Madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2012 s'inscrit dans un contexte particulier, celui de l'austérité. Depuis trois ans, nous subissons les effets de la crise économique et financière mondiale, et ceux que l'on nomme désormais « les indignés » en appellent à une action forte et volontariste des États. Ces grondements de la société viennent aussi de Guyane, et je me ferai ici le relais de l'indignation des Guyanais face à la situation de l'éducation, de la santé, de la justice, de la sécurité et du logement, pour ne citer que ces droits fondamentaux.
En matière d'éducation, si 75 000 élèves étaient scolarisés à la rentrée 2011 dans le premier et le second degré, pour une population de 230 000 habitants, les enfants non scolarisés sont encore trop nombreux : on en compte 3 000, qui vivent principalement dans l'Ouest de la Guyane. Quant aux effectifs scolarisés en éducation prioritaire, ils sont proportionnellement 15 fois plus nombreux en Guyane qu'en métropole. S'agissant de la progression des effectifs d'enseignants, elle oblige de plus en plus systématiquement à un recours aux contractuels, qui en représentent 27 %. Par ailleurs, 43 % des jeunes de 18 à 24 ans sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, sachant que le niveau de qualification reste faible : 44 % des plus de 25 ans possèdent un diplôme de l'enseignement secondaire contre 71 % dans l'hexagone.
Dans le domaine de la santé, l'accès à des soins de qualité n'est toujours pas une réalité pour les Guyanais. Les indicateurs sont les plus mauvais de France et témoignent d'une situation sanitaire dégradée : la mortalité infantile et périnatale est de deux à trois fois supérieure à la moyenne nationale, la démographie médicale trois fois plus faible et l'espérance de vie inférieure de quatre ans. Le nombre de Guyanais atteints de diabète, d'insuffisance rénale ou d'hypertension artérielle ne faiblit pas, tandis que l'incidence du paludisme ou de la dengue figure parmi les plus hautes des Amériques. Quant au risque de décès par maladie infectieuse entérique, il est, lui, encore bien présent en Guyane, faute d'assainissement suffisant et en raison de la présence de mercure liée à l'orpaillage clandestin. Rendons-nous à l'évidence : le plan Santé outre-mer n'a pas répondu à l'étendue des besoins de la population guyanaise et à la réalité du territoire.
Depuis le début de l'année, vous le savez, madame la ministre, la multiplication des actes graves de délinquance et de violence a diffusé dans la population un sentiment de peur. Les moyens consacrés à la sécurité publique sont notoirement insuffisants. En dépit de leur engagement, les forces de l'ordre peinent à mailler l'immensité du territoire : l'État doit adapter les effectifs et les moyens de celles-ci aux réalités de la Guyane. En outre, aucune action efficace et pérenne ne peut se concevoir sans une coopération forte avec le Brésil, le Suriname et le Guyana, en prenant en compte les intérêts de la Guyane et non ceux de la France.
En ce qui concerne la justice, elle est toujours dans une situation de carence depuis plusieurs années. Les justiciables et les professionnels de justice sont en attente de la cour d'appel de Cayenne qui sera installée au 1er janvier 2012. À Saint-Laurent-du-Maroni, les services de justice font encore défaut. En dépit des postes dits ouverts, nos magistrats ne restent pas. Enfin, le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly est surpeuplé et aucune création d'un nécessaire centre de rétention à Saint-Laurent-du-Maroni n'est annoncée.
La question du logement a déjà été longuement abordée ici, mais les chiffres concernant la Guyane sont encore beaucoup plus inquiétants. Elle est la préoccupation des Guyanais, dont 80 % peuvent prétendre à un logement social. Les besoins en nouvelles constructions se chiffrent à 4 000 par an, sachant qu'aujourd'hui 13 000 demandes de logements ne sont pas satisfaites. En l'absence d'autres perspectives, 19 000 administrés – citoyens français guyanais – n'ont pas d'autre choix que de s'installer dans des logements illicites ou insalubres. Les opérations de résorption de l'habitat insalubre, entraînées par les carences de l'État, pour garantir le droit au logement restent insuffisantes faute de dotations financières appropriées. À ce sujet, un amendement a été présenté par la ministre de l'écologie prévoyant que le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, puisse contribuer au financement de l'aide financière et aux frais de démolition dans les quartiers d'habitat informel en outre-mer. Cette mesure est une avancée qui doit être approfondie. À cet égard d'ailleurs, comment le chiffre de 5 millions d'euros par an pour les quatre DOM a-t-il été calculé ?
Quant à la disponibilité du foncier aménagé, les dotations financières allouées au fonds régional d'aménagement foncier urbain, le FRAFU, ne répondent pas à la demande, ce qui obère toute possibilité de construction de nouveaux logements.
Il est, par ailleurs, urgent de garantir, au préalable, l'accès au réseau d'assainissement. En 2012, la Guyane aura besoin de 8 millions d'euros pour mettre aux normes ses équipements d'assainissement et pour lancer des opérations immobilières aussi bien sur le territoire de la communauté de communes du centre littoral qu'à Saint-Laurent-du-Maroni.
Madame la ministre, des débuts de réponse – je l'indique très clairement – sont, certes, apportés dans les différents domaines que j'ai évoqués. Mais tous les indicateurs sociaux et économiques montrent que notre territoire est en retard par rapport aux autres territoires nationaux. La difficulté est même plus grande encore : notre retard structurel est couplé à une croissance démographique de 3,7 % par an, avec une perspective de 450 000 à 500 000 habitants en 2030.
Le budget 2012 pour la Guyane est en décalage par rapport aux besoins et aux réalités du territoire et aux attentes des Guyanais. Face à une situation inégale, il nous faut une réponse inégale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)