Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout ou presque a été dit sur ce budget. Supportez toutefois qu'à mon tour je vous rappelle que la situation des outre-mer français est critique.
Elle est à l'image du défi social et sociétal qui se présente à nous. Dans notre société, la violence fait chaque jour des ravages, sur fond de chômage et de précarité endémique, qui touche particulièrement notre jeunesse, puisque 55 % de la population active jeune sont sans emploi. Ce ne sont pas moins de cinq affaires de meurtre en trois jours dans des contextes différents, dont quatre pour la seule journée du 5 novembre 2011 – triste samedi et record national –, que nous avons eu à déplorer en Guadeloupe. D'ailleurs, un congrès exceptionnel, ce qui n'est pas une procédure consacrée pour ce type de problèmes, s'est réuni tant bien que mal au conseil régional de Guadeloupe, avant-hier, sur l'insécurité et la violence, comme un cri d'alarme supplémentaire.
Quel modèle de société voulons-nous, madame la ministre, pour la Guadeloupe, mais aussi, plus largement, pour la France ? Est-ce une société de loups cyniques où l'étalon de la réussite consiste en la possession d'une montre Rolex à l'âge de cinquante ans ? Ou bien est-ce, a contrario, une société qui partage équitablement les fruits, même moins nombreux, de la production nationale brute ? Dans ce second type de société, l'étalon de la réussite collective consisterait par exemple, pour avoir davantage d'emploi, d'activité et d'intégration – notamment pour notre jeunesse – à développer le tissu associatif ; promouvoir le logement social ; éradiquer l'habitat indigne ; promouvoir le développement durable et intégré – « endogène », pourquoi pas; recruter des enseignants, des policiers, des postiers, des douaniers et des personnels de santé ; poursuivre une réforme territoriale pour la mise en place d'une véritable subsidiarité, en outre-mer comme dans l'hexagone.
Force est de constater que le budget de la mission « Outre-mer », tel qu'il est soumis à notre examen, montre par ses orientations l'idéologie ultralibérale qui a présidé à son élaboration, c'est-à-dire la réussite de quelques individus, au détriment de la réussite collective – celle du plus grand nombre d'individus.
En effet, si les trois principales orientations budgétaires rapportées par notre éminent collègue Alfred Almont sont recevables dans le principe, elles sont particulièrement contredites par la forme et le fond de votre projet de loi de finances pour 2012.
Ainsi, la suppression de l'abattement fiscal sur le bénéfice des entreprises qui investissent et produisent en outre-mer est significativement contre-productive pour le développement endogène, pourtant prôné à grand renfort de discours par le Président de la République lui-même, notamment en Guadeloupe.
Ainsi, dans un territoire où le solaire est une énergie renouvelable, propre et sûre, détruire les avantages fiscaux des investissements outre-mer dans le photovoltaïque constitue de facto une incitation au maintien du dominium de Total et de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, de même qu'une incitation à l'importation massive de combustibles pétroliers, en violation des objectifs du Grenelle de l'environnement et de l'Agenda 21, fixés pourtant par votre gouvernement.
Celui-ci voudrait-il maintenir la devise de Colbert – « pas même un clou » ni un fer à cheval dans nos colonies –, qu'il n'agirait pas autrement. Ainsi, le développement endogène n'est nulle part inscrit dans vos choix politiques et apparaît comme un habile pare-feu pour masquer un désengagement insidieux mais bien réel de l'État outre-mer. Il ne suffit pas de nommer trois commissaires à l'« endogénat » pour briser le carcan idéologique qui sous-tend l'action ultramarine au service des monopoles de l'import et de la distribution.
Il en est de même pour votre seconde orientation budgétaire, le soutien au logement social. L'amputation de 34 millions d'euros dans la LBU montre à elle seule que le Gouvernement ne semble pas prendre toute la mesure de la poudrière sociale que sont les zones dites d'habitat indigne, que je connais – de même que vous, d'ailleurs – dans ma circonscription, aussi bien à Pointe-à-Pitre et Marie-Galante qu'à Morne-à-l'Eau et aux Abymes : zones de misère, de délitement du lien social qui, en dépit des efforts de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, que je salue au passage, demeurent une plaie béante indigne de notre République.
Enfin, mais ce n'est pas le point le moins important, en matière de continuité territoriale et de formation des jeunes ultramarins, votre budget présente notamment une diminution de 100 millions d'euros sur les contrats aidés et une baisse de 6,6 % pour l'action « Culture, jeux et sports », montrant bien qu'il y a loin de l'orientation au chiffrage.
Ce ne sont pas les habitants des îles du sud de la Guadeloupe qui y trouveront leur compte, en l'absence de la création d'une véritable délégation de service public dans le cadre d'un groupement d'intérêt public, pourtant prévu dans la LODEOM et voulu par tous les acteurs locaux, mais refusé dans les faits à coups de mesures dilatoires, sans oublier le contrat colibri, aujourd'hui déplumé (Sourires), de votre prédécesseur Yves Jégo et le contrat de développement, resté rue Oudinot dans les tiroirs de votre ministère.