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Intervention de Didier Quentin

Réunion du 8 novembre 2011 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l'économie se dégrade en Europe sur fond de crise budgétaire et financière, la situation de Mayotte, en proie depuis le 21 septembre 2011 à un mouvement contre la vie chère, nous rappelle combien il est nécessaire de soutenir et de conforter le développement de nos départements et collectivités d'outre-mer.

Si le budget de l'État poursuit en 2012 sa trajectoire de retour à l'équilibre, amorcée en 2011, permettant ainsi de ramener le déficit public de 5,7 à 4,5 % du produit intérieur brut, on peut se féliciter que, dans un contexte budgétaire aussi contraint, les crédits relatifs à l'outre-mer aient été consolidés.

Cette évolution positive témoigne de la volonté du Gouvernement et du Parlement de poursuivre la mise en oeuvre des engagements formulés lors du Conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009, ainsi que des mesures prévues par la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009

En effet, si l'objectif pris par le Gouvernement de ramener le déficit public à 3 % du PIB à l'horizon 2013 est intangible, il ne saurait se faire au détriment des départements et collectivités d'outre-mer. Tel est le pari réussi du projet de loi de finances pour 2012. En effet, les décisions courageuses prises pour redresser nos finances publiques préservent le budget alloué à la mission « Outre-mer », dont les crédits s'établissent à 2,18 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,03 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation respective de 1,1 % et 2,9 % par rapport au budget 2011.

Si ses crédits sont confortés, la mission « Outre-mer » n'en contribue pas moins à l'effort de redressement des comptes publics. Mme la ministre nous présentera d'ailleurs, au cours de la discussion, un amendement en ce sens, qui nous vaudra une intervention, que je pressens fort opportune, de notre collègueRené-Paul Victoria.

Ce budget est donc marqué par l'application aux niches fiscales concernant l'outre-mer du coup de rabot de 10 %. Cependant, celui-ci ne sera pas appliqué à l'investissement dans le logement social outre-mer et cette décision gouvernementale doit être saluée. La défiscalisation prévue par la LODEOM du 27 mai 2009 constitue en effet, un outil déterminant pour favoriser la finalisation des plans de financements proposés par les bailleurs sociaux.

S'agissant des investissements productifs industriels outre-mer, le coup de rabot de 10 % s'accompagnera, comme en 2011, d'un dispositif technique de rétrocession de la réduction d'impôt à l'exploitant ultramarin, afin de faire porter les efforts uniquement sur l'investisseur privé et non sur l'exploitant local.

Avec un budget ainsi conforté, la mission « Outre-mer » garantira, en 2012, le respect des engagements pris par le Gouvernement dans des domaines d'intervention prioritaires comme l'emploi.

S'agissant des thèmes qui relèvent plus spécialement de la compétence de notre commission des lois, je voudrais principalement évoquer l'actualité institutionnelle très dense qui caractérise les outre-mer, en commençant par la départementalisation de Mayotte.

La transformation de Mayotte en département d'outre-mer est désormais effective depuis le 31 mars 2011. Afin de mener à bien cette réforme, les lois du 7 décembre 2010, dont l'une de nature organique, ont défini les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions du département de Mayotte et ont engagé le processus d'harmonisation juridique nécessaire à l'application du droit commun.

Premièrement, elles ont, dans cette perspective, doté le département de Mayotte d'un conseil général exerçant les compétences d'un département et d'une région. À cette fin, les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à ces collectivités de droit commun ont été étendues à Mayotte sous réserve de certaines adaptations.

Deuxièmement, elles ont étendu à Mayotte l'ensemble des dispositions du code électoral.

Troisièmement, elles ont rendu applicables à Mayotte certains textes dans de nombreux domaines : copropriété, éducation nationale, protection du patrimoine culturel, dès le mois de mars 2011. Elles ont habilité le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnances à d'autres extensions dans un délai de dix-huit mois. Des ordonnances ont été, ou seront ainsi prises en matière de protection sociale, de droit du travail, d'urbanisme, d'environnement ou d'organisation judiciaire.

Le mouvement de protestation contre la vie chère que connaît Mayotte depuis le 21 septembre 2011 nous rappelle combien il est aujourd'hui nécessaire d'accompagner et de conforter le processus de départementalisation. Si les négociations sont toujours en cours, sous l'égide de M. Denis Robin, préfet, et de M. Stanislas Martin, chef de service de la direction générale de la concurrence, entre l'État, les organisations syndicales et les représentants de la grande distribution, nous ne pouvons qu'appeler de nos voeux la conclusion rapide d'un accord de sortie de crise et la fin immédiate des violences.

Au-delà de cette actualité, la départementalisation ne peut être, comme j'avais eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle que progressive, compte tenu des contraintes particulières qui pèsent sur cet archipel. La pleine accession de Mayotte au droit commun des départements d'outre-mer suppose de soutenir le développement économique et social de ce territoire, qui est une condition indispensable à la réussite de la départementalisation.

Le contrat de projet ambitieux que le Gouvernement a signé en 2008 avec le conseil général de Mayotte permettra d'y réaliser, chaque année et jusqu'en 2013, 60 millions d'euros d'investissement public, qu'il s'agisse du logement social, de l'assainissement, de l'agriculture, de l'aquaculture, de la pêche ou encore des transports.

En outre, le Gouvernement a mis en place en mars 2011, le fonds mahorais de développement économique, social et culturel doté, en 2012, de 10 millions d'euros, et ce pour financer de nouveaux projets d'investissement public et privés. Afin que ce fonds mahorais puisse rapidement bénéficier des fonds structurels européens, il est indispensable, j'y insiste, que Mayotte accède, au plus tard en 2014, au statut de région ultrapériphérique de l'Union – RUPV.

La pleine accession de Mayotte au droit commun des départements d'outre-mer suppose également l'établissement d'un état civil fiable. Pour répondre à cette difficulté, un dispositif spécifique a été mis en place au début des années 2000, avec la création de la commission de révision de l'état civil de Mayotte – la CREC –, à propos de laquelle M. Dosière et moi-même sommes souvent intervenus. Celle-ci pouvait être saisie par toute personne majeure, née à Mayotte avant le 8 mars 2000, en vue de déterminer son identité et de dresser les actes de l'état civil correspondants. Alors que la CREC a cessé son activité le 5 avril dernier, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez dresser un bilan de son action.

Je voudrais enfin dire quelques mots des évolutions institutionnelles concernant les autres collectivités ultramarines. En Guyane et Martinique, conformément au souhait des populations, la loi du 27 juillet 2011 a institué les deux collectivités uniques. En vue d'accompagner cette réforme, il est nécessaire d'anticiper dès maintenant, par le dialogue et la concertation, la mise en place en mars 2014 d'une collectivité unique en Guyane et en Martinique. Il est souhaitable à ce titre que les dispositions réglementaires relatives à la commission tripartite, composée de représentants de l'État, du département, ainsi que de la région, chargée de préparer la mise en place de la nouvelle institution soient publiées dans les meilleurs délais.

L'instabilité politique chronique de la Polynésie française a conduit le Gouvernement et le Parlement à modifier la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Tel est l'objet de la loi organique du 1er août 2011.

Elle entendait, premièrement, mettre fin à l'instabilité chronique des institutions polynésiennes en modifiant, à cette fin, le régime électoral applicable. La loi organique du 1er août 2011 a ainsi institué une circonscription électorale unique, composée de huit sections, en assurant la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés, avec un mode de scrutin de liste à deux tours et assorti de conditions de domiciliation et d'imposition.

Deuxièmement, rénover le statut de la collectivité d'outre-mer, afin de réduire la dépense publique locale et de rendre plus efficientes les relations entre l'exécutif et l'assemblée délibérante. Plusieurs mesures ont été prises à ce titre : renforcement des conditions de dépôt et d'adoption d'une motion de défiance à l'encontre du gouvernement polynésien, limitation à dix du nombre des membres de ce même gouvernement ; limitation, dès 2012, des crédits nécessaires à la rémunération des collaborateurs de cabinet à 5 % des dépenses consacrées à la rémunération des personnels de la collectivité.

Je considère cependant que ces mesures – aussi positives soient-elles – doivent être prolongées, au plan local, par la conduite de politiques publiques cohérentes, tout particulièrement en matière d'aménagement et de développement durables du territoire.

Mes chers collègues, au terme du temps qui m'est imparti, je vous invite, au nom de la commission des lois, à adopter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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