Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Françaix

Réunion du 7 novembre 2011 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Médias livre et industries culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour la presse :

Monsieur le président, monsieur le ministre, alors que l'État consacre 1,2 milliard d'euros au soutien à la presse, et après trois ans d'un effort financier important, que constate-t-on ? La question n'est pas de savoir si l'on donne plus, mais si l'on donne mieux.

Force est de constater que la diffusion des titres les plus aidés est en recul et que l'avenir de plusieurs titres – La Tribune, France Soir, L'Indépendant, Midi libre, Centre Presse, Paris Normandie et même la presse gratuite du groupe Comareg –, comme celui de Presstalis, n'apparaît plus assuré.

La situation des diffuseurs, dont l'amélioration était l'un des objectifs principaux, n'a jamais été aussi mauvaise. Le réseau des points de vente, dont on annonçait le développement, n'a jamais été aussi mauvais.

Si cette situation résulte en partie de la crise économique et du développement d'internet, je reste convaincu qu'elle serait meilleure si les crédits consacrés à la presse avaient été mieux ciblés. Partant d'un bon diagnostic, on a appliqué un mauvais traitement ou, à tout le moins, fait un très mauvais dosage, car les aides sont tellement intégrées au modèle économique qu'augmenter les aides a souvent été aggraver la maladie.

Je vous suggère, monsieur le ministre, de changer de schéma.

Le Président de la République, lors des États généraux de la presse écrite, a fait du développement de la presse sur le numérique une priorité. Mais peut-on parler de priorité alors que l'aide à la presse en ligne n'atteint pas vingt millions d'euros sur près de 1,2 milliard d'euros d'aides et que la presse en ligne est toujours pénalisée par un taux de TVA de 19,6 % ? Le Président avait très justement présenté le portage comme l'avenir de la distribution de la presse. Comment expliquer alors que ce soit l'aide au portage qui serve de variable d'ajustement en 2012, passant de 68 à 45 millions d'euros alors qu'on continue de financer l'aide postale à la hauteur de plus de 200 millions d'euros ? Je rappelle pour mémoire que près de la moitié de l'avantage tarifaire postal demeure attribuée à des titres de presse récréative, dont 20 % pour huit magazines consacrés à la télévision. À eux seuls, ils bénéficient de 53 millions d'euros d'avantage tarifaire, soit un montant largement supérieur aux aides à la modernisation. L'an dernier, j'ai eu l'occasion de montrer le scandale qu'a constitué le mauvais calibrage du plan de soutien au portage, et c'est au moment où nos remarques ont été prises en compte, au moment où le portage décolle et a besoin d'être accompagné que l'effort est réduit ! C'est incompréhensible.

Une autre priorité affichée était de cibler davantage l'effort financier sur les titres d'information politique générale. Or que voit-on ? La presse magazine obtient 35 % des aides, et la presse quotidienne nationale 15 %. Il vaut mieux s'appeler Voici et appartenir à la presse récréative que s'appeler Libé, La Croix ou L'Humanité !

Alors que les constats alarmants sur l'inefficacité globale du système et, singulièrement, sur son absence de ciblage établis par le rapport Cardoso appelaient une action de grande ampleur, la réforme des aides à la presse ne porte que sur quelque trente millions d'euros d'aides, alors que leur montant total est de plus d'un milliard, et se limite à une mesure cosmétique. La montagne a accouché d'une souris !

Des mesures d'amélioration de la gouvernance des aides sont annoncées, dont on peut tout de même satisfaire, non sans s'étonner que « procéder à des évaluations régulières de l'efficacité et de la pertinence des aides » et rendre publics les montants attribués à chaque bénéficiaire n'aille pas de soi depuis longtemps. Ah, secret des affaires, quand tu nous tiens !

Avec les mêmes aides, nous pouvons faire mieux, monsieur le ministre. Oui, la presse nationale mérite plus que 15 % des aides. Oui, il faut faire davantage pour la formation des journalistes. Oui, la presse numérique doit être aidée davantage. Oui, l'amélioration des contenus doit être prise en compte dans les aides. Oui, le portage, oui, les journaux qui ont un code déontologique ou une charte, malgré l'échec de la commission Frappat, méritent une aide plus importante. Oui, le système coopératif doit être préservé, car, sachez-le bien, c'est la seule justification des aides à la presse magazine : pourquoi ces aides seraient-elles attribuées au profit d'un lecteur qui ne serait plus un lecteur citoyen mais un lecteur consommateur ? Aider tout le monde, c'est n'aider personne. Les aides sont justes quand elles sont inégalitaires.

J'en viens à la réforme de la gouvernance de l'AFP.

S'agissant de la clarification des relations financières entre l'État et l'agence, il s'agit de sécuriser juridiquement et financièrement celle-ci.

Le conseil d'administration doit évoluer pour sortir du tête-à-tête entre le PDG et les syndicats.

S'il est clairement souhaitable que la part des représentants des clients soit réduite, il n'est pas souhaitable que le rapport évolue nettement en faveur des représentants de l'État.

Je suis également favorable à un allongement de la durée des mandats des membres du conseil supérieur, du conseil d'administration et du président-directeur général. L'AFP a besoin de stabilité.

On peut considérer que la réflexion n'est pas suffisamment mûre pour une réforme de statut. Cependant, un éventuel projet de réforme du statut, si tant est que son utilité et sa nécessité soient clairement démontrées, ne doit pas être partisan mais doit résulter d'un compromis entre toutes les forces politiques de la nation, comme le statut de 1957 qui avait rassemblé François Mitterrand, alors ministre de la communication, Jacques Chaban-Delmas et Jean Marin, représentant du mouvement gaulliste.

À l'heure d'Internet, il est difficile d'être une agence car Internet n'a pas besoin de validation et l'on se demande parfois si les Français demandent une validation des informations qu'ils reçoivent.

L'AFP ne doit pas être une officine de communiqués, comme le souhaitait M. Lefebvre. L'AFP n'est pas la voix officielle de la France mais l'une des voix par lesquelles la France peut faire entendre ses valeurs au-delà de ses frontières. L'AFP n'est pas seulement un regard économique, c'est un regard alternatif par rapport aux autres agences.

Monsieur le ministre, l'indépendance est la conjugaison de la transparence et de l'autonomie. Nous avons, tous ensemble, du travail à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion