Cette proposition de loi soulève diverses critiques au sein du monde paysan. Dix-huit organisations aussi diverses que la Confédération paysanne, les Chrétiens dans le monde rural, l'ATTAC, les Amis de la Terre et la Coordination nationale pour la défense des semences fermières ont lancé un appel pour s'y opposer.
Par ailleurs, une refonte de la législation européenne étant prévue pour 2014-2015, n'est-il pas inutile de faire adopter une législation qui sera caduque dans deux ans ? La France et son industrie semencière ayant survécu à vingt ans de vide juridique, nous pourrions attendre deux ans de plus.
Le texte comble certes ce vide juridique en délivrant une définition législative des variétés et en encadrant les certificats d'obtention végétale. Très attachés au principe de non-brevetabilité du vivant, nous reconnaissons aux COV certaines qualités.
Ce qui nous préoccupe dans ce texte, c'est le traitement qu'il réserve aux semences de ferme : sous couvert d'en reconnaître l'existence et d'en encadrer juridiquement l'utilisation, la proposition de loi en contraint fortement l'usage. Les semences de ferme, ou semences autoproduites, représentent un marché potentiel de 300 millions d'euros pour l'industrie semencière, car elles comptent pour 50 % des semences utilisées dans notre pays. Depuis 2001, le recours aux semences de blé autoproduites est encadré. Alors qu'un quintal de semence industrielle coûte 7 euros à l'agriculteur, la même quantité de semence autoproduite lui revient à 2 euros : on voit bien le manque à gagner pour l'obtenteur.
Ce texte limite la définition de ces semences de ferme à 21 produits, – dont le soja ne fait pas partie –, vous imposez le paiement de royalties pour chacun d'entre eux et vous interdisez leur vente, échange, ou don. Cette disposition n'est pas acceptable. Elle est surtout dangereuse pour la pérennité de notre activité agricole.
Elle représente un coût supplémentaire pour les agriculteurs : aujourd'hui, comme l'a rappelé M. Dionis du Séjour, 30 % des semences d'orge, 60 % des semences de pois et 80 % des semences de féveroles sont autoproduites. Après l'adoption de cette loi, les agriculteurs devront payer des royalties : comment vont-ils le supporter ?
Deuxièmement, cette reconnaissance ne concerne que 21 espèces : pour les autres, l'agriculteur autoproduisant sera considéré comme contrefaisant, et sa récolte sera détruite. La question se pose notamment pour le recours à la moutarde fourragère ou à la phalécie, imposées par l'UE sur les terrains nus pour lutter contre l'azote, qui ne font pas partie de la liste des 21 produits et que les agriculteurs seront contraints d'acheter aux industriels pour un coût qu'ils ne pourront soutenir.
Enfin, en interdisant les échanges, ventes et dons de semences fermières, vous mettez le couteau sous la gorge à de nombreux agriculteurs. Cette mesure est en total décalage avec la réalité du terrain : sans dons ou échanges de semences de ferme, peu d'agriculteurs auraient pu passer les épisodes climatiques récents, comme la sécheresse du printemps 2011.
Vous l'aurez compris, les députés du groupe GDR ne voteront pas ce texte. Un geste aurait pu être fait à propos des semences génériques et des délais de protection propre aux COV. Tel n'est pas le cas, ce qui justifie notre opposition à ce texte.