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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 7 novembre 2011 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Médias livre et industries culturelles

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je réponds tout de suite à Mme Mazetier, que je suis tout à fait ouvert à toutes les procédures permettant de venir au secours de Charlie Hebdo. Que ses journalistes viennent me voir, je les attends. Je leur ai laissé des messages, ils ne m'ont pas répondu. Ils savent qu'ils seront très bien reçus dans ce ministère. Comme beaucoup d'entre vous, au cours mon adolescence et de ma jeunesse, lire Hara-Kiri puis Charlie Hebdo m'apportait espoirs et amusement.

Le projet de budget pour 2012 pour les médias, le livre et les industries culturelles que j'ai le plaisir de vous présenter se veut réaliste et à même d'accompagner les objectifs du secteur.

Après l'effort budgétaire exceptionnel pour le passage au tout numérique réalisé en 2010 et 2011, les crédits destinés aux médias, au livre et aux industries culturelles sont stables, à 4,6 milliards d'euros. Il s'agit ainsi d'accompagner plusieurs chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'ARTE-France, ou encore la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France.

Le budget pour 2012 clôt une période de cinq années au cours desquelles les efforts réalisés par l'État pour accompagner et moderniser ces secteurs ont été particulièrement importants. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé d'un milliard d'euros, et l'effort cumulé de l'État s'est élevé à près de 4 milliards d'euros. Nous avons pu ainsi nous consacrer au lancement et à la poursuite de ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les états généraux de la presse, la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France ou la réforme du modèle économique de France Télévisions. Comme vous l'avez souligné, chers Patrice Martin-Lalande et Christian Kert, jamais un Gouvernement, jamais une majorité n'aura autant réformé et accompagné financièrement le secteur des médias au cours d'une législature.

Avant de répondre aux questions soulevées par les rapporteurs et les intervenants, je voudrais préciser que, dans le cadre des efforts supplémentaires annoncés par le Premier ministre ce matin, le secteur devra prendre part aux efforts, mais je veillerai à ce que les conséquences en soient maîtrisées.

En ce qui concerne la presse, nous accompagnons étroitement en 2012 les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d'une gouvernance rénovée. Cette réforme de la gouvernance est indispensable pour consolider l'investissement réalisé par l'État en faveur de la presse depuis 2009.

En 2012, nous consacrons 390 millions d'euros aux aides à la presse. Le plan exceptionnel mis en oeuvre à l'issue des états généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une baisse, qui est, rétablissons la vérité des chiffres, de l'ordre de 7 %. Je me suis particulièrement mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous. Ils demeurent ainsi à un niveau historiquement élevé, nettement supérieur, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique. Je me suis par ailleurs engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions.

Vous avez plus particulièrement évoqué, cher Michel Herbillon, cher Marcel Rogement, la baisse des aides au portage. Cette évolution tient compte du développement même du dispositif, qui concerne désormais plus de 25 % des ventes totales, et elle s'accompagne d'une modification de la répartition entre aide au stock et aide au flux, conformément aux souhaits des éditeurs.

S'agissant des états généraux de la presse, qui ont été évoqués par Patrice Martin-Lalande, Michel Herbillon et Marcel Rogemont, il m'apparaît que le premier bilan qui peut aujourd'hui en être tiré est particulièrement positif.

Tous les engagements de l'État ont été tenus. Entre 2009 et 2011, plus de 580 millions d'euros de crédits complémentaires ont été consacrés à la presse. Cet effort s'est traduit par une hausse de plus de 60 % des crédits. Les mesures prises par l'État ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, alors qu'elle était confrontée à la plus grave crise depuis l'après-guerre, et d'accélérer sa reconversion vers un modèle économique équilibré tenant compte des enjeux du numérique. Ces efforts, cher Michel Françaix, n'ont pas été menés seulement en direction de la presse people et récréative !

En matière de portage, nous tenons nos objectifs en termes de développement d'une offre structurante. Ainsi, le nombre d'exemplaires portés a progressé de 50 millions en trois ans, pour atteindre 850 millions en 2010. Aujourd'hui, le portage à domicile représente plus du quart des ventes totales de la presse, contre 21 % en 2005.

La réforme du réseau de la vente au numéro se poursuit, avec comme objectif, à terme, de parvenir à une revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse et à une amélioration des conditions d'exercice de leur profession autour d'une régulation professionnelle modernisée.

L'évolution des conditions d'exercice des métiers de la vente et la rupture des équilibres historiques de la distribution de la presse justifiaient une adaptation urgente du cadre de régulation générale du secteur, ce qui a été fait en juillet dernier dans le cadre de la réforme de la loi Bichet. Cette réforme historique, dont nous ne nous sommes approchés qu'en tremblant, s'appuie sur un renouvellement en profondeur du Conseil supérieur des messageries de presse et de ses missions, ainsi que sur la création de l'Autorité de régulation indépendante de la distribution.

L'engagement en faveur d'un environnement industriel compétitif se poursuit. L'objectif fixé à l'issue des états généraux était de réduire de 40 % les coûts de production de la presse parisienne et de conclure un nouveau contrat social entre partenaires. Un accord a donc été signé en octobre 2009 entre le Syndicat de la presse quotidienne nationale, les représentants de la presse gratuite et plusieurs syndicats professionnels. Cet accord redéfinit l'organisation quotidienne du travail dans les centres d'impression et prévoit un soutien à la reconversion professionnelle, auquel l'État participe d'une manière particulièrement significative.

Par ailleurs, la politique de conquête de nouveaux lecteurs initiée dans le cadre des états généraux de la presse est un vrai succès. L'opération d'abonnement « Mon journal offert » a ainsi permis d'amener, en deux ans, plus de 560 000 jeunes à la lecture de la presse quotidienne d'information générale, soit plus de 5 % des 18-24 ans. L'objectif d'abonner gratuitement 200 000 jeunes par an a été largement dépassé. Ce succès laisse présager un fort potentiel pour les projets de diversification des marques de la presse quotidienne, notamment sur des offres mobiles, domaine de prédilection de la jeunesse.

Enfin, s'agissant plus particulièrement du défi du numérique, question qui vous tient très à coeur, cher Michel Herbillon, sachez que l'État entend bien qu'il soit relevé. Nous soutenons ainsi le développement de nouvelles pratiques professionnelles et de nouveaux modèles économiques adaptés à l'ère du numérique.

La loi de juin 2009 qui encadre la rémunération des journalistes dans le cadre de la réutilisation plurimédias des contenus rédactionnels a été la première réalisation du plan d'action des états généraux de la presse. Je préciserai, pour répondre à Michel Françaix, que la sécurisation de la rémunération des journalistes est un axe majeur de la politique que nous menons en faveur de la valorisation des pratiques professionnelles. Cette politique s'accompagne d'un effort inédit en faveur de la formation professionnelle des équipes rédactionnelles et de l'adaptation de leurs pratiques au nouvel environnement économique. Un engagement de développement de l'emploi et des compétences a notamment été conclu le 30 juin 2009 entre l'État et les partenaires sociaux pour une durée de trois ans. Il a permis d'engager plus de 7 000 actions de formation.

S'agissant de l'adaptation de la presse à l'ère numérique, la création d'un statut d'éditeur de presse en ligne, assorti d'un régime de responsabilité adapté, a ouvert la voie à une harmonisation des aides publiques à la presse, permettant à la presse en ligne de bénéficier d'un soutien identique.

Plus d'un an après sa création, le Fonds d'aide au développement des services de presse en ligne a instruit 210 dossiers, pour des aides annuelles de plus de 15 millions d'euros. Si le fonds accompagne toutes les familles de presse en ligne, il se consacre beaucoup à la migration de la presse papier vers le numérique. Le nombre de nouveaux acteurs du Web qui bénéficient du fonds progresse régulièrement, pour représenter aujourd'hui 20 % des aides.

Ce fonds, s'il reste modeste au regard des efforts consacrés à la distribution de la presse papier, est à l'image du poids économique du numérique dans l'exploitation actuelle de la presse écrite. D'autres dispositifs, comme ceux sur lesquels nous sommes en train de travailler avec les éditeurs dans le cadre des investissements d'avenir, devraient compléter cet arsenal. II s'agit ainsi d'engager une dynamique de co-investissement dans les nouveaux modèles de distribution numérique de la presse.

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