… et de la transformation des 425 millions d'euros d'aides directes en d'autres formes d'aides à la presse. Ce n'est pas le principe d'une aide qui est en cause, mais il s'agit d'imaginer les moyens de rendre cette aide plus efficace – un objectif que nous ne pouvons que partager.
La distribution numérique sur tablette – ou moyen assimilé – est sûrement l'avenir de la presse écrite, étant donné que l'impression et la distribution représentent 60 % du coût d'un journal.
Les progrès considérables d'internet haut débit en France et du confort de lecture procuré par les terminaux avec notamment l'arrivée de la tablette tactile, vont inévitablement conduire à se poser une question stratégique sur l'emploi des 425 millions d'euros d'aide directe de l'État à la presse.
Est-il plus efficace de continuer à améliorer la gestion des aides actuelles – ce qui est nécessaire dans l'attente d'autres solutions – ou de placer cet argent sur la généralisation de la réception des contenus presse sur tablette ou autre terminal ? Il faudra se poser cette question qui peut paraître provocatrice pour le moment.
Cette économie d'une majorité des coûts de production de l'information écrite pourrait permettre d'abaisser le prix payé par le lecteur et donc de rendre plus effective l'accessibilité de tous à l'information de presse, ce qui est le but de l'intervention des pouvoirs publics. N'oublions pas qu'actuellement, la presse quotidienne française est l'une des plus chères du monde.
En matière de distribution de la presse, les états généraux ont créé les conditions propices pour mener à bien plusieurs chantiers : la réduction des frais généraux qui pénalisent le niveau 1, la mutualisation entre la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale pour optimiser le niveau 2 et l'amélioration de la rémunération des diffuseurs au niveau 3.
Il demeure une course de vitesse entre, d'un côté, la réalisation d'économies grâce aux réformes et, de l'autre côté, la baisse des ventes qui absorbe l'essentiel de ces économies. Pour faire face à cette baisse des volumes, il faudra mutualiser les moyens et redéfinir à terme la chaîne de valeur en faveur du niveau 3, les diffuseurs, qui sont le maillon vital d'accès aux lecteurs.
La plupart des règles régissant notre audiovisuel national sont à redéfinir face aux mutations numériques que la généralisation de la télévision connectée ne manquera pas d'accélérer.
Les nouveaux téléviseurs vont permettre d'accéder directement à internet, rendant encore plus aiguë la concurrence entre les types de consommation télévisuelle, « linéarisée » ou « délinéarisée ».
On peut s'interroger, en France comme partout dans le monde, sur l'avenir du modèle classique de chaîne de télévision. Quel rôle éditorial auront les chaînes de télévision classiques si le « télénaute » consomme à l'unité des contenus qu'il recherche à la carte sur internet ?
Quelle fonction d'intermédiaire pour ces chaînes alors que les géants de l'internet, comme Google, Apple, Facebook et autres, alors que les producteurs de programmes, les fabricants de téléviseurs et les fournisseurs d'accès à l'internet organisent déjà leur court-circuitage en proposant directement des contenus audiovisuels au télénaute ?
S'agissant de la TNT, il faudra consolider les rares nouveaux entrants restants que sont les groupes NextRadioTV et NRJ. Les capacités du marché publicitaire et le risque de disperser les moyens de financement actuels incitent à ne créer que quelques nouvelles chaînes de vrai complément et surtout pas de nouvelles chaînes « mini-généralistes ».
Il est à craindre que les décisions sur la radio numérique terrestre et la télévision mobile personnelle ne continuent de se heurter à l'absence de modèle économique justifiant d'investir dans de nouveaux réseaux au moment où la France doit massivement investir pour le très haut débit.
La convergence numérique, qui prend un nouvel essor avec l'arrivée de la télévision connectée, posera encore plus fortement la question de la régulation future.
Se pose d'abord la question des objectifs de l'intervention de l'État. L'un des objectifs majeurs de l'État est d'assurer le pluralisme dans les médias et la liberté d'expression de toutes les sensibilités. Il faudra trancher la question du niveau auquel il est encore utile, dans le monde foisonnant du numérique, que l'État apporte un financement pour assurer le pluralisme des sources d'information.
Se pose ensuite la question des règles applicables. Il va nous falloir renoncer à un certain nombre de nos lignes Maginot et redéfinir les règles applicables pour atteindre les objectifs que la France veut faire valoir dans le monde numérique. Il en est ainsi des actuelles règles anti-concentration et des obligations de production audiovisuelle. Il faudra aussi se demander comment maintenir certaines interdictions qui doivent être respectées par la télévision classique alors qu'elles ne s'appliquent pas à la télévision connectée et aux SMAD.
Pour maintenir les investissements nécessaires dans la création, les diffuseurs auront besoin de disposer plus largement des droits de diffusion sur tous les supports. L'absence, pour les sociétés audiovisuelles françaises, de propriété des droits aboutit au paradoxe suivant : les sociétés de production françaises se vendent à des sociétés étrangères alors que ce sont les sociétés audiovisuelles françaises qui financent les productions.
Alors que les chaînes de télévision traditionnelles entrent dans une ère d'incertitude avec la télévision connectée et la délinéarisation des contenus, il faut faire financer par tous les utilisateurs de contenus la production dont le financement repose actuellement sur les obligations et les taxes supportées par les seules chaînes de télévision historiques.
Enfin, la nouvelle régulation devra combiner les différents outils de la régulation, de la co-régulation et de l'auto-régulation à l'oeuvre sur l'internet. Dans ce cadre devra être examinée la question d'un éventuel regroupement des autorités de régulation.
Personne n'en a jamais douté, mais il y a du pain sur la planche pour la prochaine législature! Comme au long de la présente législature, il faudra une volonté réformatrice permanente des pouvoirs publics et de la profession pour continuer d'inventer l'écosystème des médias de l'ère numérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)