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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 2 novembre 2011 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Je n'aurais pas pensé évoquer le problème du temps de parole entre la majorité et l'opposition, mais notre collègue Christian Kert m'y a incité.

Nous avons été assez étonnés, au parti socialiste, que le 19 octobre le CSA ait mis en demeure cinq médias – i Télé, BFM TV, LCI, Europe1 et France Inter – pour non respect du pluralisme. Lors d'un rendez-vous au CSA, le 8 septembre dernier, on nous avait expliqué qu'on procéderait à des rattrapages comme on le fait habituellement tous les trois mois pour les journaux télévisés, et tous les six mois pour les magazines. J'accompagnais alors Harlem Désir, alors premier secrétaire du parti socialiste par intérim, et nous n'avions pas senti qu'il y aurait un emballement susceptible de conduire à une telle mise en demeure.

Il est incontestable que l'opposition, et plus particulièrement le parti socialiste, a bénéficié d'un temps de parole bien supérieur à celui de la majorité. Mais il faut tout de même observer que tout le temps de parole consacré, sur les médias télévisés, à l'affaire Strauss-Kahn – alors même que cela ne le servait pas – a été imputé au parti socialiste. L'affaire Strauss-Kahn et les primaires socialistes citoyennes expliquent donc ce débordement de temps de parole.

Mais mon intervention se veut constructive et, après tout, ce qui arrive à l'opposition aujourd'hui peut arriver demain à la majorité. Cette affaire ne doit-elle pas nous amener à revoir la façon de comptabiliser les temps de parole ? Tout commentaire d'un dirigeant du parti socialiste sur le sujet était imputé au parti socialiste. Il en fut de même de l'intervention télévisée de Dominique Strauss-Kahn, alors qu'il n'a aucune fonction officielle au parti socialiste. Mais ce n'était qu'une parenthèse.

Je voudrais maintenant interpeller le président Boyon sur certains événements qui, pour être passionnants, n'en sont pas moins inquiétants pour le pluralisme de l'information et la diversité culturelle. Je veux parler des rachats successifs de chaînes, et notamment du rachat de Direct 8 et de Direct Star par Canal Plus, qui fait suite au rachat de NT1 et de TMC par TF1, chacun de ces rachats s'accompagnant d'une valorisation absolument incroyable, voire scandaleuse de ce qui est un bien commun, un bien gratuit, à savoir une fréquence audiovisuelle.

Je vous rappelle qu'une seule fréquence, celle sur laquelle se trouvait Virgin 17 et qui est aujourd'hui celle de Direct Star rachetée par Canal Plus, a été vendue par Lagardère pour 70 millions d'euros et que Bolloré a revendu ce qui était devenu Direct Star avec Direct 8, pour la « modeste » somme de 279 millions d'euros ! Il y aurait là de quoi combler en partie les déficits des finances publiques.

Les normes techniques ont toute leur importance. Pour notre part, nous abordons ces questions avec la même réserve qu'il y a cinq ans et demi, quand des chaînes historiques ont mis en avant ces normes techniques pour empêcher le lancement de la TNT – le CSA avait alors bien joué son rôle, en passant outre.

L'objectif de la TNT, comme l'avait fait remarquer Didier Mathus lorsqu'il a rapporté la loi de 2000, était de permettre qu'il y ait un plus grand nombre de chaînes et davantage de diversité. Mais cela augmente, par là même, le nombre des d'acteurs : c'est tout le problème des nouveaux entrants. Nous pouvons d'autant plus nous interroger que, l'abrogation des chaînes bonus aidant, sur les six chaînes pour lesquelles un appel d'offres a été lancé, trois reviendront aux chaînes historiques, TF1 pour lancer TV Breizh, M6 pour lancer M6 famille ou WikiTV et Canal Plus pour lancer Canal 20 – même s'il a anticipé en rachetant Direct 8 et Direct Star. D'où ces questions : qu'en est-il des nouveaux entrants en tant que tels ? Ne faut-il pas revoir les seuils anti-concentration, compte tenu de l'augmentation des chaînes gratuites et des bouleversements qui sont intervenus depuis les lois de 2000 et de 2007 ?

Ensuite, quel est l'avenir de l'offre payante ? En effet, dans le paysage audiovisuel actuel, c'est d'abord la chaîne gratuite qui est recherchée, y compris par ceux qui se sont fait connaître dans le domaine de l'offre payante, ou tout du moins de l'abonnement – je pense à Canal Plus.

Enfin, ma dernière question rejoindra l'une de celles de la présidente. Faut-il suivre Nonce Paolini lorsqu'il parle du « syndrome Rantanplan » ? De fait, le lancement des six chaînes a fait l'objet d'un tir de barrage à Dijon lors des Rencontres cinématographiques de l'ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs). Pascal Rogard, délégué général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, qui parlait au nom de la création, a remarqué que le lancement de ces six chaînes interviendrait à un moment de grande morosité économique et sociale, et donc de maigre ressource publicitaire. Le faible niveau de la ressource publicitaire affectera ces six nouvelles chaînes, mais aussi les chaînes déjà installées et ne manquera pas d'avoir un impact sur la création.

Bref, le calendrier choisi est-il le bon ? Même s'il est possible de lancer six nouvelles chaînes, fallait-il le faire à tout prix dans les six mois, avant même la prochaine élection présidentielle ?

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