Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2007, les populations d'outre-mer ont souffert comme rarement, et cette fin d'année 2011 illustre d'ailleurs parfaitement cette souffrance.
Certes, le budget que nous examinons aujourd'hui semble moins pire que ceux des années précédentes puisque les saignées n'apparaissent pas réellement ou pas encore. Pas réellement, parce que l'effort des ultramarins n'apparaît pas dans votre présentation mais davantage dans la partie recettes où 100 millions d'effort fiscal à destination de l'outre-mer sont supprimés. Pas encore, parce que les prévisions de croissance initiales, mais également révisées, sont constamment surestimées et qu'un budget rectificatif qui mettra encore l'outre-mer à contribution est inévitable.
Face à un budget déjà caduc, je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous disiez franchement quelles politiques concrètes seront impactées par le nouveau tour de vis. Quoi qu'il en soit, je dois avouer que je n'ai plus grand espoir en une inflexion positive de vos choix budgétaires qui ont entraîné, depuis 2007, le naufrage de votre politique.
Je voudrais d'ailleurs revenir sur deux crises récentes qui symbolisent ce naufrage.
Tout d'abord, la crise sociale qui sévit à Mayotte depuis plus d'un mois et demi et dont l'issue est, à cette heure, encore incertaine. Mayotte souffre, comme tous les départements d'outre-mer, du phénomène de la vie chère, de la vie très chère. Ce dysfonctionnement, cette injustice que le mouvement du début 2009 initié en Guadeloupe avait mis en lumière n'a jamais été traitée à sa juste mesure par le Gouvernement et par le Président, qui devait être pourtant le Président du pouvoir d'achat.
Votre seule réponse à une situation que vous ne pouvez ignorer s'est limitée à noyer cette revendication dans la multitude des « mesurettes » du comité interministériel de l'outre-mer, mesurettes qui ne sont d'ailleurs toujours pas mises en oeuvre. Avez-vous cru vraiment que décréter une « année de l'outre-mer » suffirait à résoudre le problème de la vie chère ? Tous les Réunionnais et tous les ultramarins se rendent compte, chaque jour davantage, sur les marchés, dans les supermarchés, que la vie chère, le racket quotidien perdurent, voire s'accroissent.
Pourquoi n'avez-vous pas eu le courage d'affronter ce dysfonctionnement central qui frappe la vie quotidienne des ultramarins ? Pourquoi n'avez-vous pas profité de ces cinq années pour imaginer des solutions radicales ? Sur ce point précis, ce budget symbolise, une nouvelle fois, votre renoncement. La situation de cette fin de règne me laisse penser que ce sont cinq années de perdu, qui seront difficiles à rattraper.
Lutter contre la vie chère en outre-mer sera, si les Français font confiance au candidat de la gauche en 2012, la priorité absolue. Il nous faudra prendre des mesures fortes et radicales pour raisonner nos marchés intérieurs et les opérateurs. Nous ne devrons pas hésiter à mettre en oeuvre une véritable politique de rétablissement des prix, sans tabou, sans dogme. Nous devrons cesser d'observer les prix et renforcer les administrations de contrôle que vous avez démantelées.
Nous devrons avec courage poser les fondations d'un nouvel ordre économique, pour le mieux-être de tous les ultramarins mais également au bénéfice des opérateurs économiques. Nous ne devrons donc craindre aucune pression, aucun dénigrement.
Ce sujet est, j'insiste, majeur non seulement pour transformer le quotidien des ultramarins mais également pour libérer un système économique verrouillé.
Mes chers collègues, vous le voyez, la tâche à accomplir n'est pas aisée, mais je demeure persuadé qu'il s'agit du bon chemin pour qu'enfin en outre-mer l'égalité, l'émancipation sociale et le progrès économique puissent se réaliser.
Il est vrai que cet objectif ambitieux doit au préalable être précédé d'un retour de la confiance des Ultramarins en l'État. Hélas, cette confiance s'est peu à peu étiolée depuis cinq années. Jusqu'alors, c'est en votre gouvernement et en la droite que les Ultramarins n'avaient plus confiance. Or la seconde crise, c'est-à-dire la tragique gestion de l'incendie qui ravage La Réunion, a rongé cette fois la confiance que les Réunionnais avaient en l'État. Et c'est cela qui est plus dramatique et qui m'inquiète particulièrement. En effet, quelle crédibilité les Réunionnais peuvent-ils accorder à un gouvernement qui a utilisé tous les artifices, tous les mensonges pour refuser l'intervention des moyens aéroportés qui auraient empêché que le désastre atteigne une telle ampleur ?
Comment croire en la parole de la ministre chargée de l'environnement, qui ment outrageusement en indiquant qu'il faudrait six jours pour mobiliser les avions quand trente heures ont suffi ? Comment justifier l'instrumentalisation politique d'un préfet, dont la rigueur et le professionnalisme étaient jusqu'alors reconnus, pour le pousser à défendre l'indéfendable ?
Madame la ministre, nous sommes en démocratie et les clivages politiques sont normaux et nécessaires. Vous défendez des intérêts et des principes qui ne sont pas les miens, mais la République nous réunit. Et c'est la mission première de cette République, de l'État, que d'assurer la sécurité de ses citoyens qu'ils soient dans l'hexagone ou à l'autre bout de la planète. Mais la République, dont vous êtes temporairement responsable, a failli. Ces événements ont renforcé le sentiment qu'ont les Réunionnais et les Ultramarins de ne pas être des citoyens à part entière.
Madame la ministre, l'incapacité – ou le refus – de votre gouvernement à régler ces crises ou à accomplir les missions de base de l'État ont laissé des plaies qui mettront du temps à cicatriser. Et la succession de vos budgets insincères n'y changera rien. Tout cela gênera de manière inéluctable toute action future d'un État dont la crédibilité a été durablement atteinte. C'est une faute que les Ultramarins ne vous pardonneront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)