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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 9 novembre 2011 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Au nom du groupe SRC et sans doute au nom d'autres groupes représentés ici, voire d'un certain nombre de députés de la majorité, je regrette que M. Kert ait exprimé des réticences vis-à-vis de cette excellente proposition de loi, dont le seul défaut est d'être due à l'initiative de l'opposition. Mais je compte bien démonter ses arguments et d'ici à l'examen en séance publique, chacun aura eu le temps de réfléchir.

Ce texte est destiné à achever le travail engagé au début des années 2000, dans un contexte très consensuel, pour lutter contre certaines discriminations. En 2003, j'avais eu l'honneur de rapporter une proposition de loi du groupe de socialiste qui, bien que rejetée, avait lancé le débat. Si bien que, lors de la seconde lecture du projet de loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), les dispositions de cette proposition de loi furent intégrées dans la loi sur la liberté de la presse de 1881.

L'enjeu est simple. Comme vient de l'indiquer Catherine Quéré, en cas de propos et d'écrits publics à caractère discriminatoire, que ceux-ci portent sur l'origine, l'ethnie, la nation, la race, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap, les sanctions sont les mêmes : un an de prison et 45 000 euros d'amende. Il nous faut maintenant faire en sorte que ces incriminations bénéficient du même délai de prescription. Aujourd'hui, selon les cas, il est d'un an ou de trois mois ; or rien ne justifie cette différence.

Cher Christian Kert, vous êtes un spécialiste reconnu des médias. Vous savez bien que la loi emblématique de 1881 sur la liberté de la presse est extrêmement vertueuse puisqu'elle garantit la liberté de la presse tout en sanctionnant les excès qui pourraient se traduire par des propos ou des écrits publics à caractère discriminatoire. Aujourd'hui, d'ailleurs, ce n'est pas la presse qui est visée, mais tous les propos et écrits à caractère discriminatoire qui circulent dans la sphère publique, notamment dans le cyberespace.

En 2003, lorsque j'ai défendu la proposition de loi du groupe SRC et lorsque le Gouvernement a défendu le projet de loi visant à instituer des sanctions identiques quelle que soit la nature ou l'origine de la discrimination, j'ai entendu des propos similaires, à savoir que l'on risquait de mette à mal la liberté de la presse. On s'aperçoit, sept ans plus tard, qu'il n'en a rien été. Fort heureusement, la presse est toujours aussi libre dans notre pays. Et en l'occurrence, ce n'est pas cela qui est en cause.

Vous avez indiqué, cher Christian Kert, que la loi du 9 mars 2004 avait été motivée par certains messages antisémites circulant sur internet. Mais c'est ignorer qu'il circule sur internet autant de messages sexistes, handiphobes ou homophobes que de messages antisémites, racistes ou xénophobes.

Il faut que la majorité réfléchisse. Voter, quelle que soit la nature ou l'origine de la discrimination, un délai de prescription unique d'un an – et non de trois mois, qui est trop court pour permettre de lancer des actions – relève du bon sens. Cela témoigne d'un attachement déterminé à l'égalité des droits qui est au coeur du pacte républicain, sans remettre aucunement en cause la liberté de la presse.

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