Madame la ministre, je tiens tout d'abord à excuser mon collègue et ami Victorin Lurel, qui ne pourra pas nous rejoindre en raison du congrès des élus locaux de Guadeloupe, qu'il préside. Il vous en avait d'ailleurs avisée.
Mayotte est paralysée par la crise sociale. Des tensions se ravivent en Nouvelle-Calédonie. La Polynésie est au bord de la faillite. Les feux de forêt à La Réunion montrent de graves failles dans la gouvernance. Je pourrais continuer cette listes de désastres, mais je m'arrêterai là pour préserver le moral de notre assemblée. Accordons-nous toutefois pour dire que si la France dispose encore de son triple A, les crédits alloués à l'outre-mer cette année souffrent plutôt du triple T : Trop peu, Trop éparpillé, Trop inefficace.
Le premier T : trop peu. En 2012, les crédits budgétaires pour l'outre-mer vont s'effondrer de près de 25 millions d'euros en autorisations d'engagements. Et ce n'est qu'un début. Nous avons appris lundi que le Gouvernement comptait encore raboter les crédits budgétaires de 54 millions d'euros.
La crise économique n'épargne pas les outre-Mer, bien au contraire, et la rigueur assombrira l'avenir de ces territoires. L'exemple de la Polynésie est à cet égard consternant : la mission d'assistance des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales avait dressé en septembre 2010 un tableau accablant : 9 000 emplois détruits depuis 2008, absence de coordination des politiques d'investissement public, les caisses de prévoyance sociale en faillite, une fraude fiscale massive.
Ce triste constat est, hélas, partagé par l'ensemble de nos territoires ultramarins. En Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, certaines zones ont vu le chômage des jeunes atteindre des sommets, jusqu'à 60 %. L'absence de moyens s'est révélée dramatique ces derniers jours à La Réunion. Il a fallu attendre sept jours et la perte de 3 000 hectares de forêt classée au patrimoine mondial de l'UNESCO pour que le Dash 8 soit envoyé en renfort.
Le Gouvernement sacrifie la protection sociale, l'environnement, mais, plus grave, la jeunesse, qui subit tout particulièrement ces coupes budgétaires. Les autorisations d'engagement pour le Service militaire adapté – le SMA –, dont le rôle dans la formation des jeunes ultramarins est essentiel, ont été divisées par trois par rapport à l'année précédente. Le Président Sarkozy s'était pourtant engagé il y a deux ans à doubler les effectifs du SMA.
Madame la ministre, quand allez-vous reconnaître que nous donnons trop peu aux outre-mer, qui ont tant besoin de relancer le moteur de la croissance et de l'emploi ?
Le deuxième T : Trop éparpillé ! En me perdant dans les méandres des documents budgétaires proposés par le Gouvernement, je ne peux que m'inquiéter de l'absence de cohérence des crédits et des dispositifs fiscaux proposés. Je ne vois nulle part une vision pour l'avenir de l'outre-mer, tout juste un enchevêtrement de mesurettes dont l'efficacité n'a même pas été évaluée. Cet état de fait est particulièrement déplorable dans le domaine de la politique du logement. La réforme de la fiscalité du logement social et du financement de la construction de logements sociaux prévue par la LODEOM donne l'impression de s'être faite en totale déconnexion avec l'objectif gouvernemental d'augmenter la création de logements locatifs dans les DOM de 10 % par rapport à l'année précédente. En bout de la chaîne du logement, l'hébergement d'urgence après des catastrophes naturelles subit un coup dur avec votre projet de budget. Les fonds de secours, ayant vocation à aider les collectivités territoriales assistant les sinistrés en grande difficulté, seront divisés par cinq ! Où est la cohérence madame la ministre ?
Le troisième T : Trop inefficace ! Les politiques publiques à l'égard de l'outre-mer sont marquées par le sceau de l'échec dans de nombreux domaines. Face à un chômage galopant, le Gouvernement n'a qu'un seul mot à la bouche : exonérations. Les exonérations de cotisations de sécurité sociale restent la principale dépense de l'action de soutien aux entreprises, avec près de 1 117 millions d'euros budgétés. J'ai envie de vous répondre : il ne devrait pas y avoir d'exonérations sans évaluation. Ces niches sociales ultramarines profitent essentiellement aux plus riches de nos concitoyens. Elles sont souvent qualifiées de « niches VIP », tant elles profitent à un petit nombre de foyers. Le rapport de l'Inspection générale des finances du 24 août dernier est, à cet égard, sans appel sur l'impact social et budgétaire de ces niches : les niches sociales pour l'outre-mer sont mal formatées et n'ont jamais été véritablement évaluées. Pire, on peut soupçonner que leur impact sur l'emploi est négligeable. Le rapporteur spécial relève, par exemple, des écarts minimes de taux de croissance de l'emploi dans les entreprises bénéficiaires des exonérations. Il est primordial d'en revoir le périmètre, afin que nos compatriotes des outre-mer puissent enfin voir les effets concrets de ces dépenses fiscales sur leurs conditions de vie, leur pouvoir d'achat, leur logement.
Trop peu, trop éparpillé, trop inefficace, ce budget est un parjure. Un parjure par rapport aux promesses solennelles que vous et votre gouvernement aviez faites lors du conseil interministériel de l'outre-mer, dont les ultra-marins attendent toujours les répercussions concrètes.
Je conclurai mon propos en rappelant les mots d'Aimé Césaire : « Les Français d'outre-mer doivent redevenir des Français à part entière, pour cesser d'être des Français entièrement à part. » Votre budget, madame la ministre, échoue à faire l'un comme l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)