Je n'ai pas dit que la fiscalité était le seul élément qui conduisait une entreprise à rester en France ou à quitter notre pays. J'étais venue devant vous pour parler de la fiscalité des particuliers, je veux bien parler de la fiscalité des entreprises.
En la matière, l'ensemble des prélèvements obligatoires aboutit à un surcoût de 6 ou 7 points entre la France par rapport aux pays de l'Union européenne. La Cour des comptes a bien voulu souligner qu'il n'existe pas d'équivalent en Allemagne à l'imposition sur les facteurs de production en France : sur 100 euros acquittés dans notre pays par les entreprises, hors charges sociales, 60 le sont au titre de l'IS et 40 au titre des impôts sur les facteurs de production – qui n'existent pas en Allemagne.
Les informations, très médiatisées, qui ont circulé sur le taux d'imposition des sociétés s'appuient sur des données incomplètes ou inexactes. Au-delà d'un certain seuil, toutes les entreprises dont le résultat est imposable paient un impôt au taux de 33 13, avec une majoration pour les plus importantes d'entre elles ; mais les impôts sur les facteurs de production sont si importants que bien des entreprises n'ont plus de bénéfice imposable. En outre, les entreprises du CAC 40 exercent leurs activités dans le monde entier ; il en résulte que le bénéfice publié ne correspond pas au bénéfice réalisé en France, mais à celui qui est réalisé dans le monde.
Dans notre pays, le cumul des impôts sur les facteurs de production et des charges sociales a conduit, dans les dix dernières années, à une dégradation continue de la rentabilité des entreprises, y compris les plus grandes, alors que sur la même période, la rentabilité des entreprises allemandes n'a pas cessé de progresser. Je le vérifie dans mon groupe, qui exerce les mêmes activités des deux côtés du Rhin : le coût du travail, charges sociales comprises, a augmenté en France, alors que son poids diminuait en Allemagne ; la rentabilité de nos filiales a augmenté en Allemagne, tandis qu'en France elle a diminué.
Il ne faut donc pas se tromper de combat. Ceux qui pensent qu'en France les entreprises ne paient pas d'impôt en raison d'une pratique d'optimisation font erreur : elles paient énormément d'impôts au titre des facteurs de production ; si le rendement de l'IS est faible, c'est parce que leurs résultats imposables sont faibles, voire inexistants. La réalité est là : la rentabilité des entreprises françaises se dégrade. Or il faut que les entreprises soient rentables pour se développer : les profits ne servent pas à enrichir les riches, mais à enrichir les entreprises et à sécuriser leur avenir, au bénéfice de l'emploi.
J'en viens à la question des stock-options. Les entreprises françaises sont tout à fait favorables à une extension des outils d'épargne salariale et d'actionnariat à l'ensemble de leurs salariés. Il serait toutefois dommage d'appliquer une logique du « tout ou rien ». Dans mon groupe, qui pratique l'actionnariat salarié depuis vingt ans, celui-ci est ouvert au plus grand nombre, mais le manutentionnaire préfère toucher une prime. Il me paraît souhaitable que la loi encourage, mais se garde d'imposer une obligation.
En matière d'imposition, on ne peut pas se contenter de ne pas être trop décalé par rapport aux autres pays. L'existence même d'un décalage signifie à mes yeux l'absence de toute marge de manoeuvre pour augmenter la fiscalité. Imaginez les efforts qu'ont dû faire en 2009 les entreprises confrontées à une perte d'activité de 10 ou 40 %, voire de 60 % ! Face aux déficits publics, votre seule marge de manoeuvre concerne donc les dépenses publiques. Les entreprises françaises, même si on leur prenait toutes leurs richesses, n'en produiraient pas assez pour couvrir les déficits ! Et la Cour des comptes vient elle-même de confirmer qu'elles sont déjà les plus lourdement taxées.