune compétence particulière aux institutions communautaires en ce qui concerne le fonctionnement des services d'intérêt général. Ces derniers ont néanmoins été affectés par les règles inscrites dans le traité CE, devenu traité TFUE, précisément par les règles de la concurrence. Ce faisant, le droit communautaire a dû opérer une nécessaire mais difficile conciliation entre, d'une part, le respect des règles de la concurrence et la préservation de l'unité du marché commun, et, d'autre part, la nécessité des services d'intérêt économique général en tant qu'instruments de politique économique ou sociale.
Le cadre juridique en vigueur depuis 2005 devrait évoluer, pour prendre en compte, d'une part, une modification du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne introduite par le traité de Lisbonne, et, d'autre part, l'obligation juridique faite à la Commission européenne de réviser le « paquet Monti-Kroes », ensemble de trois textes élaborés par la Commission européenne et qu'elle applique en complément de la jurisprudence Altmark de la CJSP.
En premier lieu, l'article 14 TFUE, modifié par le traité de Lisbonne, précise que les principes et conditions qui régissent les SIEG, s'ils demeurent soumis aux règles de la concurrence, dont la Commission se charge de contrôler le respect, sont adoptés par le Parlement européen et le Conseil par voie de règlement, suivant la procédure législative ordinaire.
En second lieu, les textes composant le « paquet Monti-Kroes » disposent que celui-ci doit être révisé avant le mois de janvier 2012. À ce sujet, la Commission européenne a mis en consultation quatre projets de textes, formant un futur « nouveau paquet SIEG » : une communication clarifiant les concepts ; un encadrement, qui introduit notamment une notion d'efficience ; une décision, qui accroît les dérogations accordées aux SIEG répondant à des besoins sociaux essentiels, mais qui abaisse le seuil général d'exemption de notification de 30 à 15 millions d'euros ; un règlement de minimis spécifique aux SIEG, qui prévoit que les aides de minimis puissent atteindre un montant de 150 000 euros par année fiscale, sous réserve de remplir deux critères cumulatifs, celui de la taille de l'entité qui octroie l'aide – seuil de 10 000 habitants –, et celui de la surface financière des entreprises auxquelles l'aide est octroyée – chiffre d'affaires inférieur à 5 millions d'euros.
C'est dans ce contexte que la Commission des affaires européennes a adopté la proposition de résolution européenne de Mme Grommerch et de M. Juanico
Lors de l'examen de la proposition de résolution, la Commission des affaires européennes de l'AN a jugé choquant que la Commission européenne réglemente seule les SIEG, par voie de décision, d'encadrement ou de communication, en s'appuyant directement sur l'article 106 TFUE. L'absence de « texte intermédiaire », directive ou règlement, lui laisse une marge de manoeuvre trop importante, et fait échapper au Parlement européen et au Conseil la politique européenne sur les services publics.
Ce faisant, ce sont aussi les parlements nationaux qui ne peuvent jouer le rôle que le traité de Lisbonne leur donne, en particulier pour contrôler le principe de subsidiarité.
Cette proposition demande en conséquence à la Commission européenne de se saisir de la possibilité nouvelle offerte par l'article 14 TFUE d'adopter un règlement définissant les principes et les conditions de fonctionnement des SIEG. Proposé par la Commission, un tel règlement serait adopté par le Parlement et le Conseil selon la procédure législative ordinaire, et encadrerait les textes pris aujourd'hui par la Commission européenne seule (décisions, communications, encadrements, etc.).
La proposition de résolution européenne poursuit un second objectif : appuyer la position française dans le cadre de l'actuelle négociation du « nouveau paquet SIEG » avec la Commission européenne. Le « nouveau paquet SIEG » sera adopté avant qu'un règlement pris sur la base de l'article 14 puisse être adopté. Il est donc primordial que la nouvelle réglementation, entrant en vigueur en janvier 2012, ne soit pas défavorable à la position française. Certains points de désaccord ont été soulevés par le SGAE.
La France estime qu'un financement public accordé dans le cadre d'une relation in-house avec l'opérateur de SIEG n'est pas une aide d'État. Cette relation, de par son caractère interne, est réputée ne pas affecter la concurrence.
La France accueille favorablement le principe d'un règlement de minimis spécifique aux SIEG, qui permet de clarifier la part des financements ne comportant pas d'impact sur le commerce intracommunautaire et ne relevant donc pas du champ des aides d'État. Toutefois, la faiblesse du montant proposé ainsi que les critères cumulatifs envisagés (taille de la commune et chiffre d'affaires de l'entreprise) affaiblissent sa portée ; en pratique, les conditions de minimis ne seraient presque jamais remplies, compte tenu de la taille habituelle des SIEG.
La France est défavorable aux intentions de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne d'abaisser le seuil général de notification de 30 à 15 millions d'euros ainsi que le seuil de notification des aéroports de 1 million à 200 000 passagers annuels. Aucun motif n'a été présenté pour justifier un tel abaissement, qui traduit en fait la volonté de la Commission de contrôler davantage l'octroi de compensations publiques aux opérateurs de SIEG. Augmenter le nombre de cas soumis à obligation de notification accroît les contraintes et les dépenses de procédure des administrations publiques.
En revanche, la France se félicite de la prise en compte par la Commission de la nature spécifique des services sociaux, mais souhaite également que les services culturels bénéficient d'un traitement analogue.
Dans leur état actuel, les projets de la Commission qui composent le « nouveau paquet SIEG » vont au-delà du mandat qui est accordé à cette dernière. En demandant à la Commission européenne de proposer un règlement sur la base de l'article 14, il s'agit de rappeler celle-ci au respect de la compétence des États membres dans le domaine des SIEG, et d'infléchir ses projets de texte en conséquence.
J'ajouterai que, dans sa proposition de résolution sur le « nouveau paquet SIEG » du 24 octobre dernier, la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen partage cette analyse. En effet, elle fait remarquer, d'une part, que les instruments juridiques actuels, c'est-à-dire le « paquet Monti-Kroes », manquent de clarté et de proportionnalité, et, d'autre part, que les textes proposés par la Commission européenne, composant le futur « nouveau paquet » SIEG, n'améliorent pas suffisamment le cadre juridique applicable. Ainsi, les eurodéputés sont-ils « préoccupés de l'intention de la Commission de rajouter des exigences supplémentaires afin de veiller à ce que le développement des échanges ne soit pas altéré dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union, et estiment que ces exigences supplémentaires entraîneraient une incertitude juridique ». Ils ajoutent : « Étant donné que l'article 14 du traité FUE a créé une nouvelle base juridique pour un cadre juridique horizontal, afin d'établir les principes et les conditions, notamment économiques et financières, des services publics, il peut être pourvu sur cette base à la sécurité juridique et à la clarté nécessaires. C'est pourquoi la Commission devrait absolument présenter un tel cadre horizontal avant la fin de l'année 2011. Il convient ce faisant de tenir compte du fait que la réforme des règles de l'UE en matière d'aides d'État applicables aux services d'intérêt économique général ne représente qu'une partie de ce cadre d'une nécessité urgente ».
Pour les raisons que je viens de vous présenter, mes chers collègues, je considère donc qu'il est important que la Commission des affaires économiques soutienne la position de la Commission des affaires européennes en se prononçant en faveur de cette proposition de résolution.