La nécessité d'encourager la recherche – en agronomie comme dans les autres domaines – fait certainement l'objet d'un consensus général. Je regrette que l'INRA ne puisse plus faire son travail dans de bonnes conditions et doive, faute de moyens, abandonner des pans entiers de recherche agronomique. Il est inacceptable, par exemple, que la nuciculture, ne fasse plus l'objet d'aucune recherche.
La protection du droit de propriété intellectuelle des acteurs, tant publics que privés sur les obtentions végétales fait elle aussi l'unanimité. Le certificat d'obtention végétale est une bonne formule, qui doit être défendue. En effet, les 70 000 variétés protégées dans le monde par un COV sont libres d'accès pour de nouvelles recherches, à la différence de celles qui sont protégées par un brevet. Nous devrions donc nous retrouver sans peine pour défendre ce système.
Il est tout à fait normal, par ailleurs, que ceux qui utilisent des semences rémunèrent, en achetant ces semences, les auteurs du travail de recherche qui a permis leur production.
Au-delà de ces points d'accord, il est néanmoins un point d'achoppement : l'utilisation des semences de ferme. S'il est normal de faire payer aux agriculteurs le prix de la recherche dans celui des semences, il ne l'est pas de leur faire payer un droit sur les semences issues de leurs propres récoltes – ce qui reviendrait de fait à leur interdire de les utiliser. L'utilisation des semences n'est interdite aujourd'hui que pour la pomme de terre, le droit étant beaucoup plus flou pour les autres productions, et cette pratique est très répandue dans notre pays, et l'on peut s'en féliciter. En 2003, hiver particulièrement rude, de nombreuses céréales à paille ont dû être ressemées : les semences nécessaires n'étant pas disponibles en quantité suffisante du fait du caractère imprévu de la situation, l'intérêt de pouvoir puiser dans les silos les semences de l'année précédente était évident.
Le droit à ressemer, que réclament les agriculteurs, doit être inaliénable, sous peine de les obliger à acheter toutes leurs semences et de livrer la totalité de l'agriculture de notre pays à ceux qui les produisent – ce qui est inacceptable. L'utilisation des semences de l'année précédente est interdite pour la pomme de terre et, pour le blé, elle fait l'objet d'un accord interprofessionnel prévoyant une « contribution volontaire obligatoire ». Le texte qui nous est proposé élargit ce système aux autres cultures : pour les protéagineux, les pois, les féveroles, la luzerne, le trèfle et plus de vingt autres variétés, il obligerait les agriculteurs à passer par des semences certifiées et à payer à chaque fois. Ce n'est pas correct. Selon les semenciers, les agriculteurs n'ont pas intérêt à utiliser des semences de ferme, car la plante dégénère dès la première année, et perd en rendement. Si c'est vrai, l'agriculteur a tout intérêt à acheter des semences certifiées, mais nous voulons qu'il conserve le droit de réutiliser une partie de sa récolte pour la semer.