Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues fidèles aux débats sur l'outre-mer, vous savez l'attention que je porte chaque année à la discussion sur le budget de l'outre-mer, qui permet à nos collectivités de mesurer les engagements de l'État pour les accompagner dans leur développement économique et social.
Ce budget ne comporte de mon point de vue aucune surprise et n'appelle de ma part aucune observation particulière concernant la Polynésie française. L'engagement de l'État, à travers la dotation globale d'autonomie, le dispositif de soutien aux investissements prioritaires de la Polynésie ou le contrat de projet 2008-2013, s'inscrit dans la continuité des années précédentes.
Si je ne peux être que satisfait de cette constance, je dois toutefois, madame la ministre, appeler votre attention sur le fait que cet engagement que traduit le document budgétaire ne pourra éviter, malheureusement, qu'éclate une crise économique, sociale et institutionnelle sans précédent en Polynésie française.
Oh ! il n'est pas question, pour moi, de faire pression sur le Gouvernement. Ce n'est pas non plus, j'en suis persuadé, une révélation pour vous, madame la ministre, vous connaissez la situation de notre collectivité : la Polynésie française est en quasi-cessation de paiements. Ses finances sont exsangues et, pour pouvoir ne serait-ce qu'assurer le paiement des fonctionnaires du territoire, ce sont les règlements aux entreprises et aux communes de Polynésie française qui sont aujourd'hui différés.
Au-delà de la situation des finances de la Polynésie française, c'est la situation financière de l'ensemble des collectivités publiques – pays, communes, groupements de communes – et des entreprises qui est directement menacée.
À la minute où je vous parle, le fonds intercommunal de péréquation, qui est alimenté par un prélèvement sur la fiscalité perçue par le territoire, ne dispose plus que de 41 centimes d'euros dans ses caisses. Les communes ne perçoivent plus aucun versement du FIP et elles ne pourront bientôt plus assurer le paiement des salaires de leurs agents – pour certaines d'entre elles, dès ce mois-ci.
La situation des entreprises n'est pas plus brillante. Déjà mises à mal par une crise ininterrompue depuis trois ans, elles sont confrontées aujourd'hui au retard de paiement du territoire en particulier, et des collectivités publiques en général. Nombreuses sont celles qui sont sur le point de mettre la clé sous la porte.
En même temps, devant l'impossibilité pour le pays de mobiliser les emprunts nécessaires au financement de ses investissements, la Polynésie française est aujourd'hui dans l'obligation de réduire considérablement ses investissements publics. En 2011, la commande publique pour le territoire de la Polynésie aura diminué de plus de 110 millions d'euros, soit une chute de 30 % comparativement aux exercices précédents.
L'activité économique est en berne et dire que la cohésion sociale est menacée apparaît comme un doux euphémisme, dans un territoire de la République qui ne bénéficie pas des amortisseurs sociaux que sont l'indemnisation du chômage ou le RSA.
Nous sommes, madame la ministre, dans une spirale dépressionniste qui nous conduit vers une situation inextricable qui porte en elle le risque d'une explosion sociale majeure. Nous devons tout faire pour l'éviter. Pour cela, il faut rapidement prendre les mesures indispensables pour permettre de redresser la situation financière du pays et redonner à nos entreprises, à notre population, ne serait-ce que l'espoir d'un avenir.
Nous savons, vous et moi, que l'État ne peut pas tout faire. Nous connaissons tous les difficultés majeures auxquelles nous devons faire face. Mais l'État doit jouer son rôle de facilitateur. Il doit tout faire pour que nos collectivités territoriales polynésiennes, territoires et communes, puissent agir efficacement pour remettre la Polynésie sur la voie d'un nouveau mode de développement, plus équilibré, mieux maîtrisé, au sein de la République.
Nous savons les germes que porte en elle la situation où prospèrent la paupérisation et le désespoir. Aujourd'hui, il faut renouer le dialogue entre l'État et les autorités politiques polynésiennes et l'élargir à l'ensemble de la classe politique polynésienne. Il faut sortir de cette impasse, et vite. C'est le seul moyen, la seule perspective, qui pourra rendre crédibles les orientations contenues dans le document budgétaire que vous nous présentez ce soir, et que je voterai.
Madame la ministre, je crois que c'est la première fois que je ne dépasse pas le temps de parole qui m'est imparti mais j'espère que la brièveté de mon propos vous aura touchée et que vous aurez entendu mon message. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)